Jusqu’en 2008, le Maroc était dans une quasi dépendance énergétique aux combustibles fossiles. Les importations d’hydrocarbures ruinaient le gouvernement, qui les subventionnait pour assurer des prix de l’électricité et de l’essence acceptables pour les plus modestes.
Pour pallier à cette situation, le royaume a initié sa transition énergétique en s’engageant dans une ambitieuse politique de développement des énergies renouvelables.
Le printemps des énergies vertes
Le Maroc a investi dans le solaire et l’éolien avec pour objectif de diversifier et d’équilibrer son mix énergétique. Les programmes lancés (le Programme Energie Solaire et le Programme Energie Eolienne) ont été accompagnés par l’adaptation de l’arsenal réglementaire et institutionnel avec la promulgation d’une loi relative aux énergies renouvelables et la création d’organismes d’accompagnement (MASEN, SIE, FDE…). Malgré cette politique énergétique avant-gardiste, il reste plusieurs défis comportementaux, réglementaires et industriels à relever pour enfin combiner développement durable et croissance économique.
La nécessaire révolution des mentalités
Même si les gouvernements développent les infrastructures et structurent le secteur énergétique du pays, il reste encore beaucoup à faire au niveau des comportements des citoyens.
Pour le moment, peu semblent accorder de l’importance à leur empreinte énergétique et mesurer l’étendue des retombées négatives dues à l’importation de plus de 90% de l’énergie consommée. La consommation énergétique nationale marocaine, qui a bondi de 180% de 2008 à 2014, en est la preuve. La sensibilisation des citoyens apparaît alors comme un axe majeur d’amélioration pour aboutir à la réduction de consommation énergétique escomptée (12% de la consommation énergétique d’ici 2020, et 15% d’ici 2030).
Pour l’atteinte de cet objectif, aucune initiative visant à changer les mentalités n’est à négliger car toute évolution des attitudes et des comportements peut faire pencher la balance énergétique en faveur du Maroc. Il serait alors judicieux de lancer rapidement des campagnes de communication et de sensibilisation du grand public aux enjeux énergétiques.
De plus, il faudrait promouvoir puis encadrer des initiatives individuelles telles que :
- L’autoproduction d’électricité par des particuliers ou des entreprises
- Les « petites » énergies renouvelables comme les chauffes eau solaires …
L’audit énergétique : en attente d’adeptes
Le cas de l’audit énergétique illustre parfaitement l’intérêt, très modéré, des citoyens pour l’efficacité énergétique.
La loi 47-09 relative à l’efficacité énergétique pourtant adoptée en 2009, reste largement inappliquée. L’audit énergétique qui y est préconisé pour tout projet d’aménagement urbain est loin de se démocratiser. Il reste principalement pratiqué par les industries énergivores et par les entreprises qui veulent être labellisées ISO14001 ou 50001 (c’est un prérequis). Notons l’effort des entreprises publiques qui sont dans ce domaine, meilleures élèves que le privé.
Il est vrai que 20% des industries marocaines consomment entre 60 et 80% des énergies disponibles mais, des études pour toute nouvelle construction, quel qu’en soit l’usage, permettraient d’agir à plus grande échelle. Une piste d’amélioration ? Sensibiliser :
- les professionnels en leur proposant un accompagnement de proximité
- les particuliers qui construisent leurs propres logements en valorisant l’audit énergétique.
L’Industrie : l’autre Graal du Plan Vert Marocain
Le gouvernement marocain a clairement affiché son souhait de faire bénéficier le tissu industriel marocain des lourds investissements qu’il fait dans les énergies renouvelables. D’ailleurs, parmi les prérogatives de MASEN, apparaît l’émergence d’une filière industrielle solaire nationale.
L’intégration industrielle des opérateurs marocains est de 30% aujourd’hui et doit atteindre 50 % en 2020. Cet objectif semble réaliste en prenant l’éolien comme point de repère. Ce taux y était de 7 % au lancement des premiers projets éoliens et atteint les 35 % aujourd’hui.
