Parmi les 60 promesses de la campagne du Président de la République François Hollande, la Tarification Progressive de l’Énergie est la proposition n°42. M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, a déposé une proposition de projet de loi le 5 septembre au parlement.
En théorie, le principe est simple : plus je consomme, plus le tarif de mon énergie augmente… Mais dans la pratique les interrogations sont nombreuses, la mise en place semble très complexe et les impacts sont nombreux. Pour preuve, l’entrée en vigueur n’est pas prévue avant fin 2013, début 2014.
Cette nouvelle tarification de l’énergie concernera environ 30 millions de foyers et a pour principal but d’accélérer la transition énergétique… mais à quel prix ?
Trois tarifs d’énergie correspondants à des tranches de consommation définies selon trois critères du logement
Chaque résidence principale se verra attribuer un « volume de base » qui doit correspondre à une consommation énergétique “normale”. Ce volume de base résulte d’un savant calcul issu de 3 paramètres du logement :
- Le nombre de personne dans le foyer,
- La zone climatique,
- Le mode de chauffage.
Pour les chauffages collectifs, ce calcul dépendra uniquement de la surface chauffée et de la zone climatique.
Les bons élèves, faibles consommateurs d’énergie, seront récompensés par un bonus (subvention) et les cancres énergétiques seront punis par un malus (taxation).
Le montant des subventions et des taxes sera déterminé chaque année par décret afin de garantir l’équilibre budgétaire de ce dispositif qui doit être assuré par un principe à priori simple : le montant des malus appliqués doit compenser les subventions accordées.
Parmi les principaux amendements retenus lors de la discussion en commission, la prise en compte de l’âge des occupants du logement ainsi que l’utilisation d’équipements spécifiques semblent impacter le calcul du volume de base afin de ne pas pénaliser les personnes âgées ou disposant d’une aide médicale à domicile.
La Tarification Progressive de l’Énergie prévoit également d’autres nouveautés
Pour les locataires, il sera possible de déduire du loyer de son logement le surcoût énergétique lié à la mauvaise isolation du logement. Le but recherché est d’encourager les propriétaires à la rénovation thermique mais il semble peu probable que cette déduction de quelques euros pousse à engager des travaux importants de rénovation…
Par ailleurs, la trêve hivernale permettant de protéger les ménages en cas de non-paiement de leur facture d’énergie sera élargie à l’ensemble des consommateurs et non plus uniquement aux clients « aidés ».
Quelques nouveautés apparaissent également du côté des précaires énergétiques. Pour les ménages bénéficiant des tarifs sociaux et dont la consommation dépasse un plafond fixé par décret, un mécanisme d’alerte permettra de prévenir l’Agence Nationale de l’Amélioration de l’Habitat (ANAH) afin d’accompagner ces derniers en matière de rénovation thermique de leur logement. Comment se concrétisera cet accompagnement ? Le projet de loi ne le précise pas, c’est pourtant la clef de l’efficacité d’une telle mesure.
Aussi, tous les fournisseurs d’électricité pourront accorder le tarif social aux clients précaires, comme c’est d’ores et déjà le cas pour le gaz (applicable rapidement).
Enfin, la loi prévoit de donner la priorité à l’effacement afin d’encourager les collectivités à réduire la consommation en période de pointe plutôt que d’augmenter les capacités de production.
Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur cette proposition de loi
- Aout 2012 : Concertation informelle avec les parties prenantes
- 5 septembre 2012 : Dépôt au Parlement de la proposition de projet de loi par François Brottes
- 19 septembre 2012 : Adoption de la proposition de loi en commission des affaires économiques
- Du 25 septembre au 1er octobre : Discussions à l’Assemblé Nationale
- Avant la fin d’année 2012 : Vote de la loi
- Début 2013 : Application de l’extension des tarifs sociaux aux 4 millions de précaires énergétiques
- Fin 2013 – Début 2014 : Entrée en vigueur de la Tarification Progressive de l’Energie.
Une proposition de projet de loi encore incomplète et laissant de nombreuses interrogations
La Californie et le Japon ont adopté des mesures comparables avec des résultats plutôt satisfaisants sur la réduction de la consommation d’énergie alors que l’Allemagne et la Belgique ont rejeté de telles mesures par manque de justice sociale… Le débat est ouvert !
La Tarification Progressive de l’Energie n’a aucun intérêt sans un dispositif clef d’accompagnement des consommateurs dans la rénovation thermique de leur logement. Malheureusement, le projet de loi est encore très flou sur les conditions d’accompagnement et sur les mesures concrète d’aie à la rénovation, ce qui peut la réduit aujourd’hui à une simple taxe supplémentaire pour la majorité des ménages français.
Les impacts de la mise en place d’un tel dispositif seront nombreux sur l’ensemble des parties prenantes : consommateurs, services publics ainsi que fournisseurs d’énergie vont devoir s’adapter pour appliquer cette nouvelle tarification.
De nombreuses interrogations restent sans réponses à l’heure actuelle : Quel barème pour les résidences secondaires ? Comment récupérer le mode de chauffage pour les personnes non assujetties à l’impôt ? Comment calculer le coût lié à la mauvaise isolation pour les locataires qui peut être déduit du loyer ? Comment calculer les bonus/malus en cas de changement de situation en cours d’année ?
Autant de problèmes et de questions qui devront trouver leurs réponses dans les prochains mois et qui risquent de transformer cette idée en usine à gaz, incompréhensible pour le consommateur.
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