Jeanine Doppel vient d’être nommée directrice territoriale d’ERDF dans les départements de la Drôme et de l’Ardèche et succède à Eric Peyrard. Elle est également lauréate des premiers trophées « des Femmes de l’économie » en Lorraine. Energystream est parti à sa rencontre pour revenir sur ce prix et la place des femmes dans l’économie.
Nous aimerions en savoir un peu plus sur votre parcours, pourriez-vous nous en dire plus ? Quelles sont les missions de vos équipes au sein de la direction du développement ?
Au sortir de l’école des Mines d’Alès en 1987, j’ai travaillé à Paris dans des SSII puis, ayant une préférence pour le monde de l’industrie, j’ai intégré le groupe EDF en 1989 dans sa branche Distribution. Depuis, j’y occupe des postes toujours en relation avec la clientèle, que ce soit en animation d’équipes de commerciaux ou en marketing opérationnel. J’ai également été directrice d’une filiale d’EDF dans le domaine de l’ingénierie industrielle. Enfin, pendant 7 ans, j’ai travaillé sur la gestion des concessions d’électricité : c’est un domaine complexe et encore peu connu qui permet de comprendre le modèle d’affaires d’ERDF et le lien très particulier qui lie notre entreprise aux Collectivités Locales et Territoriales. Ce domaine est passionnant car il touche à quasiment tous les métiers de l’entreprise : technique, finance, clientèle, juridique… J’ai profité des deux dernières années pour réaliser un MBA à mi-temps à l’ICN Nancy.
Puis, pendant 3 ans, j’ai accompagné la création de la Direction du Développement à la Direction Interrégionale ERDF Est. Les challenges de ce poste ont été de deux ordres : tout d’abord, interne à l’entreprise, en développant la culture clients Marché d’Affaires auprès des équipes de terrain et ensuite auprès des clients, en améliorant leur satisfaction, que l’équipe mesure par toute une série d’enquêtes et que le marketing est chargé d’analyser en profondeur.
Depuis le 1er septembre 2014, je suis Directrice Territoriale Drôme-Ardèche, basée à Valence. Ce poste est en lien avec les « forces vives » économiques et politiques des territoires : les institutions (préfectures, Chambres de Commerce, etc.) et les collectivités locales. ERDF doit accompagner les collectivités, leur rendre des comptes, et développer la confiance auprès des communes. Ce qu’attend une collectivité aujourd’hui, c’est justement cet accompagnement dans leurs projets et leur développement économique. Ce métier est en quelque sorte la synthèse de tout ce que j’ai fait jusqu’à présent.
Merci beaucoup pour ces explications. Vous avez reçu récemment le prix Femme dans l’industrie ce qui est une belle performance. Qu’est ce qui a motivé votre candidature aux Trophée des femmes de l’économie et à ce prix ?
Moi qui suis passée par une école d’ingénieur, je suis étonnée qu’il y ait toujours aussi peu de femmes dans les formations scientifiques : 10% en moyenne, c’est affligeant !
EDF est d’ailleurs partenaire du réseau « Elles bougent » qui incitent les jeunes filles à entrer dans des carrières scientifiques.
Ensuite, quand j’ai fait mon MBA à l’ICN Nancy, nous étions seulement 2 femmes, ce qui est dommage. C’est à ce moment que j’ai rencontré l’association « Est’elles Executive », créée par la directrice du MBA, et j’y ai pris pleinement conscience de la problématique des femmes en entreprise.
C’est donc d’abord pour encourager la visibilité des femmes dans l’économie, et notamment dans l’industrie, que j’ai candidaté.
Au-delà de la question des trophées, nous aimerions revenir à la place des femmes dans l’industrie. Selon vous, quelle est la valeur ajoutée des femmes dans l’entreprise et en particulier dans l’industrie, historiquement un secteur plutôt masculin ?
Les femmes n’ont pas encore vraiment pris conscience de ce qu’elles apportent en entreprise. Elles ont parfois du mal à se positionner. Celles qui tentent de se comporter comme les hommes finissent généralement par échouer. Les femmes doivent assumer d’avoir une autre manière de manager, d’approcher les choses. Elles ont notamment un rapport différent au pouvoir et à l’argent. Elles sont souvent plus pragmatiques que les hommes, Elles peuvent apporter de la créativité et de l’innovation. C’est indispensable dans notre économie ! Or, on constate que pratiquement toutes les plus grosses entreprises françaises ont des comités de direction très masculins. Ce sont encore des valeurs majoritairement masculines qui guident l’économie. Si on veut changer notre économie, il faut évoluer vers plus de « soft power ». Pour infléchir les choses, il faudrait faire évoluer les cultures pour arriver au moins à 30% de femmes dans les instances de décision. Les quotas peuvent ici avoir leur utilité, même si ce n’est pas une solution de long terme. C’est peut-être un mal nécessaire pour faire évolue les mentalités.
