Solar Décathlon : à fond la com’ ?

Le Solar Decathlon a été créé à l’initiative de l’US Department of Energy en 2002 à Washington. Le principe est de mettre en concurrence des équipes d’universitaires du monde entier dans le cadre d’un projet de maison de 75 m2 utilisant le soleil comme seule source d’énergie. Ces projets, conçus dans un cadre académique sur une période de 2 ans, sont évalués – « décathlon » oblige – sur 10 critères parmi lesquels l’architecture, le bilan énergétique, le respect des conditions de confort et la soutenabilité du projet. Il s’agit ainsi de penser l’habitat de la ville durable.

En 2010, le concours a été importé en Europe par le gouvernement espagnol. La dernière édition s’est déroulée à Versailles fin 2014. Mais, au-delà d’un exercice de communication, en quoi cette compétition répond-elle à la problématique de la ville durable ?

La ville durable : quels enjeux ?

La problématique de la ville durable est un enjeu majeur aujourd’hui. En effet, 54% de la population mondiale vit en zone urbaine et ce chiffre devrait atteindre les 66% d’ici à 2050. Il est donc nécessaire de rendre la ville encore plus agréable et accueillante tout en respectant un certain nombre de pré-requis.

 VD

De l’approvisionnement énergétique à l’ameublement, en passant par les appareils domotiques, tout peut être sujet à l’innovation, à condition de prendre en compte le contexte local du quartier ou de la ville concernée. Stratégie d’urbanisation, subventionnement public mais aussi climat (degré d’ensoleillement par exemple) peuvent fortement influencer les projets urbains.

Le Solar Décathlon, un pas en avant dans la construction de la ville durable…

Lors de l’édition 2014 du Solar Décathlon, trois projets se sont distingués.

L’équipe « RhOME for denCity » termine première au classement général. Le concept qu’ils ont présenté correspond au dernier étage d’un immeuble issu d’un projet d’urbanisation du quartier de la Tor Fiscale à Rome. Manque de transports, d’espaces verts, de commerces et de services, constructions vieilles, douteuses ou dangereuses, autant de raisons pour motiver cette équipe de l’université Rome 3 à proposer ce concept d’habitation. Ce dernier, utilise plusieurs solutions pour obtenir son indépendance énergétique. D’une manière passive, son toit possède une partie mobile qui permet de modérer l’ensoleillement pour réguler la température intérieure de l’habitat. D’une manière active, un panneau thermodynamique installé sur le balcon couplé à une pompe à chaleur permet de chauffer l’eau. Ce système a d’ailleurs été breveté par l’université Rome 3. Des panneaux photovoltaïques implantés sur la partie mobile du toit ainsi que sur une paroi orientable, permettent de fournir en électricité l’ensemble de l’appartement. Cette même électricité servira à activer la ventilation et alimenter le plancher chauffant ou rafraîchissant. En plus de ces innovations et d’un concept architectural intéressant, cette habitation a été appréciée des jurys pour son confort et son fonctionnement.

Les nantais d’Atlantic Challenge ont vu leur projet « Phileas » récompensé du 2ème prix. Il vise la réhabilitation d’un ancien bâtiment industriel : Cap 44. D’abord utilisé comme minoterie, il a ensuite servi de coopérative agricole et d’immeuble de bureaux, avant d’être laissé à l’abandon. Le prototype présenté correspond, ici aussi, à un logement installé au dernier étage. Son but principal est de réinvestir l’existant. Après avoir retiré le bardage issu d’une rénovation pour remettre à nu la structure d’origine, des failles longitudinales et latérales ont été créées pour plus de lumière naturelle dans le bâtiment. Les étudiants ont pensé incrémenter le bâtiment par plusieurs modules préfabriqués en bois pour compenser les surfaces détruites. Ces derniers permettent une rénovation énergétiquement performante. Les loggias intégrées à la façade sud agiront en régulateur thermique à l’intérieur du bâtiment. Surmonté de serre ce bâtiment permettra le maraîchage urbain et deviendra ainsi un lieu convivial. Ce concept est ainsi à la pointe en matière d’efficacité énergétique.

L’équipe Prêt-à-loger de la Delft University of Technology aux Pays-Bas termine 3ème. Son projet « Home with a skin » est pensé pour la réhabilitation de maisons mal isolées, construites en 1963 dans le village de Honselersdijk et représente une alternative à la démolition. Les maisons individuelles comme celles-ci représentent 60% des habitations aux Pays-Bas. Le principe est de leur ajouter une seconde « peau » du côté exposé au soleil. Des stores en composite sont utilisés pour modérer l’ensoleillement provenant de cette extension. En agissant comme isolant l’hiver et permettant une ventilation naturelle l’été, elle rendrait l’habitat énergétiquement plus performant. Le prototype est équipé d’un système domotique contrôlant la ventilation, les protections solaires, l’éclairage et le chauffage.

…mais des progrès restent à faire

 Bien que les projets récompensés en 2014 soient d’une grande qualité, les participants au Solar Décathlon peinent à satisfaire pleinement l’ensemble des critères clés de la ville durable.

La difficulté majeure rencontrée par les vainqueurs a été le coût. En effet, les nombreuses installations nécessaires à la réussite de « RhOME for denCity » impliquent des investissements relativement conséquents. Il en va donc de la viabilité économique du projet, dans un contexte où les innovations en matière de production et de consommation d’énergie ne doivent pas se faire au détriment du coût.

Malgré le caractère fonctionnel de l’habitation et son efficacité énergétique avérée, le projet « Atlantic Challenge » pourrait davantage tenir compte de son environnement afin de s’intégrer au mieux dans l’espace sur lequel il est implanté.

Quant aux concepteurs de « Home with a skin », ils se sont attachés à réhabiliter les logements du fait du coût élevé que pourrait engendrer leur destruction. Il s’agirait désormais de capitaliser sur ces travaux pour penser davantage le village de Honselersdijk comme durable. La création d’espaces d’échange constituerait alors un premier pas. Pour cela, une étroite collaboration entre élus et habitants permettrait de répondre au mieux aux attentes de ces derniers.

Il n’est visiblement pas facile d’équilibrer la balance entre efficacité énergétique, confort et intégration. Mais la tenue de l’édition 2014 du Solar Décathlon en France démontre l’intérêt de notre pays (élus et habitants) pour la problématique de la ville durable. Il s’agit donc de maximiser la performance énergétique de chaque habitation tout en garantissant qu’elle s’inscrive de manière cohérente et viable dans le quartier ou la ville concernés.

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