L’association européenne de l’industrie photovoltaïque (Epia) a annoncé la semaine dernière que le parc photovoltaïque mondial avait franchi un cap symbolique : 100 gigawatts (GW) raccordés, dont plus de 30GW pour la seule année 2012. Profitons de cette bonne nouvelle pour faire un point sur la situation en France de cette énergie renouvelable, l’une des plus emblématiques de la transition énergétique.
Partie en pôle position, la France manque son virage…
Aux débuts de la filière photovoltaïque, l’objectif principal était de produire localement et de consommer sur place. Mais dès les années 90, les gros producteurs comme l’Allemagne, l’Espagne ou l’Italie commencent à voir leur intérêt à raccorder leurs installations au réseau de distribution électrique. Pourtant en avance dans les années 80, l’industrie photovoltaïque française, par frilosité et manque d’anticipation, manque le virage de la connexion au réseau et accumule le retard par rapport à ses voisins européens.
Une accélération soudaine
Ce n’est qu’au début des années 2000 que le gouvernement franchit le pas avec l’instauration de l’obligation d’achat et des tarifs réglementés par la loi du 10 février 2000 puis avec l’arrêté du 13 mars 2002 fixant le tarif d’achat photovoltaïque à 15,25c€/kWh pour la France métropolitaine. Cependant, malgré les aides de l’ADEME et des collectivités locales, ces tarifs ne permettent pas aux acteurs de la filière d’atteindre un équilibre financier.
Tout s’accélère, un peu trop rapidement sans doute, avec la révision des tarifs en juillet 2006 : le tarif de base est doublé (30c€/kWh) et complété par une prime d’intégration au bâti de 25c€/kWh, soit un « tarif intégré » de 55c€/kWh. Le résultat est à la fois probant et fulgurant : la puissance raccordée double dès 2007 puis triplé en 2008 (voir graphique ci-dessous).
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Sale temps pour le solaire !
Mais l’âge d’or du photovoltaïque est de courte durée : la France, à vouloir toucher le soleil trop vite, s’est brûlée les ailes. La bulle spéculative qui gonfle autour des installations solaires inquiète le gouvernement Fillon. En 2010, la décision est prise de baisser les tarifs de rachat de 12%. Dans la foulée, un moratoire de 3 mois est mis en place sur les projets professionnels d’une puissance supérieure à 3kWh afin de redéfinir le cadre de progression de la filière (système d’appels d’offres pour les projets >100kWh…). Depuis ce gel, les prix de rachat n’ont cessé de dégringoler. Dès mars 2011, des arrêtés prévoient des baisses trimestrielles pour tous les segments (particuliers, professionnels, installations au sol…).
En parallèle, les subventions s’amincissent et les crédits d’impôts passent de 50 à 22% entre 2010 et 2011. Ce cadre hostile rend les projets de moins en moins rentables à court et moyen terme, malgré la chute des prix du matériel. Les clients bloquent leurs investissements et les plus petits acteurs finissent par mettre la clé sous la porte.
Ce revirement de situation, en contradiction totale avec les belles promesses du Grenelle qui, en 2007, annonçait un virage faisant la part belle aux énergies vertes, laisse sceptiques la plupart des acteurs de la filière qui y voient une action de lobbying des grands acteurs des énergies fossiles.
Pourtant, malgré ces quelques années de marasme et de régression, le photovoltaïque est toujours perçu comme l’un des piliers des énergies renouvelables et de la future transition énergétique. Dans un contexte économique instable et de plus en plus concurrentiel (voir nos éclairages sur la guerre solaire sino-européenne), quelles sont les perspectives pour le solaire français?
Des mesures d’urgence annoncées début 2013
Delphine Batho a annoncé début janvier 2013 une série de « mesures d’urgence » pour relancer la filière en difficulté. L’objectif est d’atteindre un développement de 1 000 MWc dans l’année (soit deux fois le seuil initialement fixé par le Grenelle).
Le dispositif de soutien repose sur les mesures suivantes :
- Nouvel appel d’offres pour les installations supérieures à 100KWc et les centrales au sol
- Hausse de 5% du tarif de rachat pour les installations incorporées à la toiture du bâtiment
- Bonification sur le tarif de rachat de l’électricité pour les modules photovoltaïques d’origine européenne pouvant atteindre 10%
En revanche, les tarifs alloués aux installations au sol inférieures à 12MWh baisseront de 20%, ceci afin d’éviter les comportements opportunistes qui consistent à contourner la loi limitant la puissance maximale des parcs en découpant artificiellement les projets.
L’ensemble de ces mesures devrait, selon le gouvernement, générer des investissements de plus de 2 milliards d’euros et permettre la création (ou le maintien) d’environ 10 000 emplois.
Innovation, recherche et synergie: les clés d’une stabilité pérenne
À plus long terme, c’est vers l’innovation et la R&D que l’industrie du photovoltaïque devra se tourner pour se relever durablement et pallier à ses défauts actuels : matériaux et techniques onéreux, rendement énergétique encore trop faible par rapport aux énergies fossiles ou encore instabilité de l’offre selon le degré d’ensoleillement (nuit, temps nuageux…). Les principaux axes de recherche tourneront autour du solaire à concentration, du panneau à couche fine et des matériaux organiques. Les avancées de la recherche sur le stockage de l’électricité seront également cruciales pour imposer le solaire comme une technologie compétitive. Il faudra aussi travailler sur les synergies entre énergies pour mettre en place des systèmes hybrides complémentaires, capables de fournir de l’électricité de manière continue.
Enfin, les acteurs de l’industrie solaire devront saisir les opportunités créées par la réglementation pour développer des sources de revenus complémentaires comme le recyclage des panneaux solaires, devenu obligatoire en Europe.
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