Plus généralement, il faut que les instances dirigeantes des entreprises tiennent compte de la diversité de la société. Les gens reproduisent souvent les mêmes modèles car ils viennent du même moule. Pour changer les choses, il faut aussi « mélanger » les gens.
Vous personnellement, qu’avez-vous apporté en tant que femme chez ERDF d’une part et dans l’industrie d’un point de vue plus global ?
J’ai compris que mon engagement pouvait être utile à l’entreprise. Alors j’essaie d’amener mes jeunes collègues à cette réflexion.
Plus concrètement chez ERDF, dans mon dernier poste, j’ai par exemple eu une vision de ce que devait être la relation client différentes de celle de mes collègues masculins. Mais ils m’ont fait confiance car j’ai su défendre mes positions et apporter mes idées, en assumant mon rôle de femme.
Quelles qualités sont nécessaires à une femme pour faire sa place dans un milieu d’homme ?
Il faut d’abord être très pugnace, il faut de la ténacité. Ce sont les femmes qui doivent changer les choses car les choses ne changeront pas toutes seules pour elles. Les femmes sont trop en retrait, trop dans le domaine domestique. Il faut dire aux jeunes filles qu’elles ont leur place dans les métiers d’ingénieurs et scientifiques. C’est un travail culturel de fond qu’il convient de mener.
Auriez-vous quelques conseils à donner aux femmes qui vont nous lire pour réussir en entreprise ?
S’inscrire dans les réseaux et faire évoluer les choses à son échelle. Il faut assumer le fait d’être une femme, et assumer de prendre les problèmes de façon différente. Après le « Black is beautiful » des années 1970, je propose le « Woman is beautiful » !
Pensez-vous que les réseaux soient un appui/ une aide précieuse ?
D’après moi, la principale difficulté des femmes c’est justement qu’elles ne sont pas assez impliquées dans les réseaux. Elles doivent donc parfois dépenser plus d’énergie pour obtenir les mêmes résultats qu’un homme. Les réseaux permettent de mieux se développer professionnellement mais également personnellement. Ils permettent également aux femmes de s’ouvrir à leur environnement et sont un moyen de rencontrer des gens, de développer ses relations et se sentir moins isolée. C’est indispensable aujourd’hui de savoir développer son réseau.
Je m’implique donc de plus en plus dans les réseaux: Je suis trésorière de « EST‘elles Executive » depuis mon passage au MBA de l’ICN Nancy. Je suis également adhérente active du réseau EDF « Interp’elles » et j’aimerais m’investir à l’avenir dans le réseau « Elles bougent ».
Ces réseaux se développent de plus en plus, pourquoi ?
Je crois qu’il y a une prise de conscience des femmes sur leur place dans l’économie. Les réseaux leur permettent de se retrouver pour échanger sur des problématiques spécifiques. Ils répondent à cette envie des femmes d’échanger entre elles et de voir leur genre reconnu. Autrement dit, l’air du temps évolue, et certaines entreprises l’ont compris. De plus en plus d’entreprises créent leur réseau féminin.
Il ne faut toutefois pas oublier que les réseaux sont un outil, pas un but. Le but est d’avoir un réel impact sur l’entreprise et sur l’économie.
Quelles sont les femmes qui vous inspirent ?
J’admire Simone Veil, dont j’ai lu la biographie. Sa carrière est épatante, elle va systématiquement au bout de son engagement. Ce qu’elle a fait notamment pour améliorer les conditions de vie en milieu carcéral est incroyable. Mais de façon générale, j’admire les femmes capables de s’engager au service d’une cause. Ce sont ces femmes qui vont changer la donne et réussir dans la nouvelle économie.
Quelques mots pour conclure sur la place des femmes ?
Les places sont à prendre ! (rires)
En bonus, découvrez la vidéo de Jeanine Doppel, Prix Femme dans l’industrie, Nancy 2014 ci-dessous.
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