Se déplacer sur les routes d’une grande agglomération est rarement agréable. Helsinki, comme toutes les grandes villes, connaît également des problèmes de circulation, quoique dans une moindre mesure pour l’instant. Cependant, les embouteillages se feront de plus en plus nombreux si rien n’est fait puisque la capitale finlandaise verra sa population augmenter de près de 40% dans les 35 prochaines années ! De plus, son système de transport urbain peine à évoluer face à la hausse de la demande, avec un impact énergétique et environnemental non négligeable. Pour faire face à cette situation, la ville a récemment annoncé un important plan de transformation de son réseau de transport public à l’échéance 2025. En mettant en avant les concepts de « mobilité à la demande » et d’intelligence des transports, l’ambitieux projet pourrait être si efficace que l’utilisation de voitures personnelles deviendrait anecdotique.
Vers un changement de stratégie des transports
Dans le passé, Helsinki a fait face aux manques de capacité de ses infrastructures de transport, dûes à l’augmentation du nombre d’usagers, en développant son réseau de routes. En prenant cette décision, la ville a favorisé la croissance du déplacement en voiture. Ce qui a naturellement entrainé des effets négatifs sur l’environnement. Par exemple, la qualité de l’air à Helsinki ne respecte pas les préconisations de l’Union Européenne, selon le dernier rapport environnemental publié par la ville. Aussi, Helsinki doit réguler sa situation avant 2015. Aujourd’hui, Helsinki constate que cette stratégie ne peut plus se poursuivre en milieu urbain notamment parce que la densité des routes a atteint ses limites. De plus, près de la moitié de l’augmentation du trafic dû à la croissance démographique de la ville est absorbée par les transports en commun.
La nouvelle approche proposée par Sonja Heikkilä, une jeune ingénieure des transports, est de rendre plus efficiente l’infrastructure existante en y intégrant de l’intelligence par le biais des nouvelles technologies. Ce projet s’inscrit d’ailleurs dans la « Vision 2025 » de l’autorité des transports de la ville (HSL). Pour y parvenir, Heikkilä présente une refonte du fonctionnement des transports en y intégrant le concept de « service ». Dans ce contexte, un service peut se définir comme la mise à disposition d’un client le résultat d’une prestation produite par un tiers. Heikkilä voudrait créer des « opérateurs de mobilité » dont le rôle serait de centraliser l’ensemble des services de transports.
Comment cela fonctionne-t-il concrètement ?
Concrètement, les opérateurs de mobilité vont acheter des prestations de transport auprès des opérateurs de transport, c’est-à-dire des entreprises qui gèrent des trains, des bus, des taxis, mais aussi la location de vélos ou de voitures, etc. Les opérateurs de transports sont eux mêmes clients des services de flotte, d’infrastructure et de données (voir schéma, ci-contre).
Les opérateurs de mobilité vont ensuite vendre de la « mobilité à la demande » (Mobility as a Service) : en passant par une application smartphone, le voyageur urbain n’aura plus qu’à entrer son lieu de départ et son lieu d’arrivée ainsi que quelques préférences, puis il se verra proposé un itinéraire complet composé des différents transports qu’il pourra emprunter.
Les démarches du voyageur seront donc grandement simplifiées puis qu’il s’adressera désormais à un unique interlocuteur pour tous ses déplacements. La facturation sera également unique. Ledit opérateur de mobilité pourra par exemple réserver un taxi, acheter un billet de train, louer une voiture et payer une place de parking tout cela pour le compte du voyageur et en toute transparence.
Un intermédiaire supplémentaire n’entrainerait-il pas un surcoût ? Il convient de rappeler qu’il s’agit uniquement de mobilité en région urbaine et donc sur des distances relativement courtes. L’ingénieure note que la solution proposée serait intéressante sur le plan économique puisque qu’elle se voudrait moins chère que de posséder sa propre voiture. C’est également le cas sur le plan environnemental puisqu’elle permettrait d’optimiser les ressources existantes en partageant les moyens de transport.
Faire jouer la concurrence
Point intéressant, aujourd’hui la ville (HSL) est en position monopolistique dans le secteur des opérateurs de transports public. Heikkilä souhaiterait que plusieurs opérateurs de mobilité coexistent et proposent des services concurrents. Ce qui implique naturellement la création d’entreprises privées autorisées à exploiter le secteur des transports urbains. Chaque concurrent mettra à disposition sa propre application smartphone. Notons cependant que les helsinkiens ne sont pas favorables à une privatisation totale du secteur. La jeune ingénieure pense également que les opérateurs pourraient proposer des tarifs compétitifs en se basant par exemple sur le nombre de kilomètres parcourus à chaque trajet ou alors en passant par des forfaits. Ce qui n’est pas sans rappeler les modes de consommation des opérateurs téléphoniques.
Encore de nombreux défis
Le projet est certes séduisant mais il met en avant un certains nombres de défis :
- L’attachement pour la voiture. En effet, les populations plus âgées sont encore attachées à leurs voitures et ce n’est qu’avec le temps que les habitudes de déplacement urbain évolueront.
- Nécessité d’un réseau de communication infaillible. Tout le projet repose sur l’utilisation des technologies de télécommunications. De fait, il faudrait pouvoir accéder à internet à tout moment et en tout lieu.
- Accessibilité pour tous. La possession d’un smartphone semble d’une part inévitable même si en général les Finlandais sont bien équipés : 80% des enfants de 11 à 12 ans possèdent un smartphone. D’autre part si ces tarifs devraient être inférieurs aux coûts liés à l’utilisation de sa propre voiture, ils devraient tout de même être supérieurs aux coûts actuels des transports en commun. Se pose alors la question de l’accessibilité du service aux populations moins aisées.
- Nécessité de collaboration. Le système fonctionnera correctement que si les différents transporteurs collaborent plutôt que d’essayer de travailler en « fiefs » comme cela se fait à New York par exemple. Il leur faudra notamment partager leurs données.
Un projet inscrit dans une démarche globale
Depuis plusieurs années déjà, Helsinki a défini plusieurs plans quantitatifs à moyen et à long terme. L’objectif ultime est de parvenir à la neutralité carbone d’ici 2050, avec une étape intermédiaire d’ici 2030 de réduire de 30% les émissions de gaz à effet de serre. Le projet de transformation du réseau de transport s’inscrit donc parfaitement dans ces plans. Aussi, la ville publie chaque année un rapport environnemental qui présente l’évolution des différents indicateurs retenus. Voici un extrait du dernier rapport :
Une première initiative dans le même sens que ce projet a pris forme depuis déjà un an. Kutsuplus est un réseau de mini-bus aux trajets dynamiques : chaque voyageur indique sa destination sur une application smartphone et se voit proposer de prendre un bus qui intègre sa destination et celle d’autres voyageurs. Aujourd’hui, le projet n’entend pas se passer totalement des voitures particulières mais de réserver leurs utilisations à titre exceptionnel. Entre temps, un pilote est prévu dès cette année dans le voisinage d’Helsinki à Vallila.
Hello,
Ce concept arrive aussi en France ! Un projet est mené en ce sens dans le Grand Lyon : Optimod’Lyon
http://www.optimodlyon.com/fr/accueil
Optimod’Lyon se montre quand même moins ambitieux (plus réaliste?), puisque ce programme est avant tout axé sur le développement d’une information voyageur tous modes en temps réel, là où le projet d’Helsinki intègre en plus un système de paiement unifié pour tous les modes de transport.