Le président François Hollande voulait raconter une histoire écologique à ses concitoyens. Après le lancement du Grenelle I et II par les gouvernements précédents, le nouveau Président de la République se devait de porter un projet ambitieux en adéquation avec les attentes suscitées par son programme électoral.
Au milieu des promesses, une seule certitude. Sa réalisation s’intitulerait « La transition énergétique ». Après avoir bénéficié d’une campagne présidentielle pour en diffuser la bande-annonce, il a fait écrire une trame à couper le souffle.
Une fois le gouvernement constitué et remanié, c’est la ministre Delphine Batho qui a repris les manettes sur le dossier avec deux priorités : constituer une équipe de tournage et organiser un casting de rêve, permettant au plus grand nombre de s’exprimer dans le cadre d’un débat national de l’énergie.
Les médias ont – logiquement – relayé les nombreux rebondissements de celui-ci, donnant à cette histoire des allures de feuilleton. Les difficultés se sont ainsi multipliées fin 2012, une multitude d’acteurs postulant pour décrocher les premiers rôles, rallongeant la préparation.
Car il ne faut pas oublier l’essentiel : les conclusions de ce débat national serviront de base à l’écriture d’un projet de loi sur la transition énergétique à la fin de l’été 2013.
2013 sera, selon les vœux de Delphine Batho, « l’année de la transition énergétique« . Energystream revient sur l’envers du décor de cette superproduction énergétique très attendue par le public.
Imaginer un scénario plein de promesses
Tout a commencé pendant la campagne pour la Présidence de la République. Le candidat François Hollande annonçait dans une tribune du Monde comment réussir la transition énergétique. Il se fixait alors deux grands objectifs : la diversification des sources d’énergie et la promotion d’une société de sobriété énergétique. Y figurait également une promesse : « j’ouvrirai, au lendemain de l’élection présidentielle […] un grand débat sur l’énergie en France associant largement les acteurs et les citoyens ».
C’est finalement François Brottes, alors conseiller de campagne, qui a été désigné scénariste et s’est chargé de faire de ces grandes lignes le volet énergétique du programme présidentiel du Parti Socialiste.
Celui-ci s’articule autour de quatre grandes questions restées jusque-là sans réponse et à aborder lors du quinquennat .
– Comment aller vers l’efficacité énergétique et la sobriété ?
– Quelle trajectoire pour atteindre le mix énergétique en 2025 et quel type de scenarii possibles à horizon 2030 et 2050 ?
– Quels choix en matière d’énergies renouvelables et de nouvelles technologies de l’énergie et quelle stratégie de développement industriel et territorial ?
– Quels coûts et quel financement de la transition énergétique ?
Pour le plus grand plaisir des spectateurs et des nombreux acteurs politiques et économiques restés en sommeil pendant des années, un grand débat national sur la transition énergétique serait organisé pour parvenir à en trouver les réponses. Par ailleurs, l’accord électoral trouvé entre le Parti Socialiste et EE-LV permettait d’assurer une co-production solide avec un socle politique à priori durable.
La co-production était signée, la trame du scénario était écrite. L’élection conditionnait le début de la production.
Constituer une équipe de tournage expérimentée
François Hollande est élu Président de la République. Et nomme Jean-Marc Ayrault à Matignon. Au moment de former le gouvernement, le portefeuille énergétique apparaît comme un exercice perilleux : il faut aller plus loin que Grenelle I et II.
Avec un scénario alléchant encore au stade de brouillon, l’assistant réalisateur allait avoir du pain sur la planche. Dans un premier temps réservé à une femme d’expérience, Nicole Bricq, le rôle fut finalement pour une femme d’audace, la nouvelle ministre de l’écologie, du développement durable et l’énergie Delphine Batho, qui décide d’organiser une « grande Conférence Environnementale » à la rentrée politique.
Cette conférence aurait pour but de dévoiler publiquement la trame du cap environnemental voulu par le Président. Lors du discours d’ouverture tenu le 14 septembre, François Hollande ne déçoit pas et s’engage à « faire de la France la nation de l’excellence environnementale ».
Cette conférence avait également pour but d’adopter une feuille de route et de réunir les principaux acteurs concernés autour de la table des négociations. En d’autres termes, elle allait permettre de rédiger un scénario abouti et de constituer une équipe de tournage.
