Les défis du déploiement du Plug & Charge pour accélérer la transition vers une mobilité électrique

Le déploiement du Plug & Charge implique des transformations technologiques et organisationnelles fortes pour les acteurs de la mobilité électrique. Pour comprendre le Plug & Charge, EnergyStream a décidé de vous proposer un premier article de présentation de la solution et de son fonctionnement que vous pouvez retrouver en cliquant ici.

Afin d’approfondir les enjeux et en comprendre les défis du Plug & Charge, nous avons interrogé Margaux Vandeville, Directrice Produit et Guillaume Allio, consultant et formateur Plug & Charge chez Gireve, la plateforme d’interopérabilité au cœur de l’écosystème. Entre autres, Gireve soutient la croissance du marché de la recharge électrique en proposant des services Plug & Charge pour accompagner les opérateurs depuis la définition de leur stratégie jusqu’au déploiement de la technologie inhérente.

 Pour en apprendre davantage sur le Plug & Charge, retrouvez l’article EnergyStream dédié au sujet en cliquant ici  

Pouvez-vous rappeler rapidement ce qu’est le Plug & Charge et comment son déploiement a des répercussions sur les acteurs de l’écosystème de la mobilité électrique ? 

« Le Plug & Charge améliore l’expérience de l’utilisateur en déclenchant la recharge dès que le véhicule est branché à la borne, sans l’utilisation d’un badge, d’un terminal de paiement ou d’une application mobile pour lancer et payer la recharge. Littéralement, l’expérience est celle de « je branche, ça recharge » !

Pour permettre le Plug & Charge, une communication sécurisée est établie entre le véhicule et la station de recharge. Ces échanges reposent sur la norme ISO 15118 et sont sécurisés par 3 types de certificats : celui de la borne, produit par l’opérateur de recharge (CPO) ; celui de la voiture, produit par le constructeur automobile (OEM) ; et le dernier reliant le conducteur de véhicule électrique et son opérateur de mobilité (le MSP, aussi nommé eMSP ou EMP).

Pour que cela fonctionne, les bornes et les véhicules doivent être compatibles ISO 15118, doivent contenir les bons certificats et choisir les autorités racines auxquelles ils font confiance. Cela va nécessiter des services de PKI (Infrastructures à Clés Publiques : ensemble de technologies, de procédures et de logiciels conçus pour gérer de manière sécurisée le cycle de vie des certificats numériques) et une communication entre les différents systèmes d’information : ceux des bornes, des véhicules et des opérateurs de mobilité.

Le certificat produit par le MSP est le contract certificate. Au niveau de ce certificat, il existe un enjeu de marché fort : il doit pouvoir être reconnu par n’importe quelle infrastructure pour permettre à l’utilisateur de ne pas être contraint dans le choix de son opérateur de services. »

Où en est le déploiement de cette technologie ? Le Plug & Charge est-il déployé aujourd’hui ?

 « La technologie existe depuis plusieurs années et le marché est en train de se structurer, avec l’adoption du Plug & Charge par un nombre croissant d’acteurs. A titre d’exemple, d’après un sondage réalisé par l’association d’acteurs de l’industrie de la recharge ChargeUp Europe en 2023, un CPO sur quatre avait commencé à déployer le Plug & Charge et deux CPO sur trois projetaient de le faire sous deux à trois ans.

Le déploiement est long car il y a de nouveaux et nombreux enjeux pour les acteurs de l’écosystème. Le Plug & Charge entraîne en effet des répercussions sur les infrastructures techniques : l’adoption du service est avant tout liée à un large volume de bornes et véhicules compatibles, donc les constructeurs et CPO doivent investir pour produire des voitures et des bornes compatibles. La mise en place du Plug & Charge amène des enjeux stratégiques, notamment avec un choix « make or buy » (de production ou d’externalisation) pour les opérateurs sur de nombreuses décisions : choix de la PKI, génération et stockage des certificats, stratégie de déploiement, compatibilité des softwares

Enfin, il existe un enjeu de compréhension de l’écosystème. Les nouvelles réglementations font apparaître des nouvelles typologies d’acteurs et il n’est pas toujours évident de comprendre quels sont les sujets abordés et qui sont les acteurs concernés. Aujourd’hui, pour développer le service, il est important que des acteurs proposent des écosystèmes Plug & Charge tels que nous les avons évoqués au début de l’entretien.

Plus globalement, le déploiement à grande échelle du Plug & Charge interroge sur sa structuration. Il est nécessaire de mettre en place dès le début les bonnes conditions pour un marché ouvert, robuste et fiable, en permettant l’interopérabilité des acteurs du marché. C’est pour cela que nous prenons part à des discussions réglementaires et faisons partie de projets communs à tous les acteurs de la chaîne de valeur, pour tester les fonctionnalités et préparer leur mise en service. »

Justement, quelles sont les initiatives réglementaires qui régissent le déploiement du Plug & Charge aujourd’hui ? Les opérateurs définissent-ils eux-mêmes les standards ?

