Pratiques de pêche destructrices, travail des enfants, aide à l’évasion fiscale ; les pratiques des entreprises sont aujourd’hui analysées par la société civile et nombre d’entre elles ont été dévoilées et critiquées par des « lanceurs d’alertes ». Afin d’éviter ces situations très impactantes pour leur image, certaines entreprises ont choisi de se doter d’un panel de parties prenantes : des « critical friends », à même de l’alerter sur ces risques de réputation et plus généralement de conseiller sur sa stratégie RSE.
Qui sont les membres de ces panels ? Constituent-ils une méthode de dialogue efficace ?
Les parties prenantes au cœur de la stratégie RSE
Les parties prenantes, définies comme l’ensemble des acteurs dans la sphère d’influence de l’entreprise (clients, fournisseurs, actionnaires, communautés locales, etc.), sont directement impactées par l’activité de l’entreprise. Ainsi, l’identification, puis le dialogue avec les parties prenantes sont les premières pierres nécessaires à la construction d’une stratégie RSE solide.
Afin d’élaborer un dialogue constructif, certaines entreprises comme Danone ou Lafarge ont ainsi décidé de se doter d’un panel de parties prenantes. Ces panels se réunissent une ou plusieurs fois par an pour échanger sur la stratégie RSE de l’entreprise.
Un outil idéal pour identifier ses axes d’améliorations… en théorie
Ces panels de parties prenantes ont pour rôle d’analyser l’adéquation de la stratégie RSE d’une entreprise avec ses impacts et d’identifier ses axes de progression. Derrière ce concept général, la constitution et le mode de fonctionnement de ces panels est très variable :
- Thématiques abordées : étude des impacts à l’échelle de l’entreprise ou à un niveau local/régional, sur l’ensemble des thématiques RSE identifiées par l’entreprise ou sur une thématique en particulier.
- Modalités de fonctionnement des panels : la fréquence et les modalités d’organisation des réunions varient, de même que la nature du dialogue avec l’entreprise, le niveau hiérarchique du dialogue, etc.
- Rôle des panels : il va de l’analyse des publications RSE à la proposition d’axes d’amélioration de la stratégie RSE.
En pratique, 3 principaux axes de maturité des panels se dégagent
Malgré certaines tendances qui se distinguent comme la confidentialité des membres, la forte hétérogénéité observée sur les modalités de fonctionnement et la composition des panels pose 3 questions clés, qui déterminent le niveau d’implication et d’efficacité du panel dans la stratégie de l’entreprise :
- Confidentialité des panels
Pour une majorité d’entreprises, les membres constitutifs des panels ne sont pas rendus publiques. Ce souci d’anonymat a pour but de permettre aux participants du panel de s’exprimer plus librement lors de ces réunions (cf. règle de Chatham House). Néanmoins, ce manque de transparence sur les intervenants complique le travail d’analyse de la représentativité et de la légitimité de ces panels pour le public et les analystes extra-financiers.
- Manque de représentativité de certains panels
De nombreuses entreprises comme EDF ou Shell, ont mis en place des panels « développement durable » et non des panels de parties prenantes pour challenger leur stratégie RSE. Cette approche consiste à créer des panels de chercheurs, membres d’ONG et leaders d’opinion reconnus à l’échelle internationale pour leur expertise sur une ou plusieurs problématiques sociales et environnementales.
En particulier, certaines parties prenantes comme les investisseurs, les acteurs de la chaine de valeur ou encore les salariés, qui sont au cœur de la sphère d’influence de l’entreprise y sont très peu représentées.
Or, ce manque de représentativité affaiblit le poids de ces panels aux yeux de la direction d’entreprise : des problématiques soulevées par des investisseurs, clients ou salariés seront très probablement suivies avec plus d’attention que celles d’experts externes ou d’ONG car leur insatisfaction aura plus d’impact pour l’entreprise.
- Importance de la démarche d’amélioration continue
Le rôle des panels est d’adopter une posture critique sur les publications et la stratégie RSE de l’entreprise pour proposer des axes d’amélioration à ceux-ci. Ainsi, le suivi des axes de progression proposés par le panel est essentiel pour garantir une approche utile et constructive.
Dans de nombreux comptes rendus, les parties prenantes font par ailleurs la demande d’être davantage informées de l’avancement des travaux sur leurs propositions, au delà des séances de consultation où se réunit le panel.
En conclusion, un niveau de maturité des panels très variable
La nature des échanges avec les panels de parties prenantes est aujourd’hui très hétérogène. Si de nombreux panels ont été mis en place par les grands groupes, un nombre restreint d’entre est mature sur les trois axes présentés.
Néanmoins, il existe des exemples de panels très matures comme celui de Lafarge : crée il y a une dizaine d’années, il regroupe des représentants d’organisations gouvernementales, de la chaine de valeur avale, d’ONG environnementales et sociales, des salariés, du monde financier et du monde académique. Sa composition est transparente et ses rapports rendus publiques.
Les panelistes y expriment à la fois leur satisfaction quant à la prise en compte par Lafarge des pistes d’améliorations suggérées dans les précédentes réunions et les axes d’amélioration futurs sur les enjeux RSE de Lafarge : communautés locales, sécurité des employés, construction durable, émissions de gaz à effet de serre et corruption.
Ainsi le panel de parties prenantes, s’il est efficace, peut apporter un dialogue structurant et de réelles propositions pour construire une stratégie d’entreprise responsable. Une démarche créatrice de valeur à long terme mais dont la maturité est assez contrastée d’une entreprise à l’autre : son apport est principalement fonction du niveau de représentativité des membres du panel, de la nature du dialogue et des processus de suivi des échanges mis en place. A date, en miroir à l’absence d’un cadre commun, c’est une grande diversité de pratiques qui est observée. Si la démarche nécessite une certaine souplesse, la mesure des résultats et des impacts dans le temps est nécessaire, pour donner vie plus largement au dialogue avec les parties prenantes.
Les panels de parties prenantes semblent être un bon procédé, mais la RSE des entreprises n’est-elle pas davantage impactée par ses stratégies de développement durable que par sa communication sur le long terme ?
Effectivement, les stratégies de développement durable doivent être au cœur de la politique RSE d’une entreprise.
Néanmoins, la communication est un axe essentiel de la RSE car la gestion du risque de réputation reste une des raisons principales de la mise en place de politiques RSE des entreprises.
Le tout est bien d’avoir à la fois des actions RSE concrètes et pertinentes etune communication autour, afin de ne pas se retrouver avec une « coquille vide ».