Tour de France énergétique : la course en Corse

Evènement sportif le plus suivi de l’année, le Tour n’est pas une simple course cycliste. C’est surtout une formidable vitrine pour mettre en valeur le patrimoine culturel et architectural des villes et des terroirs qui sillonnent la France. Nous avons à notre tour voulu nous accrocher à la caravane. A travers le prisme d’Energystream, les exploits ne sont pas relevés par des vaillants sportifs mais par des villes et des collectivités de France, engagés dans la course à la transition énergétique. Mettons en valeur le patrimoine énergétique français. Suivons la route du Tour de France énergétique.

Prologue

La Corse aura du attendre sa 100ème édition pour accueillir la Grande Boucle. Longtemps oubliée par les organisateurs du Tour, son isolement géographique lui a également joué des tours sur le plan énergétique. Depuis bien des années, en Corse, c’est la course. La course à l’approvisionnement énergétique.

En queue de peloton, faiblement ravitaillée en énergie, la Corse a connu une terrible défaillance pendant l’hiver 2005. S’en est suivie une course contre-la-montre sans véritable ligne d’arrivée à franchir, mais avec des lignes électriques à installer. L’adoption de nouveaux plans énergétiques et le recours aux énergies renouvelables ont remis l’île de Beauté dans la course. Rétrospective, en trois étapes clés, d’un parcours épique, qui occupe une place de choix dans la légende du Tour de France énergétique.

Etape 1. Panne de ravitaillement et fringale électrique

Comme la plupart des territoires insulaires, la Corse fait preuve de fébrilité en matière énergétique. Les voyants sont au rouge : la jauge de l’approvisionnement électrique est au plus bas, celle de la dépendance vis-à-vis du pétrole est quant à elle au plus haut.

Arrêtons-nous devant une première statistique, peu réjouissante par les temps qui courent : le pétrole constitue 83% de la consommation totale d’énergie sur l’île. Cela suppose que les corses atteignent un ratio d’émissions de gaz à effet de serre de 8,5 tonnes d’équivalent CO2 par habitant. Contre 6,5 pour la moyenne française. Certains signaleront que cet écart est dû à l’absence de centrales nucléaires sur l’île, susceptibles de faire baisser les émissions de CO2. D’autres s’inquiéteront des conséquences néfastes que cela pourra avoir sur l’économie locale, menacée en cas de fluctuation des prix des matières premières ou de rupture des approvisionnements.

La Corse est considérée comme une Zone Non Interconnectée (ZNI), à savoir une zone de territoire national non reliée par des lignes électriques au réseau métropolitain continental. Elle est depuis peu une ZNI pas comme les autres puisqu’elle bénéficie d’une double perfusion électrique, en courant continu en provenance de l’Italie péninsulaire (câble SACOI) et en courant alternatif via la Sardaigne (câble SARCO). Une aubaine pour l’île puisque ces deux liaisons (d’une capacité de 150 MW) génèrent 31% de sa puissance électrique.

Le reste de la puissance générée (qui atteint jusqu’à 530 MW) provient à hauteur de 28% des énergies renouvelables (principalement des centrales hydrauliques) et surtout des centrales thermiques de Vazzio (Ajaccio) et Luciana (Bastia), à hauteur de 41%.

Nous sommes là face à un mix énergétique fragile, fortement dépendant des centrales thermiques et des barrages hydrauliques. Et ce qui devait arriver arriva.

Hiver 2005, une étape qui aura marqué l’esprit des corses. Les signes de fébrilité se confirment. L’île de beauté connait une terrible défaillance électrique.

Une première vague de froid du 24 Janvier au 11 Février, pourtant « non exceptionnelle  ni par sa longueur ni par son amplitude » a conduit le réseau électrique à l’épuisement. Une avarie majeure des turbines à combustion (TAC) des barrages hydrauliques puis un dysfonctionnement dans la centrale thermique de Vazzio ont suffi pour que le système électrique, privé de 70 MW, lâche prise.

Une deuxième vague de froid, du 14 Février au 11 Mars a fini de plonger les corses dans le noir et dans le froid, et ce pendant plusieurs semaines. Une fringale électrique sans précédents, digne d’une autre époque, qui aura permis de pointer du doigt les failles de la gouvernance énergétique des pouvoirs publics et un manque d’anticipation du côté d’EDF.

Il était grand temps pour les acteurs impliqués de revoir leur stratégie de course.

Etape 2. Course à l’approvisionnement : le contre-la-montre par équipes

Une nouvelle course commence. Les pouvoirs publics se mettent en ordre de marche, et vite. La Collectivité Territoriale Corse (CTC) adopte avant l’hiver suivant, le 24 novembre 2005, un nouveau plan énergétique couvrant la période 2005 – 2025.

Le nouveau texte acte la nécessité de « disposer d’une production électrique diversifiée, tant géographiquement qu’en termes de sources d’approvisionnement, et de préserver l’environnement exceptionnel de l’île ». Trois axes majeurs sont alors mis en avant :

– le renouvellement des moyens de production locaux  (modernisation des centrales thermiques et implantation de nouveaux moyens dans les centrales hydrauliques),

– le renforcement de l’interconnexion électrique avec la mise en place de la liaison sous-marine à courant alternatif entre la Corse et la Sardaigne,

– le développement des énergies renouvelables pour atteindre les 30 % de l’électricité produite sur l’île.

Un deuxième plan énergétique a été adopté en 2007 dans le but d’atteindre ce dernier objectif. Le « Plan de développement des énergies renouvelables et de la maîtrise de l’énergie » repose sur un partenariat scellé entre les acteurs clés du secteur, qui s’engagent à lancer une politique de grands travaux sur la période 2007 -2013. Avec une mobilisation financière considérable : 24 millions d’euros pour la CTC, 14,5 millions pour l’Union Européenne et 8 millions d’euros pour l’ADEME puis EDF. Nous assistons alors à un contre-la-montre par équipes qui se relayent pour actionner trois leviers d’actions majeurs : promouvoir l’efficacité énergétique des bâtiments, lutter contre la précarité énergétique et augmenter de façon significative la part des renouvelables dans le mix énergétique.

Rien de révolutionnaire, serions-nous tentés de dire. La Corse travaillait en 2007 avec un référentiel très similaire à celui qui allait être adopté plus de cinq ans plus tard par les organisateurs du débat national sur la transition énergétique.

En voulant rattraper son retard, la Corse prenait en fait de l’avance. De gros investissements, beaucoup d’ambitions. La Corse semble s’être remise dans la course. A-t-elle pour autant les moyens de jouer les premiers rôles ?

La suite le Lundi 1er Juillet, pour la 3ème étape du Tour de France Energétique. Sur Energystream.

2 thoughts on “Tour de France énergétique : la course en Corse

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