« Un enjeu crucial est celui de l’interopérabilité des acteurs et de la gouvernance du marché. Aujourd’hui, si un constructeur automobile souhaite déployer le Plug & Charge, il doit choisir les autorités racine « V2G » auxquelles faire confiance. Tant qu’il n’existe pas de gouvernance au niveau européen, chaque acteur prend cette décision lui-même. Cette situation ne facilite pas l’interopérabilité. Une gouvernance doit être mise en place et renforcée au niveau européen pour définir des critères raisonnables et partagés pour le déploiement du Plug & Charge. Sans ça, la pire situation possible serait de se retrouver avec des écosystèmes qui ne communiquent pas, avec des voitures qui ne peuvent se charger en Plug & Charge que sur certaines bornes. Ce que nous prônons, c’est au contraire un système dans lequel les acteurs se font confiance parce qu’ils apportent le bon niveau de sécurité et sont reconnus comme tels.

Aujourd’hui, plusieurs travaux européens abordent ces questions. D’abord, le Sustainable Transport Forum (STF), un groupe de travail créé par la Commission Européenne, a présenté des propositions de législation à la Commission elle-même. Et justement, un de ses objectifs est de s’assurer qu’il existe une concurrence saine et sans monopole, pour que chaque véhicule puisse avoir un contract certificate de n’importe quel MSP et fasse confiance à chaque borne.

En Europe, après un long travail sur le sujet, les critères à respecter pour qu’un acteur puisse opérer une PKI ont abouti à un projet de delegated act. L’objectif : établir une « certificate trust list », une liste des acteurs de confiance au niveau européen.

En parallèle de la prise en compte de ces sujets au niveau réglementaire, il y a eu des initiatives de la part d’associations et de consortium entre parties prenantes. En 2018, l’AFIREV et la PFA avec le support de Gireve publiaient des recommandations pour l’architecture des PKI. L’association CharIN, dont GIREVE fait partie, vient de publier un protocole standard que nous avons contribué à définir. Ce protocole est interopérable avec le nôtre, pour permettre le déploiement du Plug & Charge. Enfin, en France, nous participons à l’initiative Mobena qui rassemble tous types d’acteurs pour promouvoir le déploiement de l’ISO 15118 et du Plug & Charge depuis début 2022. Cette initiative est prolongée sur les deux prochaines années pour approfondir les sujets liés au Plug & Charge et aborder progressivement ceux liés au smart charging.

Ces initiatives communes sont essentielles. Même si le Plug & Charge repose sur un standard unique pour tous, il y a toujours des visions différentes sur sa mise en œuvre. Un protocole c’est comme une langue, chacun l’interprète comme il veut. Ces groupes d’acteurs permettent de partager nos visions et de faire des tests, ce sont des accélérateurs pour le développement du marché. »

Et hors Union Européenne ?

“En Amérique du Nord, la Society of Automotive Engineers (SAE), une organisation résultant d’une association d’entreprises du secteur automobile, s’est emparée du même sujet. Des réflexions similaires quant aux modalités de gouvernance permettant d’identifier des acteurs de confiance et favorisant une interopérabilité y sont menées, se rapprochant du modèle existant au niveau européen.”

 

Pour aller plus loin…

Il existe plusieurs versions de la norme ISO 15118 sur le Plug & Charge. Aujourd’hui, les bornes et les véhicules compatibles Plug & Charge qui commencent progressivement à être déployés sur le marché mettent en application la version de la norme ISO 15118-2. En parallèle, des réflexions sont en cours dans le cadre de la version ISO 15118-20 de la norme. Celle-ci offre un niveau de sécurité plus élevé avec l’existence d’un vehicle certificate et des différences au niveau des algorithmes de chiffrement, de la mise en place des bundles et du protocole de sécurisation des échanges. L’ISO 15118-20 amène aussi des réflexions autour du smart charging et de la charge bidirectionnelle.

Dans le cadre du Plug & Charge, un des enjeux est d’assurer l’interopérabilité entre ces deux versions.

Quel est le rôle de Gireve dans cet écosystème ?

« Nous travaillons depuis le début aux travaux de gouvernance et de structuration du marché dans le cadre du déploiement de la norme ISO 15118 sur laquelle repose le Plug & Charge. Nous participons activement aux projets européens et nationaux mentionnés précédemment.

Chez Gireve, nous avons développé un écosystème Plug & Charge, permettant à des constructeurs automobiles, des CPO et des MSP d’accéder aux certificats dont ils ont besoin pour mettre en œuvre l’ISO 15118. Cet écosystème Plug & Charge comprend des services de PKI pour la génération des certificats, une autorité de certification racine V2G à laquelle sont rattachés les certificats et qui garantit la confiance, un Certificate Provisioning Service de bundling et signature pour que les certificats des MSP soient acceptés par les véhicules et enfin des pools de certificats pour permettre le stockage et l’échange des certificats entre les acteurs.

