La transition énergétique est jugée urgente pour 85 % des Français [i]. Cette transition énergétique passe nécessairement par le développement de l’autoconsommation. Ainsi, 88% des Français préféreraient consommer directement l’énergie qu’ils produisent. Alors, face à la hausse du coût de l’énergie et à la nécessité de préserver l’environnement, l’autoconsommation est-elle la solution miracle ?
Qu’entend-on exactement par autoconsommation ?
On peut la définir comme la part de la production qui est consommée directement dans le bâtiment où elle est produite. Pour un ménage, l’autoconsommation énergétique consiste à produire lui-même l’énergie électrique qui alimentera ensuite son habitation. Ce principe s’applique également pour une entreprise, qui peut produire sa propre énergie pour ensuite la consommer pour ses besoins en courant.
L’autoconsommation présente de nombreux avantages. Tout d’abord, elle permet d’être indépendant face aux fournisseurs d’énergie et de ne pas subir les tarifs qu’ils imposent. Ensuite, une fois le coût de l’équipement amorti, le coût de revient de l’énergie est nettement inférieur à celui proposé par un fournisseur. Enfin, l’autoconsommation fait appel à des énergies renouvelables (panneaux photovoltaïques et éoliennes notamment), et contribue ainsi à dynamiser une transition énergétique désormais indispensable.
La France, mauvais élève en terme d’autoconsommation
L’énergie photovoltaïque est aujourd’hui la principale source d’énergie permettant l’autoconsommation. Mais les difficultés que rencontrent aujourd’hui le photovoltaïque rend l’avenir de l’autoconsommation incertain.
En effet, près de 42 % des emplois de la filière photovoltaïque en France ont été détruits en 3 ans, entre 2010 et 2013 [ii]. La cause de cette destruction d’emplois n’est autre qu’une succession de décisions des pouvoirs publics qui les ont conduit à abandonner peu à peu leur soutien à cette filière. Dans un contexte de réduction des dépenses publiques, le soutien au photovoltaïque est en effet loin d’être jugé comme une priorité. Le moratoire de fin 2010 suspendant provisoirement les aides publiques à l’énergie solaire a été le premier à contribuer à la chute de la filière. Ce peu d’incitation explique que l’autoconsommation soit aujourd’hui très marginale en France. Seul 1 à 2 % de la production du photovoltaïque est aujourd’hui autoconsommé.
Malgré ce contexte, quelques initiatives ont quand même vu le jour, comme en Aquitaine où la région a décidé de soutenir des projets pour l’autoconsommation. L’Alsace est également en train de suivre le même chemin. Cependant, ces réalisations représentent une goutte d’eau en comparaison de ce qui peut se faire dans d’autres pays européens, et notamment en Allemagne. Fin 2013, 4 GW de puissance étaient installés en France pour le photovoltaïque, contre 34 GW en Allemagne. La réussite de l’Allemagne en termes d’autoconsommation s’explique tout d’abord par la mise en place d’une prime à l’autoconsommation entre 2009 et 2012. Cette prime a depuis été supprimée en raison des coûts administratifs importants qu’elle engendrait, mais l’autoconsommation continue de se développer même si elle n’est plus incitée financièrement. Ainsi, 70% des installations photovoltaïques seraient désormais en autoconsommation en Allemagne [iii].
Un marché français de l’énergie atypique
La spécificité du marché énergétique français explique en grande partie sa difficulté à développer l’autoconsommation énergétique. Le coût de l’énergie est en effet relativement bas en France, ce qui diminue le poids du levier financier dans le choix de l’autoconsommation.. Les installations photovoltaïques en autoconsommation ont donc du mal à être rentables aujourd’hui en France. La majorité des propriétaires d’installations photovoltaïques revendent leur production à leur fournisseur d’énergie, les tarifs d’achat étant bien supérieurs au prix de l’électricité. Cependant, à moyen terme, l’autoconsommation devrait devenir plus avantageuse puisque la CRE (Comité de Régulation de l’Énergie) a estimé que le prix de l’électricité allait augmenter de 30% d’ici 2017. L’autoconsommation n’est donc pas encore pertinente économiquement contrairement à l’Allemagne où la parité réseau est atteinte : le prix de l’électricité solaire photovoltaïque est devenu inférieur au prix de l’électricité fournie par le réseau en avril 2012.
Par ailleurs, la capacité à mettre en concordance la consommation et la production complique également le développement de l’autoconsommation. Pour le tertiaire et les commerces, la production coïncide globalement avec les horaires d’activité. Ce n’est pas le cas dans le résidentiel, puisque la production solaire se fait de jour, alors que les besoins en consommation ont surtout lieu en matinée et en soirée. Une des solutions consisterait dans le stockage de l’énergie, mais cela augmenterait les coûts du dispositif d’installation et rendrait l’autoconsommation encore moins attractive financièrement qu’elle ne l’est actuellement.
Stocker l’énergie dans des batteries permettrait de consommer cette énergie plus tard, les batteries faisant office de réseau. Cela permettrait également aux producteurs de pouvoir revendre l’énergie au réseau public. L’équilibre entre l’offre et la demande serait ainsi assuré au mieux.
Là encore, la spécificité du marché français rend cette perspective compliquée. Le réseau français, très centralisé, n’est pas adapté à une production dispersée sur l’ensemble du territoire. En France, ERDF et GRDF gèrent 95% du réseau énergétique. Les 5% restant sont gérés par des Entreprises Locales de Distribution (les ELD). Il faut donc que le réseau français évolue au préalable afin d’apprendre à collecter les productions décentralisées pour que le système puisse fonctionner.
La nécessité d’un cadre juridique et d’un dispositif de soutien
Pour développer l’autoconsommation en France, il est également nécessaire de la doter d’un cadre juridique clair, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Les textes législatifs et réglementaires ne comportent par exemple aucune disposition spécifique aux dispositifs de stockage d’énergie. Par ailleurs, il n’existe aujourd’hui pas de statut juridique pour ce nouvel acteur du réseau qu’est le consommateur/producteur.
En attendant qu’un nouveau cadre soit défini, l’autoconsommation doit être encouragée par les pouvoirs publics via des mécanismes de soutien adaptés. Le SER (Syndicat des Énergies Renouvelables) évoque deux mécanismes de soutien temporaire à l’autoconsommation : la prime au kWh consommé et le « net metering ». Le premier consiste à attribuer un bonus au producteur/consommateur pour tout kWh produit et consommé immédiatement. Le second consiste à lui donner un crédit pour chaque kWh qu’il produit en plus de sa consommation.
L’autoconsommation n’en est encore qu’à ses balbutiements en France, mais il y a fort à parier que dans un futur plus ou moins proche, tout consommateur d’énergie pourra également être producteur. Un projet de loi sur la transition énergétique est en cours et doit être adopté d’ici fin 2014 dont l’autoconsommation est l’un des enjeux majeurs.
[i] Sondage publié par la Fondation européenne pour le climat, partenaire de la Fondation Nicolas Hulot, et réalisé avec le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et l’Institut de sondage Harris Interactive, et dont les résultants ont été présentés le 12 juin 2013.
[ii] Cour des comptes
[iii] Jean-Yves Quinette, ingénieur pour le cabinet d’études Tecsol.
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