Elections présidentielles aux Etats-Unis : guide énergétique à destination des votants indécis

Ce 6 Novembre 2012, les citoyens des Etats-Unis d’Amérique vont élire leur futur président pour un mandat de quatre ans.
Dans ce qui s’annonce comme une course serrée entre le président démocrate sortant Barack Obama et le républicain Mitt Romney, c’est le vote des indécis qui devrait finir par départager les deux candidats.
Depuis de nombreux mois, démocrates et républicains n’ont cessé de montrer leurs positions divergentes sur les plans économique et social. Mais d’autres dossiers tout aussi stratégiques, comme celui des politiques énergétiques, n’ont à peine été dépoussiérés.

C’était sans compter sur la visite inespérée de l’ouragan Sandy, tout juste une semaine avant la soirée électorale. Aujourd’hui, c’est un pays en deuil qui attend son nouveau Président et ce sont des citoyens encore sous le choc des effets dévastateurs de Sandy (et de sa surmédiatisation) qui vont glisser leur bulletin dans l’urne.

Les prises de position des deux candidats sur le plan énergétique et environnemental intéressent plus que jamais l’opinion publique américaine et ses votants indécis lors de ce sprint électoral final.
En cette journée de réflexion, tâchons de passer en revue le programme des deux candidats sur le plan énergétique.

Les inquiétudes environnementales des citoyens américains

Avant de décortiquer les feuilles de route des deux candidats, il est important de se mettre à la place du votant et de découvrir quels sont les enjeux énergétiques qui intéressent la plupart des ménages outre-Atlantique.

En 2011 la Vermont Law School a mené une enquête pour faire ressortir les dix problématiques environnementales qui inquiètent le plus les américains.

Ci-dessous le top 5 des sujets les plus fréquemment mentionnés :

1 – Les attaques républicaines à répétition contre l’US Environmental Protection Agency (EPA) : les taxes proposées par l’EPA porteraient atteinte à la santé économique du pays.
2 – L’opposition de l’administration Obama à la mise en place d’une taxe proposée par l’EPA sur les gaz à effet de serre.
3 – L’autorisation d’exploiter les mines de charbon du Powder River Basin. Ce site est devenu le symbole d’une bataille de longue date entre les lobbys industriels favorables aux énergies fossiles et les ONG.
4 – La décision gouvernementale de reporter la construction du grand oléoduc Keystone XL devant relier l’Alberta canadien et le Texas.
5 – Les avancées de l’administration Obama en matière de lutte contre le changement climatique.

La liste ci-dessus fait logiquement ressortir les deux thèmes majeurs ayant animé les débats entre les deux camps sur le plan énergétique : les politiques règlementaires pour lutter contre les gaz à effets de serre et le type d’énergie privilégiée.

Le programme énergétique des candidats

Barack Obama : le candidat noir aux idées vertes

L’idée phare du programme de Barack Obama est le soutien actif des énergies renouvelables : promesse de réduire de moitié les importations de pétrole d’ici à 2020, nouvelles normes imposées aux constructeurs automobiles pour limiter les rejet des gaz à effets de serre dans l’atmosphère, proposition d’un système d’échange de crédits carbone…

Contrairement à son opposant, Obama peut être jugé par ses actes et les politiques énergétiques menées tout au long de ces dernières années. S’il avait affiché une politique ambitieuse en la matière, le président démocrate présente aujourd’hui un bilan mitigé avec des mesures de soutien aux filières renouvelables parfois inefficaces (exemple de la faillite de Solandra Solar) et un discours souvent contradictoire (soutien des énergies renouvelables un jour, soutien des extractions de gaz de schiste par fracturation hydraulique le lendemain).

Le 44ème Président des Etats-Unis aura eu droit à sa crise environnementale : une fuite de pétrole transformée en marée noire et en catastrophe écologique dans le Golfe du Mexique en 2010. Avec la gestion catastrophique de la crise de l’ouragan Katrina par G.W. Bush encore dans les mémoires, Barack Obama était attendu au tournant. La maison blanche n’avait plus le droit à un faux pas en matière de gestion d’une crise environnementale. L’administration Obama n’a pas commis de faux pas et a fini par accuser la firme pétrolière BP de « faute lourde et délibérée » dans une plainte déposée début Septembre 2012 devant un tribunal de Louisiane.

Mitt Romney : l’homme d’affaires porté par la marée noire

Le programme énergétique du candidat républicain repose sur l’optimisation des ressources dont disposent déjà les États-Unis et qui se trouvent dans son sous-sol. L’objectif visé est d’assurer l’indépendance énergétique à l’horizon 2020. Et pour y parvenir, Romney ne compte pas sur le développement des filières dites propres.

