Ce dimanche, les coureurs du Tour de France s’attaquaient à l’une des difficultés majeures du parcours : le Mont Ventoux, après avoir longé le Rhône… et 3 des 4 centrales Rhônalpines : Saint-Alban, Cruas et le Tricastin. 3 centrales nucléaires sur une seule étape du Tour, même si c’est la plus longue – 242 km – cela suffit pour attirer le regard de la caravane énergétique. L’équipe Energystream est donc descendue de son vélo pour découvrir ce que cachent ces réacteurs.
L’eau et l’uranium, sources de ravitaillement pour la région
La région Rhône Alpes est la première région productrice d’énergie en France (21%), chaleur et électricité confondues.
Sa production d’électricité est à 75% d’origine nucléaire, le quart restant étant principalement d’origine hydraulique – une spécificité due aux nombreux cours d’eau, fleuves et affluents de la région. Les rhonalpins vivent avec le nucléaire – les tours de Cruas et leurs grandes fresques sont des repères routiers familiers.
Les menaces adjacentes ne sont pas pour autant occultées, l’onde de choc de Fuskushima ayant ainsi rappelé à tous l’existence des risques sismiques (les centrales sons construites dans la faille rhodanienne) ou d’inondations, ou encore les risques de radiation.
Entre montagnes et cours d’eau, le Rhône a donc creusé un lit douillet pour ses 22 réacteurs… un choix avant tout pragmatique : pour qu’une centrale fonctionne, il faut, certes, de l’uranium, mais aussi, et surtout, beaucoup d’eau. Si vous vous êtes déjà demandé ce que rejettent les tours, c’est bien de la vapeur d’eau. Il faut 15m3 par heure pour refroidir un cœur de réacteur – l’eau étant ensuite rejetée dans la rivière source, dont la température est contrôlée. Elle ne doit pas dépasser les 28°c, même au plus fort d’une canicule, sauf dérogation exceptionnelle.
Régulièrement, les associations de protection de l’environnement demandent leur démantèlement, comme ça a encore été le cas le 15 au matin, où des militants de Greenpeace ont pénétré dans la centrale du Tricastin pour alerter l’opinion publique sur le danger de ces installations.
Si l’on ajoute à cela une sensibilité environnementale affichée par la région, et plutôt partagée par la population, on comprend l’importance accordée au dispositif autour du débat sur la transition énergétique. La Région Rhône-Alpes a rendu sa copie début juillet après une forte mobilisation pendant le débat citoyen : 17 fiches thématiques sont disponibles sur le site Internet de la Région, destinées à alimenter les 107 ateliers-débats participatifs et les 36 conférences. Au total ce sont près de 10 000 Rhône-alpins qui ont planché sur la transition énergétique.
L’arrêt du nucléaire en Rhône-Alpes : l’étape la plus longue
Construites dans les années 80, juste après le choc pétrolier, elles sont un symbole de la conquête de l’indépendance énergétique et d’une volonté de décarbonéisation du mix électrique. Cependant, aujourd’hui se pose la question de leur démantèlement. 46% de la population française est défavorable à l’énergie nucléaire en mettant en avant le risque d’accident grave ou le stockage de déchets radioactifs comme inconvénients principaux. 43% de la population voit la production nucléaire d’un bon œil grâce à un coût de production faible et l’indépendance qu’elle garantit à l’égard des variations du prix du pétrole.
Mais en Rhône-Alpes, l’arrêt du nucléaire n’est pas une fiction surréaliste du XXIe siècle, il s’agit d’une réalité déjà amorcée au siècle dernier. En effet, toute la région se souvient de Superphénix, ce réacteur surgénérateur à neutrons rapides (RNR) dont la construction a coûté 9.1 milliards d’euros et qui fut arrêté définitivement en 1998 après 10 ans de service. Son démantèlement a démarré en 2007 et est prévu jusqu’en 2025 pour un coût estimé à 1 milliard d’euros.
L’impact est financier mais également fort sur les emplois de le région : lors de la mise en arrêt, le site comptait 735 agents EDF ; ils étaient 80 en 2008. Plus globalement, la région Rhône-Alpes est le principal bassin d’emplois pour la filière nucléaire : elle fait vivre 50 000 personnes, entre salariés, sous-traitants et familles.
Les alternatives pour une transition énergétique
Comme mentionné précédemment, la région est riche en eau et donc productrice d’énergie hydraulique. Aujourd’hui, la plus grande partie du potentiel hydroélectrique est exploitée. Le développement de la filière doit donc porter essentiellement sur l’amélioration (modernisation, suréquipement) des installations existantes avec un enjeu fort lors du renouvellement des concessions, mais également le développement de nouvelles installations quand c’est possible.
Ces perspectives de développement doivent bien sûr s’intégrer dans le cadre réglementaire en vigueur, notamment la loi sur l’eau et les milieux aquatiques, pour limiter au maximum l’impact sur le milieu naturel.
Si l’hydraulique est restreinte par la capacité de production (et son caractère aléatoire), l’éolien et le biogaz rencontrent des freins importants de la part de la population et n’attirent pas les industriels locaux. À part quelques acteurs spécialisés, ces filières génèrent peu de recherche et peu de formation.
L’énergie avec le meilleur potentiel de développement en Rhône-Alpes est l’énergie solaire qui, quant à elle, mobilise beaucoup d’acteurs : entreprises, institutions, pôle de compétitivité. En effet, la région est la 5ème région productrice en solaire photovoltaïque. Si le relief est un frein à l’installation de fermes solaires, le nombre de bâtiments pouvant accueillir des panneaux solaires et la progression démographique prévue par l’Insee sur le territoire Rhône-alpins laisse espérer un développement important des « micro-installations » solaires. Après analyse du territoire, le SCRAE (outil désigné comme référent lors du débat national sur la transition énergétique) estime la surface susceptible d’accueillir des panneaux solaires sans contraintes à 334 057 296 m². Cela concernerait en moyenne un immeuble sur deux, 66% des maisons et plus de 80% des bâtiments industriels et commerciaux.
Une Rhône-Alpes (encore) plus verte, sans nucléaire, est sans doute à court terme peu réaliste. Mais le territoire entame tout juste son étape de transition énergétique.
Les cyclistes du Tour de France reviendront à coup sûr serpenter les routes de la région, avec le Mont Ventoux en ligne de mire. Son fabuleux paysage lunaire demeurera inchangé, au grand plaisir des télespectateurs. Au fil des années, nous n’assisterons plus à une succession de réacteurs nucléaires sur les routes du Tour. Nous serons de plus en plus éblouis par un peloton de panneaux solaires. Au grand plaisir de l’intérêt général.
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