On a longtemps cru que les villes étaient nées dans les clairières, un lieu « à découvert » alors que les hommes vivaient à l’ombre des forêts. À l’inverse des villages, les villes se caractérisent par l’émergence d’un espace collectif, à l’image du « forum » romain. L’existence d’un tel lieu, public et collectif, a joué un rôle majeur dans le développement d’une intelligence collective.
Les évidences que nous avons récoltées situent les plus anciennes villes dans des régions fertiles et limoneuses : entre le Rhône et la Saône, Lyon ne fait pas exception à la règle. Et si sa « fertilité » est originellement due à ces deux fleuves, nous pouvons nous autoriser à penser qu’elle est aujourd’hui due à l’intelligence collective qu’elle a su encourager. Intéressons-nous à la façon dont Lyon « virtualise » son intelligence collective, grâce aux nouvelles technologies, pour relever les défis des métropoles du XXIème siècle
Ces défis sont nombreux : croissance et densification des villes, raréfaction des ressources, contexte économique mondial…Ces défis sont à mettre en perspective de la légitimité (responsabilité ?) des villes à les relever : les 300 plus grandes villes du monde génèrent aujourd’hui 50% du PIB global.
En février dernier, le Grand Lyon a présenté son engagement dans ce tournant, avec un mot d’ordre : l’innovation. Cela se traduit par un déploiement inédit d’expérimentations pour une « preuve par l’usage ».
L’énergie collective du Grand Lyon est concentrée sur quatre axes majeurs :
C’est l’axe Energie qui nous occupera ici. D’un point de vue global, nous pouvons en effet considérer que les smart grids consistent à permettre le développement de l’intelligence collective des consommateurs d’électricité, en injectant les technologies de l’information et de la communication dans les réseaux, afin de :
– Maximiser les bénéfices collectifs : mieux gérer le réseau, en tentant de lisser la courbe de charge (réduction des pics, reports de consommation…)
– Maximiser les bénéfices individuels : adapter la fourniture d’électricité aux nouveaux besoins de consommation (comprendre une fourniture sur mesure et une réduction de la facture).
Pour ce faire, le territoire du Grand Lyon a créé les conditions d’émergence d’expérimentations pionnières :
1 – Linky
Depuis 2011, 175 000 logements du Grand Lyon sont équipés des nouveaux compteurs “intelligents” d’ERDF, clé de voûte des futurs smart grids : les compteurs Linky. Ces compteurs permettent notamment de recevoir et envoyer de l’information, en provenance du réseau (du collectif), et à destination des sites de consommation (l’individuel), et également de gérer un nombre important d’index tarifaires. Concrètement, ces deux fonctionnalités principales pourront à terme permettre d’optimiser les consommations et de mettre en place un système de facturation souple.
L’installation en avant-première de ces compteurs d’avenir permet à la métropole d’accueillir des « démonstrateurs » smart grid : la preuve par l’exemple !
2 – Lyon smart community
En partenariat avec l’agence NEDO (l’ADEME japonaise), le Grand Lyon expérimente un concept de « communauté intelligente » (nous sommes donc bien dans notre sujet !) dans le quartier Confluence (la confluence du Rhône et de la Saône…plaine fertile et limoneuse !).
Le Grand Lyon donne une définition de la smart community : « Une communauté plus responsable qui utilise les nouvelles technologies de l’information et de la communication pour améliorer le bien être de ses habitants et le dynamisme de son tissu économique, tout en économisant ses ressources et son énergie, et en préservant son environnement. »
Et concrètement ? 12 000 m² de bâtiments à énergie positive (usage mixte), 30 véhicules électriques en auto partage alimentés par une centrale photovoltaïque, des compteurs intelligents eau, gaz et électricité, et surtout la mise en place d’un Community Management System.
Qu’est-ce qu’un Community Management System ? C’est un bel exemple de virtualisation de l’intelligence collective ! Un datacenter de 80 serveurs pour la mutualisation et la gestion en temps réel de la consommation d’énergie à l’échelle du quartier.
3 – Transform
Il s’agit de la déclinaison lyonnaise d’un programme de recherche européen « Smart Cities and Communities » (Amsterdam, Copenhague, Viennes et Gènes) visant à fédérer les principaux acteurs de l’énergie autour du partage de leur données, pour une réflexion commune devant permettre une modélisation des futurs besoins énergétiques du territoire.
Un projet prospectif donc, qui s’appuie à la fois sur une communauté locale et sur un réseau européen.
4 – Greenlys
Un démonstrateur smart grid grandeur nature, qui s’intéresse à l’ensemble de la chaîne Du point de vue du réseau il s’agit d’expérimenter l’accueil d’installations de production décentralisées (énergies renouvelables notamment) ainsi que de véhicules électriques (stockage d’énergie décentralisé, V2G). Du point du vue du consommateur, il s’agit d’expérimenter les futurs services et fonctionnalités permis demain, et leurs équipements associés.
Ce projet soutenu par l’ADEME dans le cadre des Investissements d’Avenir doit être déployé sur 1000 expérimentateurs, à Lyon et Grenoble. Il est mené par un consortium coordonné par ERDF.
5 – Smart Electric Lyon
Un démonstrateur smart grid qui se démarque par son ampleur en visant plus de 25 000 expérimentateurs, particuliers, professionnels et entreprises. Ce projet se concentre sur « l’aval compteur », à savoir le site de consommation de l’électricité et non sa production ou son acheminement.
Ce projet est également soutenu par l’ADEME dans le cadre des Investissements d’Avenir, et est mené par un consortium regroupant les filières électricité et télécommunication françaises, coordonné par EDF.
Smart Electric Lyon présente également la particularité de déployer un volet de recherche et d’évaluation sociologique et ergonomique afin d’étudier le niveau et les modalités d’acceptabilité des nouveaux services, fonctions et équipements proposés aux expérimentateurs.
6 – Watt&Moi
Grâce à ERDF et Grand Lyon Habitat, 1000 locataires de ce bailleur social équipés d’un compteur Linky disposent d’un service de suivi et d’accompagnement personnalisé dans la consommation d’électricité. Une étude sera publiée à l’issue de cette expérimentation et devra permettre de partager un retour d’expérience à forte valeur ajoutée.
Ces six projets majeurs concernent l’énergie, mais d’autres expérimentations sont en cours dans le domaine de la mobilité, des services numériques ou de l’innovation.
Parmi ces nombreux autres projets, Optimod’Lyon se démarque en visant à proposer une offre complète de mobilité partagée. Ici encore le prérequis est la collecte, l’organisation et la mise à disposition d’une grande quantité de données via une plateforme d’information multimodale devant permettre l’expérimentation d’Intelligent Technical Services (ITS), accessibles sur terminaux mobiles.
Ces exemples convergent en point : la data (l’intelligence virtuelle), sa mutualisation et sa redistribution individuelle (l’intelligence collective virtuelle, accessible à tous). Il semblerait donc que, ayant atteint une taille et une densité sans précédent, nos villes doivent recourir au virtuel afin de garantir les conditions d’épanouissement de leur essentielle intelligence collective.
Notre nouvel espace collectif est-il dorénavant le data center, dont nous récoltons des bénéfices individuels via nos terminaux mobiles ? Rassurons-nous, selon Gérard Collomb (maire de Lyon et Président du Grand Lyon), l’objectif de tout ceci est bien de « rendre la vie heureuse et douce en ville ».
Pour plus d’informations :
Très clair et positif. Ce qui se conçoit clairement s’énonce clairement