D’après ses conseillers, l’échec du dernier grand rassemblement mondial sur les enjeux écologiques, le Rio +20, lui donne raison. Il a par exemple annoncé qu’il donnerait le feu vert à la mise en place de forages sur des terrains publics et des zones protégées.
Il a surtout prévu de signer l’autorisation de construire l’oléoduc Keystone XL dès le premier jour de son arrivée au pouvoir pour augmenter l’importation de pétrole en provenance du Canada. Ce projet d’oléoduc très controversé, qui servirait à transporter le pétrole produit à partir des sables bitumineux de l’Alberta jusqu’à des raffineries au Texas, incarne la politique énergétique sans scrupules défendue par Mitt Romney. L’ancien gouverneur du Massachussetts se limite à soutenir publiquement un des rares projets pouvant créer des milliers d’emplois de façon durable. Une étude du Cornelle University’s Global Labor Institute montre que les effets néfastes sur l’environnement engendreraient une perte plus importante d’emplois dans les secteurs agricole et touristique.

Peu d’affrontements directs sur la question énergétique

Les deux candidats ne se sont ouvertement affrontés sur le plan énergétique que pendant quelques minutes lors du deuxième débat télévisé du 16 octobre 2012.
Mitt Romnet a attaqué Obama sur sa décision de réduire les permis de forages pétroliers qui auraient engendré une diminution notoire de la production d’énergie domestique. Le président Obama a riposté en critiquant que son adversaire laissait « les compagnies pétrolières écrire sa politique énergétique ».

Les velléités ont eu lieu par porte-paroles et manifestations interposés. Nous avons eu d’un côté des démocrates qui plaident pour une politique volontariste donnant un maximum de compétences à la maison blanche en matière de politique économique et de gestion de crise environnementale. D’un autre côté les républicains, portés par l’influence grandissante de son aile droite, le Tea Party, également appelé le parti du « Tax Enough Already », préféraient manifester contre la dictature du « big governrnment », y compris sur les questions énergétiques.  Avec sa politique keynésienne, l’administration Obama porterait atteinte aux libertés individuelles en surtaxant les ménages pour financer des programmes d’assistance aux plus démunis.

Séduire les indécis après le passage de Sandy

L’ouragan Sandy est venu secouer les consciences en même temps qu’elle ravageait la côte Est des Etats-Unis.

Un sujet qui paraissait jusque là banal et considéré comme simple sujet fétiche de l’ancien Vice-Président Al Gore, pourrait devenir crucial pour faire pencher l’élection du côté de Barack Obama. La lutte contre le changement climatique est devenue LE sujet des derniers jours de campagne.

Le développement des politiques d’urgence en cas de désastre naturel, prévues par le programme Obama font désormais l’unanimité.
Un bon-sens environemental qui est aux antipodes du positionnement du duo Romney-Ryan. En juin 2011, lors des primaires républicaines, Romney considérait qu’il était « immoral » que le gouvernement fédéral s’évertue à dépenser de l’argent public pour venir en aide aux populations démunies plutôt que de l’utiliser pour réduire le déficit. Il avait alors proposé de transférer cette responsabilité fédérale aux états et laissé la porte ouverte à la privatisation de ces services.

Obama en a profité pour attirer des personnalités populaires indécises sur le plan politique mais engagées sur le plan climatique, à l’image de Michael Bloomberg, maire indépendant de la ville de New York.
Paul Krugman, prix Nobel d’Economie et chroniqueur du plus célèbre quotidien de la ville donnait dans sa dernière rubrique avant la journée électorale un dernier coup de pouce à son favori, le président sortant. Le thème choisi pour son argumentaire? Le sujet à la mode : la gestion des catastrophes naturelles. Il met l’accent sur sa gestion honorable de la crise Sandy et la compare à la gestion catastrophique de l’ouragan Katrina en 2005 par l’administration de G. W. Bush.

Les rafales de l’ouragan Sandy auront permis à Obama de jouer la carte du commandant en chef grand protecteur de ses citoyens. Mais pas seulement. Après l’horreur de Katrina, Sandy vient confirmer la thèse des défenseurs de la lutte contre le changement climatiques qui annoncent depuis des années l’augmentation de la fréquence et la puissance des tempêtes tropicales. Les chroniqueurs n’hésitent pas en ces derniers jours de campagne à faire le lien entre les « sales projets » d’énergies fossiles (incarnés par l’oléoduc Keystone XL) et le déclenchement des catastrophes naturelles.

 

La lutte contre le changement climatique, un des fers de lance de la candidature d’Obama se place donc au cœur du débat au plus mauvais moment pour Mitt Romney, qui venait de le dépasser dans les sondages. En ces derniers jours de campagne les vents étaient favorables à Barack Obama. Mais s’il semble avoir gagné la bataille énergétique, Obama n’a pas pour autant gagné la guerre pour accéder à la maison blanche.

Quelque soit le Président élu, sa tâche sera lourde.
S’il est réélu, Obama devra respecter ses engagements tout en résistant à la pression des lobbies industriels. Il devra faire des arbitrages entre la déception des grands groupes énergéticiens et l’espoir de ses votants.
S’il est élu, Romney devra revoir ses engagements ou alors affronter la redoutable opposition d’organisations environnementales soutenues par l’opinion publique.
Nous connaissons donc déjà le premier gagnant de cette élection : le militant pour la lutte contre le changement climatique!

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