Vous avez surement entendu parler de l’innovation frugale, cette démarche consistant à « faire plus avec moins » qu’on pourrait également traduire par « système D ». Mais saviez-vous que des initiatives voient le jour dans le domaine énergétique ? Zoom sur deux succès récents, nécessitant de faibles ressources mais ayant un fort impact.
Ce modèle largement diffusé aujourd’hui dans les pays émergents, a vu le jour en Inde. Dans un contexte de mondialisation, faible moyen et rareté des ressources, ces pays n’ont eu d’autres choix que de proposer des solutions simples, rapides à mettre en place et peu coûteuses. Ces conditions de production à priori contraignantes s’avèrent être sources d’innovation. Par exemple, aux Philippines, Illac Diaz a mis au point une bouteille en plastique recyclée, baptisée « Un litre de lumière ». Remplie d’une solution à base d’eau de Javel qui diffracte la lumière, cette bouteille produit l’équivalent d’une ampoule de 55 watts et est utilisée comme source de lumière dans les bidonvilles.
Zoom sur deux initiatives dans le domaine de l’énergie :
Le « SunSaluter », à la fois capteur solaire et filtre d’eau, est un exemple typique d’innovation sous contrainte. Proposé par une jeune ingénieure canadienne, cette solution 2 en 1 adresse deux enjeux cruciaux des régions en développement : l’accès à l’énergie et à l’eau potable.
Basé sur des principes élémentaires de la mécanique, bricolé à partir de planches en bois, fixé par du ruban adhésif, ce dispositif articulé, muni de capteurs, oriente les panneaux solaires en fonction de l’intensité lumineuse, optimisant de près 40% la collecte en énergie par rapport à un panneau statique. À cette première fonction s’ajoute un mécanisme de filtration d’eau permettant de générer près de 4L d’eau potable à partir d’eau impropre à la consommation. Il s’agit d’une solution modulaire, simple à utiliser et surtout reproductible localement et à faible coût. Et c’est en cette capacité de favoriser l’autonomie des populations locales que réside l’intérêt majeur de ce type de projet. À terme, de telles démarches permettent de créer des dynamiques positives et proactives, en positionnant les populations comme des acteurs du changement.
Yashraj Khaitan, diplômé de l’université de Berkeley et aujourd’hui à la tête de sa propre entreprise « Gram Power », a misé lui aussi sur ce type d’innovation à destination des milieux ruraux indiens. Son invention : un réseau intelligent qui permet d’assurer une gestion (production, stockage, distribution) locale et autonome de l’énergie au lieu de s’en remettre aux réseaux nationaux de distribution. Là encore, on retrouve l’essence même de l’innovation frugale : la capacité d’improviser une solution efficace face à un problème, dans un contexte où les ressources sont limitées et les contraintes nombreuses.
Une approche pragmatique vouée à essaimer ?
Le nombre croissant de « success stories » autour de l’innovation frugale dans les pays émergents, suscite curiosité et engouement dans les sociétés occidentales, et notamment en France. Les modèles de l’innovation des économies occidentales sont parfois jugés trop rigides, trop consommateurs de ressources et malgré tout peu productifs. C’est pourquoi, les entreprises françaises sont nombreuses à s’essayer à cette approche d’innovation «Jugaad» pour développer des solutions ingénieuses. Cette démarche est d’autant plus valorisable dans la mesure où elle contribue à une économie verte. En effet, « faire plus avec moins » sous-entend notamment, utiliser moins d’eau, de pétrole, d’énergie, et par conséquent, réduire son empreinte écologique. Alors, à quand l’innovation « Jugaad » sur le marché énergétique français?
Je ne pense pas qu’on puisse dire que l’innovation frugale soutient l’économie verte. Au contraire, elle s’y oppose fondamentalement. La croissance verte postule que les nouvelles technologies « vertes » vont nous permettre de dépasser la crise environnementale, tandis que l’innovation frugale promeut le « low tech », la réparation, le recyclage, les métiers manuels, et remet donc en cause la progrès technologique.