Un bémol à ce succès : à y regarder de plus près, les 30% (pourcentage minimum imposé) des marchés aujourd’hui confiés aux entreprises nationales se fait principalement sur des travaux de génie civil, mécanique, câblage, infrastructure… L’expertise marocaine dans les technologies des énergies renouvelable a du mal à éclore.
S’inspirer des expériences internationales pour améliorer les mesures fiscales et réglementaires semble alors être une piste. Des lois plus incitatives, pourraient encourager les PME à développer de la Recherche et Développement dans le secteur et aboutir, enfin, à la mise en place d’une réelle filière industrielle nationale.
L’Emploi : l’ultime quête
L’intégration industrielle, souhaitée et assurée par un impératif contractuel précitée, est une réelle opportunité de création d’emploi qui aura un impact socio-économique positif. Se pose alors la question du transfert de savoir. Sur des appels d’offre souvent internationaux, sans obligation de partage de savoir est-il possible de voir émerger des compétences marocaines expertes dans les technologies des énergies renouvelables ? Probablement non !
À moins d’engager quelques améliorations :
- une politique d’enseignement des disciplines scientifiques utiles au secteur pour épauler l’employabilité des marocains.
- une sensibilisation des professionnels en faveur de l’investissement des fonds privés pour la formation de futurs salariés dans le secteur.
- une prise de mesures réglementaires pour l’emploi des ressources locales dans les projets engagés.
Biomasse : l’énergie pour recycler
Au-delà des chantiers déjà engagés dans le solaire et l’éolien, certains autres pans des énergies durables, telle que la Biomasse, pourraient également être explorés.
Dans le domaine des bioénergies, le terme biomasse désigne différentes types de matières exploitées grâce à des procédés thermiques ou biochimiques (méthanisation ou combustion) afin de produire de l’énergie. Deux catégories de biomasse sont utilisées :
- la biomasse ligneuse : le bois, la paille, la bagasse utilisée au sein de centrales thermiques.
- la biomasse fermentescible : les lisiers, les résidus liquides, les déchets. Convertie en biogaz par des micro-organismes, cette biomasse est ensuite brûlée dans des groupes électrogènes adaptés.
Les États-Unis sont, le premier producteur d’électricité à partir de la biomasse avec 19,6 % en 2012, devant le Brésil (12,9 %)[] et l’Allemagne (12,7%). En France, la biomasse est la deuxième source d’énergie renouvelable (1,6% d’électricité produite en 2012).
Tant qu’il n’y a pas surexploitation de la ressource, l’énergie tirée de la biomasse est clairement une énergie renouvelable et durable. Cette filière, correspond donc tout à fait aux objectifs de développement durable du Maroc. En utilisant les déchets urbains et agricoles pour alimenter des centrales thermiques ou des groupes électrogènes, elle participerait grandement à l’élimination de pollution par le recyclage de déchets en énergie.
Concrètement de grandes entreprises internationales, présentes au Maroc pour d’autres projets d’énergies renouvelables, disposent déjà du savoir-faire nécessaire au développement de cette filière.
Par exemple EDF énergies nouvelles, présente dans le royaume, est aussi spécialisée dans la valorisation des sous-produits de l’industrie agricole. Elle exploite en Andalousie, une installation de 26MW permettant de valoriser 180 000 tonnes par an de résidus d’olive. Ne faudrait-il pas alors que ce soit le prochain chantier soutenu par le gouvernement marocain ?
Le maroc s’est donc clairement investi dans sa révolution énergétique. A la veille de la COP 21 (conférence sur les changements climatiques organisée à Paris le 30 novembre 2015), on peut donc espérer que le Maroc se soit mis en état de marche pour appliquer un éventuel nouvel accord international en investissant dans les énergies renouvelables avec en plus l’indépendance énergétique au bout du chemin.