Copenhague, 2009, les pays du monde entier se mettent d’accord pour limiter la hausse des températures à +2°C[1]. Or 6 ans plus tard cet engagement ne s’est toujours pas traduit par des mesures concrètes. Paru en 2014, le cinquième et dernier rapport du Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’Évolution du Climat (GIEC) est assez alarmiste sur les marges de manœuvre encore disponibles pour contenir la hausse globale des températures à +2°C. Ce cap fixé par les scientifiques marque le seuil à partir duquel les conséquences sur l’environnement seront d’une part irréversibles et d’autre part aussi brusques que catastrophiques.
La prochaine conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques qui se tiendra à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015 (COP21) a pour principal objectif de conclure un accord suffisamment ambitieux pour limiter le réchauffement climatique à 2°C.
Pris entre l’optimisme politique et le pessimisme scientifique, quels sont les éléments à avoir en tête pour aborder sereinement cette conférence ?
Des émissions mondiales de GES en hausse continue depuis 1960
Le dernier rapport du GIEC réaffirme, au grand désarroi des climato-sceptiques, que les activités humaines, notamment par l’usage des énergies fossiles, ont engendré une hausse exceptionnelle des gaz à effet de serre (GES). Cette concentration débridée de GES pourrait entraîner des changements majeurs de températures, du niveau des mers ou de la fonte des glaces.
Les émissions de GES ont connu une augmentation soutenue depuis 1970 comme l’illustre le graphique ci-dessous, et la croissance annuelle moyenne la plus forte s’est observée sur la période 2000-2010.
De même, la période 1960-2015 a vu la concentration de Co2[2] (mesurée en Part Per Million, PPM) augmenter de plus de 30%. Celle-ci a d’ailleurs franchi en 2013 le seuil symbolique des 400 PPM.
Réduire de 40% à 70% les émissions de GES en 2050 par rapport au niveau de 2010 pour tenir l’objectif de limitation du réchauffement à 2°C
Se fondant sur plus de 900 scénarios d’évolution des émissions de GES, le GIEC a pu constituer plusieurs hypothèses de réchauffement climatique à l’horizon 2100.
Au rythme actuel d’augmentation des GES, les scénarios les plus probables sont ceux d’une élévation des températures comprise entre 3,4°C et 4,5°C d’ici 2100, engendrée par une hausse des émissions de GES oscillant entre 33% et 126% des émissions de 2010. Le scénario le plus pessimiste prévoyant un dépassement du seuil des 2°C supplémentaire dès 2030.
De même, pour contenir la hausse des températures à +2°C, les émissions mondiales devront être réduites de 40% à 70% entre 2010 et 2050 ce qui fait de ces scénarios les plus improbables d’après le GIEC. Le seul scénario respectant l’objectif d’augmentation à +2°C, dont la probabilité est supérieure à 50%, est celui impliquant une concentration de GES d’environ 450 PPM à l’horizon 2100 sachant que la seule concentration de Co2 a déjà actuellement dépassé le cap symbolique des 400 PPM.
Enfin, les scénarios se fondent aussi sur les délais de mise en œuvre des efforts de réduction des émissions de GES. Plus ces efforts seront retardés, plus la probabilité de maintenir la hausse des températures à +2°C sera faible.
Des efforts qui concernent très majoritairement six « super-pollueurs »
La répartition mondiale des émissions de GES est très inégale et la Chine et les États-Unis représentent à eux seuls près de 50% des émissions de GES.
On peut raisonnablement supposer que si ces deux pays maintiennent leur niveau d’émission actuel, les quelques cent quatre-vingt-dix autres devront effacer complétement les leurs pour parvenir à une réduction d’au moins 40% des émissions globales. Et compte tenu des émissions des quatre autres « super-pollueurs»[3], en moyenne en hausse sur la période 2005-2010, ainsi que la croissance continue de la population mondiale, et le développement des économies émergentes, il y a de quoi alimenter notre pessimisme !
Tous les regards sont donc tournés vers les États-Unis et la Chine, premiers pollueurs mondiaux, le changement climatique étant largement corrélé à leurs décisions et notamment aux politiques énergétiques qu’ils comptent mettre en place pour réduire leurs émissions de GES. Un accord a d’ailleurs déjà été conclu entre ces deux superpuissances qui prévoient des efforts notables de limitation des leurs émissions de GES. Mais, à la lumière du rapport du GIEC, ces efforts limités et isolés paraissent insuffisants pour inverser la courbe du réchauffement sous la barre des +2°C.
De l’importance de s’accorder sur un plan d’actions global et concret
Alors que jusqu’à maintenant les sommets internationaux sur le climat ont souvent manqué d’ambition et que le sommet de Copenhague a accouché d’une souris, la prochaine conférence sur le climat a pour objectif de décrocher un accord suffisamment ambitieux pour limiter le réchauffement à +2°C et ainsi respecter cet engagement convenu entre tous les pays du globe.
La France, qui accueillera l’ensemble des délégations et présidera la conférence, devra faire preuve d’un leadership sans faille. L’objectif est d’embarquer le monde entier et de mettre le cap sur des objectifs tangibles en vue de parvenir à cet impératif de limiter le réchauffement à +2°C. Il s’agira de prendre des mesures concrètes sur chacun des secteurs de l’économie mondiale participant à la hausse des émissions de GES et particulièrement de s’entendre sur une transition énergétique globale. Cet objectif de parvenir à un mix énergétique au mieux décarboné, sinon sobre en carbone, devra être atteint en dépit des coûts très attractifs des énergies fossiles.
Réduire nos émissions de GES de 50% à 70% d’ici 2050 suppose de rompre avec les modèles économiques actuels et de parvenir progressivement à une société dans laquelle croissance économique ne rimera pas forcément avec consommation de ressources et où la sobriété prendra le dessus sur le tout carbone. Et même si ces mots raisonnent aujourd’hui comme une douce utopie, nous ne manquerons pas de faire le bilan de cette conférence tant attendue.
[1] Par rapport au niveau préindustriel
[2] Le Co2 est de loin (76%) le principal gaz à effet de serre
[3] Union Européenne, Inde, Russie, Japon
Pour aller plus loin :