Nous l’avons vu début décembre lors de la COP21 qui a eu lieu à Paris, la conscience environnementale mondiale est en route. Les pays s’accordent pour trouver des solutions pour sauver l’environnement, pour éviter les catastrophes naturelles, la montée des eaux, les réfugiés climatiques et tous ces nombreux sujets de préoccupations qui occupent notre siècle. Et on le sait, la principale cause de cette pollution sur laquelle on se focalise est la production de gaz à effet de serre dégagée par la combustion des énergies fossiles.
Cependant, les pays pétroliers et gaziers, et plus précisément l’Arabie Saoudite, les Émirats-Arabes-Unis, le Qatar ou encore le Koweït, vivent de l’ancien modèle et basent l’ensemble de leur économie sur la manne financière que représente la vente du pétrole.
Comment ces pays réagissent-ils face à une volonté mondiale de réduction de la consommation des énergies fossiles ? Ces pays vont-ils bloquer les négociations ou au contraire préparer l’évolution de leur modèle voire être moteur du changement ?
Des pays à empreinte écologique forte
Il existe beaucoup d’indicateurs pour comparer les niveaux de pollution des pays. L’un d’entre eux est l’empreinte écologique, calculée et publiée dans un rapport chaque année par le Global Footprint Network. Il mesure la surface nécessaire à une population pour produire, extraire ses ressources et assimiler ces déchets. En 2015, le classement annonçait que le Koweït, le Qatar et les Émirats-Arabes-Unis étaient dans le top 3.
Un autre indicateur est celui des émissions de CO2 (tonnes métriques par habitant) délivré par la Banque Mondiale. Là encore, les pays pétroliers battent les records : 44 pour le Qatar, 20,4 pour les Émirat-Arabes-Unis, 18,1 pour l’Arabie Saoudite. À titre de comparaison, le score des Etats unis est de 17,0, de la Chine 6,7 et de la France 5,2.
Quel que soit le classement, force est de constater que ces pays pétroliers semblent être de mauvais élèves. Ayant la ressource fossile au cœur de leur économie, il est difficile de limiter la hausse de leur production comme de leur consommation qui a pris là encore 7% en 2014.
Rappelons-le, la région détient tout de même 60% des réserves mondiales de pétrole et 40% des réserves de gaz. Vivant dans un environnement riche en énergie fossile, ces pays ont construit une économie à forte empreinte écologique. Mais ils semblent quand même commencer à traiter cet aspect là.
Des initiatives et des innovations
Il était une fois Masdar, une ville nouvelle qui se dressera en 2016 à 30km d’Abou Dhabi. Ce n’est pas une histoire, mais bien une réalité. Les Émirat-Arabes-Unis construisent de toute pièce cette ville au nom qui signifie « la source » en arabe. Une ville totalement écologique. Elle n’emmétra pas de gaz carbonique, elle ne rejettera aucun déchet et utilisera uniquement l’énergie renouvelable solaire et éolienne. Des commandements un peu éloignés de la réalité du lieu qui se dresse sous 50° à l’ombre en plein désert ocre. C’est aussi Abou Dhabi qui aura le premier programme nucléaire complet, et la plus grande centrale solaire à concentration du monde, Shams-1.
Ce ne sont pas les seuls. 100 milliards de dollars (88,2 milliards d’euros) : c’est la somme que prévoit d’investir l’Arabie Saoudite d’ici 2030 pour construire des centrales solaires et financer la construction de réacteurs nucléaires.
Des initiatives ont donc été lancées. Mais s’agit-il d’une véritable prise de conscience écologique? Ou est-ce un effet de mode, une envie d’être à la pointe de la technologie du moment ? Les pays pétroliers sont-ils vraiment prêts à changer de modèle, ou contraints à le faire ?
Un difficile revirement vers une nouvelle source de pétrole vert
Ce n’est pas une surprise, nous l’évoquions plus haut : le problème des pays pétroliers est que la base de leur économie est le pétrole. Et c’est aussi la base de leur puissance régionale.
Au 1er Octobre 2015, l’ensemble des pays participants à la COP21 devait rendre leur plan d’actions pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Mais la copie des pays pétroliers est restée blanche. Khalid Abuleif chef des négociateurs saoudiens se justifie : « Nous travaillons dur pour finaliser notre contribution nationale, mais nous sommes confrontés à des questions complexes, liées à la structure de notre économie et aux caractéristiques propres à notre région ».
Changer de modèle économique ? Se passer du pétrole ? Produire uniquement des énergies renouvelables ? C’est une décision plus importante que celle des autres pays de la COP21. Et c’est pour cela qu’ils ont tendance à freiner les négociations comme nous avons pu le voir à Paris. Pourquoi devraient-ils payer pour ça plus que les autres ?
Leur vision est qu’il faut réussir à maitriser les émissions de gaz certes et développer les énergies renouvelables grâces aux nouvelles technologies. Mais pas pour autant ne plus utiliser le pétrole : il faut l’utiliser de la façon la plus intelligente possible. Leur réserves pétrolières, au rythme de production actuel peuvent encore tenir 80 ans : ils ne semblent pas vouloir stopper demain leurs consommations. Les membres de l’OPEP nous rappellent bien « que cette forte intensité énergétique s’explique aussi par la demande mondiale. Ils nous renvoient à nos propres contradictions et à la responsabilité des pays industrialisés »
Mais si demain le reste du monde change sa manière de consommer, ces pays n’auront plus de clients pour acheter leur pétrole. Et d’ici 80 ans, ils seront forcés de changer de mode de consommation alors autant commencer dès aujourd’hui.
Quelles solutions pour les pays pétroliers ?
Les pays pétroliers ont des marges de manœuvre importantes pour pouvoir modifier les codes de consommations énergétiques.
Tout d’abord parce qu’ils ont d’autres sources d’énergie à disposition. Premièrement, le gaz. Le gaz, bien que fossile et carboné, est considéré comme une énergie d’avenir, moins émettrice de CO2. Il est également utilisé dans pour l’hybridation des énergies renouvelables. Deuxièmement parce qu’ils ont une autre ressource, elle inépuisable : le soleil.
Enfin, les pays pétroliers disposent de ressources financières non négligeables qui peuvent influer sur la recherche et développement autour de l’innovation énergétique. Cette R&D attire aujourd’hui peu d’investisseurs car le retour sur investissement est très long et ne peut être vu à l’échelle d’une vie humaine. Dans le cadre de la COP21, Bill Gates et d’autres géants du web ont lancé un fond d’investissement pour l’innovation énergétique. Et des pays comme les Émirats-Arabes-Unis se sont engagées à doubler leurs investissements sur cette initiative.
Bien que ce soit difficile de leur faire modifier leur économie, les pays pétroliers peuvent être un véritable vecteur de changement pour l’avenir de la planète. Certes, la dynamique n’est pas encore tout à fait lancée, mais le point positif est qu’ils semblent prendre conscience que se tourner vers d’autres modes de production d’énergie peut être bénéfique pour eux, et pour nous tous.