En queue de peloton, faiblement ravitaillée en énergie, la Corse a connu une terrible défaillance pendant l’hiver 2005. S’en est suivie une course contre-la-montre sans véritable ligne d’arrivée à franchir, mais avec des lignes électriques à installer. L’adoption de nouveaux plans énergétiques et le recours aux énergies renouvelables ont remis l’île de Beauté dans la course. Rétrospective, en trois étapes clés, d’un parcours épique, qui occupe une place de choix dans la légende du Tour de France énergétique.
Après deux premières étapes passionnantes avec beaucoup de difficultés au programme, la Corse cherche à faire la course en tête.
Etape 3. Dopage vert et combativité
En revoyant les ambitions énergétiques des corses à la hausse, les pouvoirs cherchaient à faire coup double : réduire la dépendance vis-à-vis des ressources fossiles et dé-carboniser son mix électrique. Mieux encore, l’idée était de revigorer un parc industriel en berne et de faire de l’île de Beauté un pôle d’excellence énergétique, générateurs d’emplois dits verts.
Maîtriser l’énergie et se doper aux énergies renouvelables
Dans un contexte difficile, la Corse a su faire preuve de pugnacité et d’inventivité sur deux fronts : la maîtrise de l’énergie et surtout le développement des énergies renouvelables (EnR). Faisons le tour des projets innovants lancés ces dernières années qui ont permis de donner un nouveau souffle au système électrique corse.
La maîtrise de l’énergie était la première priorité suite à la fringale électrique de l’hiver 2005. Citons par exemple le dispositif exemplaire mis en place par le consortium CTC – EDF – ADEME qui permet aux particuliers, entreprises et collectivités de recevoir une alerte par sms ou par mail, prévenant qu’une période critique va s’ouvrir pour l’approvisionnement énergétique. La dernière alerte de consommation date de Février 2012.
Comme tout acteur engagé dans la course à l’approvisionnement, la Corse ne pouvait se contenter de temporiser son effort énergétique. Elle devait faire appel à de nouvelles ressources, non habituelles sur le circuit électrique. Elle a compris que la recette du succès passait par un dopage aux énergies renouvelables.
En effet, avec son ensoleillement favorable, la Corse présente un terrain de jeu idéal pour développer l’industrie solaire. Retenons par exemple le projet « Driveco », qui consiste à doter le territoire insulaire d’ombrières photovoltaïques grâce auquel les voitures électriques pourront recharger leurs batteries. Si le projet aboutit, la Corse pourrait être la première région à déployer une solution de mobilité électrique grâce à l’énergie solaire à l’échelle d’un territoire.
Les grands comptes du secteur ont eux aussi voulu surfer sur cette vague de renouveau. En Septembre 2012, la Compagnie du Vent, filiale de GDF SUEZ, inaugurait sa première centrale photovoltaïque, avec une production correspondant à la consommation électrique annuelle de 3.300 personnes. EDF exploite quant à elle son savoir-faire en matière d’hydraulique. Henri Proglio inaugurait le 17 juin dernier le projet le plus emblématique de ces dernières années : le barrage de Rizzanese, le plus puissant de l’île, prouvant ainsi que le potentiel hydraulique français n’était pas épuisé.
Remporter le prix de la combativité énergétique
Six ans après le lancement du Plan de développement des énergies renouvelables et de la maîtrise de l’énergie, nous pouvons affirmer qu’il s’agissait d’un pari gagnant puisqu’aujourd’hui 28% de l’électricité consommée dans l’île est issue d’énergies renouvelables.
Ce dopage aux EnR a permis à la Corse de franchir les difficultés propres aux territoires insulaires : faible capacité à trouver de nouveaux moyens de production, fluctuations dans la production et forte augmentation de la demande en électricité. Mais elle ne deviendra réellement compétitive que le jour où elle parviendra à gérer les fluctuations de puissance propres aux EnR intermittentes intégrées dans le réseau. C’est dans ce sens qu’a été créée en janvier 2012 la plateforme MYRTE, au Centre de Recherches scientifiques Gabriel Peri d’Ajaccio. Soutenue par la CTC, l’Etat et l’Union Européenne cette initiative vise à développer des techniques de stockage de l’électricité sous forme d’hydrogène.
La proactivité de la Corse pour développer de nouvelles solutions énergétiques ne laisse plus de doute. Dernier exemple en date, l’organisation du Ier sommet « Energîles » du 30 mai au 01 juin dernier, dédié exclusivement aux problématiques énergétiques rencontrées par les territoires insulaires. En organisant ce salon sans égal dans le monde, la CTC a peut-être enfin réussi à faire oublier les fantômes du passé. La fringale de 2005 parait bien loin désormais. La Corse a réussi à s’échapper des difficultés d’approvisionnement propres aux territoires insulaires et à rejoindre le groupe de tête de la course à la transition énergétique.
Autrefois fébrile, la gouvernance énergétique de la Corse commence même à être citée comme exemple. Lors de son intervention au sommet Energiles, Delphine Batho, ministre de l’Ecologie, confirmait ce « quasi » état de grâce : « les défis de l’insularité sont porteurs de solutions nouvelles pour la France et pour l’ensemble de la planète ».
A l’heure où l’on s’interroge sur la difficile transposition sur le terrain des initiatives proposées par les différents groupes de travail du Conseil national du débat sur la transition énergétique, la Corse pourrait bien apparaître comme un miroir dans lequel se regarder. On peut dire qu’en Corse, le débat sur la transition énergétique a eu lieu avant l’heure.
En difficulté d’approvisionnement électrique depuis des années, la Corse n’est donc plus la lanterne rouge du peloton énergétique. Elle envisage avec optimisme les prochaines étapes, consciente d’avoir effectué les bons choix. Pas encore candidate pour enfiler le maillot jaune, elle aura au moins remporté le prix de la combativité.
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