En bref, pour Gireve, l’idée est de faciliter l’accès à ces services en les externalisant même si les bons niveaux de sécurité doivent tout de même être garantis par les différents acteurs. Par ricochet, être audité devient également une nouvelle nécessité pour montrer que les niveaux de sécurité annoncés sont bien respectés.

Pour mettre en place ces services, nous capitalisons sur notre expertise dans les services d’interopérabilité avec notre service de roaming de la recharge et sur les technologies de génération de certificats et de signatures hautement sécurisés de Thalès.

Cet ensemble de services permet à Gireve d’accompagner et de conseiller les acteurs de la mobilité électrique dans leurs décisions sur la façon dont ils souhaitent développer le service Plug & Charge (formation, ateliers personnalisés avec mises en situation et des sessions de tests). »

Comment envisager la « cohabitation » des systèmes de recharge avec une authentification via un badge ou une application face à l’émergence du Plug & Charge

 « Avant tout, ce ne sont pas des systèmes qui s’opposent. Si une borne est compatible avec le Plug & Charge, ça ne veut pas dire qu’elle ne l’est pas avec un système de badge RFID. En effet, l’ISO 15118 permet la recharge par badge RFID. Globalement, l’idée est de permettre un mode de recharge sécurisé et fluide, qui ne soit pas incompatible pour des utilisateurs qui utiliseraient encore un service avec un badge ou une authentification via une application. »

Qu’en est-il de la technologie Autocharge ?

 « Pour l’Autocharge, la démarche est complètement différente : les acteurs qui choisissent l’Autocharge ont une vision plutôt court-terme. Cela peut être une stratégie de « go to market » plus rapide, sans pour autant empêcher de préparer l’intégration du Plug & Charge à long terme. Du point de vue de l’utilisateur, l’expérience de la recharge est déjà plus fluide.

Au contraire, ceux qui choisissent l’ISO 15118 avec le Plug & Charge ont une vision long-terme allant vers des niveaux de sécurité plus élevés. Avec l’Autocharge, l’utilisateur enregistre son véhicule auprès du système de recharge via un identifiant MAC ou VIN, il n’existe pas de service de PKI associé. L’expérience utilisateur est la même qu’avec le Plug & Charge mais les échanges entre la borne et le véhicule ne sont pas chiffrés. L’Autocharge pose également question dans des contextes multi-utilisateurs sur un véhicule.

Pour aller plus loin…

Exemple d’un contexte multi-utilisateurs avec le Plug & Charge et l’Autocharge

Avec l’Autocharge, si un utilisateur prête son véhicule, il sera facturé systématiquement à chaque recharge même lorsqu’il n’utilise pas le véhicule. Ce ne serait pas le cas avec un véhicule et une borne compatibles avec un système de recharge Plug & Charge. De la même manière, l’Autocharge n’est pas facilement compatible avec l’utilisation d’un véhicule à la fois pour un usage personnel et professionnel.

 

L’Autocharge présente une réelle simplicité de déploiement donc, chez Gireve, nous laissons les opérateurs qui travaillent avec nous mettre en place l’Autocharge s’ils le souhaitent. Notons que certains constructeurs automobiles s’opposent à cette méthode d’authentification. »

Pour conclure, quels sont les messages clés que vous souhaitez partager à propos du Plug & Charge ?

 « Pour résumer les points évoqués précédemment, nous pensons que le Plug & Charge est un standard bénéfique pour le marché. Il existe des défis forts de collaboration entre les acteurs, d’interopérabilité et d’ouverture du marché pour accélérer le déploiement du Plug & Charge au niveau européen. Pour y répondre, Gireve propose une offre de services pour accompagner les acteurs dans l’adoption de l’ISO 15118 et du Plug & Charge. Par exemple, nous nous positionnons nouvellement comme autorité racine V2G, ce qui nous permet de proposer un accès à un écosystème Plug & Charge avec des services de bout-en-bout depuis les PKI jusqu’à l’autorité racine. »

Merci pour ces messages forts sur la nécessité de gouvernance et de coordination pour déployer le Plug & Charge. Vos réponses nous permettent de mieux en comprendre les enjeux et les défis.

Nous remercions chaleureusement Margaux Vandeville et Guillaume Allio, product owner et consultant chez Gireve, pour le temps qu’ils nous ont consacré lors de cet entretien et pour leurs réponses permettant de mettre en avant le fonctionnement et les défis du Plug & Charge.

Retrouvez ici les services proposés par Gireve

Ecrit par Louise CORDONNIER et Amélie LEYNIER

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