Hier, l’évolution de la consommation guidait l’évolution du réseau de transport d’électricité. Demain, c’est l’évolution de la production qui l’impulsera. Dans un article récent paru dans Les Echos, Dominique Maillard, président du directoire de RTE, affirme que les réseaux constituent le véritable défi de la transition énergétique vers une société moins dépendante des énergies fossiles et fissiles. Les énergies renouvelables induisent intermittence, et nouvelle géographie de la production. Ainsi, sans développement du réseau, les progrès en matière d’énergie renouvelable seront rendus caducs. Éclairage sur les défis, les solutions et l’avenir du transport d’électricité dans un contexte de transition.
Intermittence et nouvelle donne géographique : les défis des EnR
La gestion de l’intermittence est certainement le plus grand défi que posent les énergies renouvelables, et donc, la transition énergétique. Prenez par exemple le solaire ou l’éolien : la production qui en résulte est extrêmement variable, intrinsèquement dépendante des conditions météorologiques et difficilement prévisible. Autant de contraintes productives et de variations supplémentaires que le réseau doit être en mesure d’équilibrer, à chaque instant.
La nouvelle géographie de la production est un second défi d’envergure induit par les énergies renouvelables. Si hier, le réseau de transport a pu être associé à un système de production centralisée, ce n’est plus réellement le cas aujourd’hui. Et cela le sera, de toute évidence, encore moins demain ! De fait, les zones à fort potentiel s’avèrent inégalement réparties sur le territoire français, et généralement situées loin des zones de consommation et des infrastructures réseau existantes. L’électricité produite ne pouvant être absorbée localement, le transport est l’ultime gage de valorisation.
L’exemple, ou plus justement, le contre-exemple allemand, est à ce titre probant. En effet, Outre-Rhin, la production d’origine renouvelable se concentre au Nord ; La consommation, elle, pointe au Sud et à l’Ouest. Et faute de raccordements suffisants, l’énergie éolienne produite au Nord est souvent bridée, voire gaspillée.
Le transport d’électricité, une clé de la transition énergétique
Le premier objectif du réseau électrique est d’assurer la continuité de service même lors des pics de consommation ou de perturbation du système. Le second est de tirer le meilleur parti des ressources énergétiques disponibles, c’est-à-dire d’utiliser en premier lieu les sources d’énergies non stockables et moins chères à produire, comme les EnR, avant d’utiliser les moyens de productions plus flexibles et plus chers. Le développement d’un réseau de transport permet donc de sécuriser l’approvisionnement du territoire en électricité mais également de garantir l’efficacité économique et environnementale des moyens de production. À ce titre, RTE prévoit de réaliser 1 000 nouvelles liaisons à courant continu, souterraines ou sous-marines, ainsi que 1000 à 2000km de ligne à haute tension.
Par ailleurs, certaines régions françaises consomment plus d’énergie qu’elles n’en produisent, et inversement. Les interconnexions entre régions permettent donc de lisser ces disparités et de tirer au mieux parti de toutes les ressources énergétiques, même celles les plus éloignées des centres de consommation comme les énergies offshore.
La logique doit être la même à l’échelle européenne : la France est au carrefour des réseaux européens et est fortement impactée par les évolutions des pays voisins, comme la sortie du nucléaire de l’Allemagne au profit des énergies dites « décentralisées ». En mutualisant les moyens de production à grande échelle, les interconnexions européennes permettent d’absorber des variations très volumineuses et très rapides à travers plusieurs pays. Afin d’assurer une cohérence et une solidarité énergétique européenne, plusieurs associations de défense de l’environnement se sont associées aux gestionnaires de réseau de transport d’électricité européens dans le cadre de l’initiative RGI (Renewables Grid Initiative) pour promouvoir l’essor du réseau de transport d’électricité comme meilleur allié de la transition énergétique.
Enfin, le développement rapide du réseau de transport à l’échelle française est un enjeu fort pour la réussite de la transition énergétique. Mais ce développement ne sera possible qu’avec l’évolution d’un cadre législatif et administratif. En effet, les délais d’autorisation et de construction des lignes électriques ne sont plus cohérents avec les défis énergétiques d’aujourd’hui. Les sites de production d’EnR sont construits rapidement (environs 3 ans pour un parc éolien), alors qu’il faut attendre entre 7 et 10 ans pour la construction de la ligne électrique qui devra les raccorder au réseau, à cause de longs processus d’autorisation.
Le transport devient intelligent
L’effacement diffus, consiste à reporter ou réduire temporairement et de façon synchrone la consommation d’électricité d’un grand nombre de logements. C’est un effacement dit “résidentiel”, par opposition à l’effacement industriel, aujourd’hui proposé à certains consommateurs énergivores, clients de RTE, pour des capacités supérieures ou égales à 10 MW. Si ce dernier type d’effacement est aujourd’hui opérationnel, le premier quant à lui, est toujours en cours d’expérimentation.
En adressant des consommateurs et des objets de consommation plus nombreux et plus variés, l’effacement diffus devrait permettre, à terme, de soulager les tensions sur la demande aux heures de pointe, et de compenser l’intermittence induite par les énergies renouvelables. Substitut à la mise en service de nouveaux moyens de production, son développement devrait s’accélérer grâce aux smart grids.
En effet, grâce aux technologies de l’information, le fonctionnement du réseau sera optimisé en facilitant l’intégration des énergies renouvelables et en prenant en compte plus intelligemment les comportements des utilisateurs connectés (producteurs et consommateurs).
Le développement des EnR est au centre des préoccupations européennes en matière d’énergie. Mais les contraintes imposées par ces énergies intermittentes ne trouvent de réponse que dans le stockage ou le transport d’énergie vers les lieux de consommation. Les technologies capables de stocker de larges quantités d’énergie étant aujourd’hui très réduites, la transition énergétique européenne devra donc passer par le développement significatif d’un réseau de transport d’électricité à l’échelle européenne, ou ne sera pas.
Le réseau de transport d’électricité (RTE) une… par rte_france
3 thoughts on “Transition énergétique et transport d’électricité : même combat !”