Si le cadre parait spartiate (cinq tables rondes thématiques et deux demi-journées de débats), on n’hésite pas à dérouler le tapis rouge pour les invités. Tout le monde (ou presque) est de la partie : quatorze ministres, des représentants des organisations non gouvernementales environnementales, des organisations syndicales, des organisations d’employeurs, des collectivités territoriales et des parlementaires.
Parmi les nombreuses mesures annoncées sur la feuille de route, deux objectifs phares se détachent : ramener la part du nucléaire dans la production électrique de 75 à 50% d’ici 2025 et fermer la centrale de Fessenheim d’ici fin 2016. Un scénario qui va, à priori, à l’encontre du nucléaire. Mais faut-il encore trouver des acteurs qui puissent être en adéquation avec le script original.
Le scénario est bouclé, l’équipe de tournage est constituée. Il ne reste plus qu’à choisir les acteurs.
Éviter (ou pas) les problèmes de casting
Tout ne pouvait pas être aussi rose avec de tels enjeux. Mais c’est avant même que le tournage ne débute, dans le déroulement du casting, que sont apparus les premiers rebondissements.
Le choix des acteurs chargés de donner corps à la transition énergétique ne s’annonçait pas facile. Afin d’éviter les erreurs de casting, la Ministre a fait le choix de regrouper une multitude d’acteurs au sein de différents comités.
Un comité de pilotage, ou comité des sages, sera chargé d’animer le débat et de donner les orientations symboliques. Un « Conseil National du Débat » donnera les orientations opérationnelles et sera composé de 112 membres issus de sept collèges (État, syndicats, employeurs, ONG environnementales, associations de consommateurs, élus locaux et parlementaires). Un comité d’experts sera quant à lui chargé d’évaluer les scénarios énergétiques existants. Enfin, un « Comité des Citoyens » et un « Groupe de contact des collectivités » compléteront le plateau. Ils auront respectivement pour tâche d’assurer « la diversité socioprofessionnelle de la société » et l’organisation des débats en région.
Les premières tensions ne se sont pas faîtes attendre et ont vu le jour pendant la désignation des membres du comité de pilotage. La première composition proposée n’a pas fait l’unanimité parmi les ONG : le mécontentement des Amis de la Terre, de la fondation Nicolas Hulot, de France nature environnement ou de Greenpeace a fait la une de la presse, accompagné d’ une liste de revendications.
Deux ONG influentes, à savoir Greenpeace et les Amis de la Terre, ont préféré se retirer du débat. Le désaccord entre le gouvernement et ces ONG dépassait donc apparemment le simple choix des acteurs.
Pis encore, le jeu de chaises musicales connu entre les candidats au comité de pilotage pourrait se reproduire entre les personnes pressenties pour le comité d’experts. Ce comité présidé par l’économiste Alain Grandjean constituait l’un des points sensibles avant que la classe politique ne prenne ses congés de Noël. Si une première liste de 42 membres a été dévoilée, son « nombre peut encore évoluer » (d’après des déclarations d’Alain Grandjean à l’AFP).
Le flou règne donc dans le choix des acteurs des deux principaux comités. Dans le même temps, le casting pour former le « Comité des citoyens » vient à peine d’être lancé…
Face à autant d’incertitudes rencontrées lors de la préparation du débat, on en oublierait presque que l’essentiel reste à faire : commencer à débattre.
Pourtant en Septembre, à l’issue du séminaire gouvernemental de la transition écologique, Delphine Batho annonçait que « 30% des engagements qui sont dans la feuille de route de la transition écologique, sont d’ores et déjà tenus« . Elle se réjouissait alors notamment des avancées en matière de bonus-malus sur les véhicules écologiques et des rejets des demandes de permis concernant le gaz de schiste.
Depuis, le feuilleton de la transition énergétique a pu prendre forme avec un scénario, une équipe de tournage et une multitude d’acteurs prêts à tourner. Mais quatre mois plus tard, on attend toujours le début du tournage. 2013 sera sans doute l’année de la transition énergétique. Et Energystream ne manquera pas de vous en dévoiler les dessous de scène.
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