La transformation de villes internationales en hubs intelligents est un phénomène en vogue, tout autour du globe: Montréal, Barcelone , ou encore Tokyo en sont les exemples mêmes. Plus que des zones d’expérimentation, où les nouvelles technologies sont mises au profit des habitants, ces initiatives permettent aussi de répondre à de nouveaux enjeux urbains. C’est dans cette optique que l’Inde a décidé d’investir dans un réseau national de villes intelligentes. Dès son élection en 2014, le Premier Ministre Narenda Modi avait annoncé sa volonté de révolutionner l’organisation urbaine indienne : cette ambition s’est traduite par l’India Smart Cities Challenge, un projet regroupant 100 villes, ayant vocation à devenir des centres intelligents, moteurs de développement du pays.
L’India Smart Cities Challenge : une mission nationale
Le programme a débuté fin janvier, avec l’annonce de la liste des vingt villes qui serviront de projets-pilotes dans le cadre de cette initiative nationale de réorganisation urbaine. Préoccupé par la croissance démographique indienne et l’urbanisation de la population, l’objectif du gouvernement à travers ce projet est de dynamiser le pays en rendant ses villes plus intelligentes, plus rapidement. Pour atteindre ce but, le projet s’organise sous la forme d’un challenge participatif, invitant les collectivités locales mais aussi les habitants, à s’engager pour dessiner le futur de leurs villes.
Le développement d’un réseau de villes intelligentes à l’échelle du pays
Plus précisément, chacun des 100 participants a eu, courant 2015, à préparer une proposition, présentant l’ensemble des initiatives qui feraient de leur ville un modèle pour le reste du pays. La sélection s’est faite selon différents critères, tels que la vision urbaine traduite par la proposition, le degré d’innovation, mais aussi la crédibilité et faisabilité des initiatives considérées dans le projet. Les vingt premières villes sélectionnées recevront dès cette année des financements pour concrétiser leurs projets. Sur le même modèle, 40 nouvelles villes seront nommées en 2017, alors que le reste devra attendre l’année suivante : petit à petit, un réseau national de villes intelligentes verra donc le jour, force de rayonnement à l’échelle du pays.
Bhubaneswar : projet modèle ?
Bhubaneswar, capitale de l’état d’Odisha, est arrivée en tête de cette première boucle du concours. Sa proposition repose à la fois sur les structures existantes de la ville, mais aussi sur les besoins spécifiques de ses habitants : les priorités de la municipalité ont été mis en exergue par un sondage de la population. Trois enjeux majeurs qui en sont ressortis sont le transport, les déchets, et l’énergie. Le plan proposé par la municipalité met donc l’accent sur la construction d’un réseau de transport accessible et efficient; un modèle de gestion intelligente des déchets ; un programme d’éclairage public par LED ou encore la mise en place par la ville de panneaux solaires.
Une approche collaborative et participative de la smart city
Si chaque proposition reflète les spécificités de chaque ville, un dénominateur commun est l’importance portée à la participation locale. Dans le cas de Bhubaneswar, outre l’utilisation d’un sondage pour définir les priorités de la municipalité, un site web proposait à la population de voter pour les best practices à implémenter, dans chacun des aspects du projet. Plus globalement, parce que les moyens et besoins diffèrent énormément d’une région à une autre, les initiatives mises en avant par chaque participant s’appuient sur la vision des habitants de leur lieu de vie, et surtout, sur leurs besoins. En responsabilisant de cette façon les populations et décisionnaires locaux, un autre objectif se dessine : celui de revoir les modes de gouvernance des villes, faisant de la gestion urbaine un réel sujet de société, plutôt qu’une simple politique nationale.
Des enjeux clés pour un géant en pleine croissance
Cette volonté de revoir le mode d’organisation des villes répond aussi de manière efficace aux problématiques liées à la croissance démographique du pays. Alors que la population indienne continue de croître, la vitesse d’urbanisation en fait autant. Les villes intelligentes seront ainsi un moyen de canaliser à la fois les difficultés et les opportunités de cette croissance. D’une part, des problèmes existants, tels que l’absence de planification urbaine, ou encore la mauvaise gestion des déchets, pourront être résolus. De l’autre, la démarche participative permettra d’anticiper les enjeux à venir. Parmi les sujets transverses aux différentes villes, on retrouve souvent des mesures liées à gestion des réseaux de transport et du trafic, l’assurance d’un accès à l’eau et à l’électricité, ou encore des efforts d’inclusion et de développement sociaux.
Une ambition : transformer la vie urbaine indienne
Derrière ce projet se cache finalement une ambition de taille du Premier Ministre : révolutionner la vie urbaine du pays tout entier. Pour cette raison, le projet ne s’attaque pas seulement aux grandes métropoles indiennes. Les projets-pilotes, et dans un horizon plus lointain, l’ensemble des 100 villes intégrées au projet, devront servir de modèles pour l’ensemble du pays, et accompagner l’urbanisation et la modernisation de l’Inde. Plus qu’un projet innovant, ou un laboratoire d’idées, ce Challenge s’inscrit donc dans une volonté d’accélérer le développement du pays, tant du point de vue social qu’économique. En effet, si cette initiative implique un important investissement financier, le gouvernement fait aussi le pari qu’elle aura des influences bénéfiques sur la croissance économique indienne.
Plus qu’un projet local : un rayonnement international
Cette croissance économique pourrait aussi en partie venir des retombées internationales de l’initiative. Le Challenge a en effet suscité un grand intérêt de la communauté internationale : pour cette raison, il se révèle être une opportunité pour l’Inde de consolider ses relations avec des partenaires clés, tels que la France ou les États-Unis.
Il y a quelques jours, le gouvernement américain a confirmé sa volonté de soutenir l’Inde dans ses initiatives liées au développement de villes intelligentes, renforçant ainsi une relation commerciale déjà très forte entre les deux pays.
Du côté de la France, l’engagement est double. D’un côté, le gouvernement et l’Agence Française de Développement viendront en aide au pays, en apportant notamment une aide technique, et en investissant dans le développement de trois villes cibles : Chadigarh, ville créée par Le Corbusier, Pondichéry, ancienne colonie française et Nagpur. De l’autre, plusieurs partenariats avec des compagnies françaises verront le jour, pour accompagner l’Inde dans sa transformation. Parmi eux, un appui de la SNCF dans les projets de modernisation des gares, et un contrat entre Veolia et Nagpur dans l’amélioration des systèmes de distribution d’eau.
Les next steps
Maintenant que les 20 premières villes ont été choisies, celles-ci vont recevoir des fonds importants pour concrétiser leurs projets. Leur mise en place s’effectuera selon un plan de 5 ans, avec de nouvelles ressources déployées tous les ans. L’année prochaine, 40 nouveaux projets seront sélectionnés sur le même modèle. Le dernier cycle aura lieu en 2018 : un réseau étendu de villes intelligentes est donc attendu à l’horizon 2023.