Les plans de développement territoriaux : un levier de transformation des gestionnaires d’infrastructures et d’actifs de production décentralisés

Depuis plusieurs années, notamment dans le cadre de la transition énergétique et de la réforme territoriale, les collectivités territoriales montent en puissance sur la définition et le pilotage des politiques énergétiques. Et, plus qu’au niveau national, elles font le lien entre les différentes politiques et domaines d’action : énergie, transports, urbanisme, environnement. Par ailleurs les collectifs d’action locale sont de plus en plus présents … voir virulents, comme le montre la diffusion de la logique d’action ZAD (Zone A Défendre). En conséquence, les collectivités territoriales sont également très attentives aux conditions sociétales de développement des projets. Ce contexte en évolution modifie profondément la façon dont les gestionnaires d’infrastructures énergétiques (réseaux électriques et gaziers, réseaux de chaleur) et d’actifs de production d’énergie décentralisés (hydroélectricité, éolien, solaire) abordent leur développement.

 

La fonction marketing territorial se développe

 

Pour analyser et comprendre les multiples acteurs impliqués dans la vie d’un territoire, les énergéticiens renforcent leur fonction de marketing territorial. Il ne s’agit plus seulement de connaître et d’entretenir la relation avec les acteurs institutionnels, mais bien de s’intéresser à toutes les parties prenantes pouvant être concernées par les externalités économiques, sociales et environnementales de l’entreprise.

La liste est longue :   représentants des administrations ; élus, services techniques mais aussi experts et chefs de projet au sein des collectivités territoriales ; acteurs économiques installés ou émergents ; associations et représentants de la société civile ; experts et conseils y compris sur des domaines nouveaux et pointus (études de flux, nouvelles mobilités…) ; consommateurs finaux et leurs représentants …, avec une attention particulière, puisque l’on parle d’infrastructures et d’installations de production, aux riverains, propriétaires fonciers, exploitants agricoles et « simples » usagers des espaces.

Pour chaque partie prenante, il s’agit de bien comprendre les attentes et logiques d’action, et d’analyser la perception des impacts de l’activité de l’entreprise, en les caractérisant en termes de bénéfices et / ou de sacrifices. À noter que, s’agissant de l’énergie, les thématiques de la sûreté, de la sécurité et de la santé doivent être tout particulièrement approfondies.

On est bien loin du temps où l’on pouvait réussir des projets industriels « parachutés » par le national : il faut s’inscrire dans une logique « locale – globale » avec une approche agile appropriée à la complexité et l’incertitude du contexte. Ainsi, à partir de sa compréhension de l’environnement, le marketing territorial développe des offres pour aider les parties prenantes à faire aboutir les projets les plus cohérents avec les intérêts propres de l’énergéticien.

 

Le plan de développement territorial s’impose comme un outil clé

 

Le plan de développement territorial est l’outil qui permet de structurer et d’animer la démarche, en ayant en tête qu’il ne s’agit pas d’un « livrable », mais d’un « processus permanent ». Un processus de co-construction et de concertation permettant de faire émerger les convergences et divergences, de clarifier et renforcer les intérêts communs et de qualifier et compenser les « sacrifices ». Un processus qui s’intègre dans la volonté des collectivités territoriales de mettre en place des approches consultatives.

Ce processus se matérialise à la fois par une instance pérenne de type « comité d’orientation territorial » et par des méthodes de concertation multi-acteurs. L’état d’esprit est à la transparence, à l’ouverture, à l’innovation, à la recherche de la valeur collective durable.

Un point délicat consiste à délimiter le périmètre concerné : peut-on et est-il pertinent de se focaliser sur l’énergie en étant « au centre » du jeu ? Ou faut-il ouvrir le périmètre à d’autres domaines (transport, urbanisme, environnement) en n’étant « qu’un des acteurs » de la dynamique ?

Quel que soit le périmètre, pour l’énergéticien, l’enjeu clé consiste à être reconnu comme légitime pour jouer le rôle qu’il souhaite jouer. Ainsi le plan de développement territorial a pour finalité de servir les intérêts court terme, moyen terme et long terme de l’entreprise grâce à une meilleure intégration dans la dynamique des territoires.

 

Et pour réussir, ce sont toutes les fonctions de l’entreprise qui doivent se transformer

 

Au sein de l’entreprise énergétique, le plan / le processus de développement territorial n’est pas « réservé » aux acteurs de la fonction territoriale, mais doit impliquer et transformer toutes les fonctions de l’entreprise : ingénierie, exploitation / maintenance, achats, ressources humaines… Et ceci d’abord parce que la valeur produite et perçue par les parties prenantes résulte de l’action de tous : faire évoluer et maximiser la valeur perçue suppose donc que chacun comprenne ce qui est attendu de lui et fasse évoluer ses politiques et ses pratiques.

Et au-delà de la mobilisation des compétences existantes, il s’agit également de développer de nouvelles compétences par exemple en termes de veille ou de collecte et d’analyse de données issues d’autres secteurs.

Pour réussir, les entreprises développent une culture et des pratiques concrètes de travail collaboratif qu’il s’agisse de fonctionnement en mode projet, de l’utilisation de plateformes digitales ou d’outils participatifs d’analyse et de créativité.

L’enjeu est d’autant plus grand que dans bon nombre de cas, on observe que les entreprises passent, dans le même temps, d’organisations géographiques à des organisations par filières métiers. Cette contradiction apparente (risque d’éloignement des spécificités de chaque territoire) est peut être au contraire une opportunité pour mettre en place des fonctionnements transverses décentralisés « sans baronnies », avec une forte agilité entre le local et le national.

 

En conclusion, ouverture à l’externe et intelligence collective sont les deux piliers de la différenciation et de l’adaptation aux territoires

 

Certes, ce sujet n’est pas nouveau, mais il est de plus en plus complexe et « impactant ». Le développement de la place de l’ouverture externe et de l’intelligence collective dans la culture de l’entreprise constitue le socle de la stratégie de développement territorial.

Fort de cette culture les gestionnaires d’infrastructures et d’actifs de production décentralisés sauront trouver les moyens de tirer leur épingle du jeu par une différenciation adaptée.

En synthèse, il s’agit de se développer « avec les acteurs des territoires » et pas « sur les territoires ».

 

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