Fabrice TOCCO, Co-Fondateur de Dawex a accepté de répondre aux questions de Energystream pour nous faire partager sa vision de l’économie des données et le positionnement de Dawex sur le secteur. Dawex participera au prochain Energycamp organisé par Solucom le 27 Juin 2016.
ENERGYSTREAM (ES) : Bonjour Fabrice, pourriez-vous nous présenter Dawex ?
Fabrice TOCCO (FT) : Tout d’abord une petite histoire de Dawex. Avec mon associé actuel, Laurent Lafaye, nous avions créé une première société en 2009 qui développe des outils de collecte, agrégation et traitement de données sur le marché du pneu. Après une revente de nos parts en 2014 nous avons fait le constat que ce qui manquait le plus sur le marché était un outil de transaction de données dédié.
Avec Dawex nous avons donc réalisé un outil entre le Paypal et le Airbnb de la data. Nous nous sommes positionnés sur un marché tout nouveau qui est celui de l’économie de la donnée. Pour que cette économie fonctionne, il faut des solutions faisant circuler les données avec notamment des outils de confiance qui permettent la fluidification et la sécurisation des transferts. Quelle que soit la taille de l’entreprise, tous les acteurs ont besoin d’un outil qui est ce Paypal de la data. Dawex permet de sécuriser les données lors du transfert d’un point A à un point B, d’assurer la contrepartie financière du point B au point A, de générer le contrat qui va réguler les droits entre A et B et, s’il y a des données à caractère personnel, d’appliquer la réglementation en vigueur. Nous répondons à la question : comment rendre possible la transaction de data et la sécuriser ?
On a coutume de dire aujourd’hui qu’il y a deux marchés très structurés : les produits financiers et les matières premières. Demain il y aura aussi le marché de la donnée et il va se structurer beaucoup plus rapidement car il est natif et digital. Il ne prendra certainement pas la même ampleur mais ce sera un vrai marché
Nous voulons nous positionner en tant que tiers de confiance et nous avons pour cela fait entrer la Caisse des Dépôts à notre capital. Nous ne nous sommes donc pas associés à un industriel ou à un fonds d’industriel afin de rassurer nos clients, notamment que personne n’ait un intérêt à accéder aux données échangées.
Nous avons participé à de nombreux forums et nous avons remporté plusieurs prix comme le Concours d’Innovation Numérique mis en place par Axelle LEMAIRE. Nous sommes également administrateurs de Cap Digital.
En ce qui concerne notre portefeuille clients, nous avons tous types secteurs, et notamment dans le secteur de l’énergie suite au salon Smart Energies auquel nous avons pris part. La question de la monétisation des données touche tous les secteurs et toutes les entreprises. Ainsi, pour satisfaire des besoins très différents, nous avons placé notre outil en tant que brique élémentaire sur laquelle il est possible de construire des solution dédiées pour s’adapter au besoin client.
ES : Comment appréhendez-vous la Loi Numérique sur l’Open Data ?
FT : Les données ont un coût et tout le monde le sait. Certaines collectivités nous rapportent qu’elles ont besoin de 3 personnes à temps plein pour faire de l’Open Data et qu’elles n’ont ni financement ni retour sur investissement tangible. On voit donc qu’il y a un réel intérêt à monétiser. La première étape était de libérer ces données avec la vague Open Data mais maintenant il faut leur donner leur réelle valeur. Soit les données sont directement rentabilisées avec un prix à payer pour y accéder, soit elles le sont indirectement mais avec un retour tangible de valeur. Une collectivité ne peut plus se dire : « Je donne mes données et la valeur va revenir un jour, à la collectivité elle-même, ou au citoyen », il faut un retour plus concret sur investissement. Prenons l’exemple d’une entreprise qui construit des parkings et qui se pose la question de la localisation optimale pour un nouveau chantier. Elle va demander des données à la collectivité sur les habitudes des citoyens. Mais finalement le prix du parking sera le même et la collectivité n’en verra pas plus les profits, ni le citoyen.
Nous suivons bien sûr avec attention la Loi Numérique. Cette loi pousse à l’ouverture des données et c’est une bonne chose, mais sans jamais interdire de les monétiser. D’autant plus que les budgets des collectivités sont de plus en plus restreints.
ES : Et concernant les données du domaine de l’énergie ?
FT : Pour la partie énergie, échanger des données, oui, mais encore une fois cela a un cout. Nous avons participé au Salon des Maires et y avons rencontré également des acteurs de l’énergie qui nous ont confirmé le coût important de la mise à disposition de ces données. L’économie de la donnée est évaluée entre 60 milliards et 120 milliards d’ici 4-5 ans en Europe. On ne fait pas une économie avec du troc et de la gratuité, il faut définir la valeur sur ces données. Si vous n’attribuez pas de la valeur à une donnée vous ne poussez pas les producteurs à la faire circuler. L’Open Data gratuit n’est finalement qu’une étape, il y aura toujours des données gratuites et il faut que certaines le soient. Mais il faut aussi monétiser les données pour qu’elles deviennent disponibles.
ES : Si vous êtes positionnés sur les transactions et la sécurité des données, quel est votre avis sur la technologie Block Chain ?
FT : Nous étudions bien entendu cette technologie et nous voulons l’appréhender au mieux. Cette technologie a des forces et des faiblesses et elle ne s’est pas encore montrée à même de se substituer à Dawex. Il faut savoir déjà que cette technologie a un coût qui est celui de la réalisation et du maintien de la chaîne. Ensuite nous éditons des contrats entre acquéreurs et fournisseurs de données, et ils seraient rendus publiques avec la Block Chain. On perd donc toute notion de confidentialité et les entreprises ne veulent peut-être pas révéler leurs stratégies au travers de la publication de tels contrats.
Nous ne tournons pas le dos à cette technologie, mais nous voulons l’intégrer intelligemment à notre processus.
ES : Lorsque l’on parle de données, on parle nécessairement de protection des données individuelles. Est-ce quelque chose qui est pris en compte par Dawex ?
FT : Il est évidemment possible de collecter et diffuser des données individuelles mais il faut le consentement de la personne concernée et que le tout respecte les règles de la CNIL. Si par exemple un énergéticien souhaite utiliser les données d’un client il devra bien évidemment obtenir préalablement son consentement. Dawex permettra le transfert sécurisé de ces données.
Les consommateurs étant de plus en plus avertis sur la valeur de leurs données, il est souhaitable qu’ils puissent bénéficier de cette valeur de manière tangible.
C’est donc à l’énergéticien de trouver un service intéressant, un nouveau business model, pour que la personne concernée lui ouvre ses données.
ES : Comment est-il possible de mettre le juste prix sur une marchandise qui n’est pas tangible et qui peut être copiée à l’infini ?
FT : Certains résument trop rapidement que la donnée brute ne vaut rien. Cela n’a pas de sens. La donnée brute a forcément une valeur ! Sans elle il n’y a pas d’économie de la donnée et donc permettre de la monétiser est une évidence. Pour se placer dans un cas concret : bien que le pétrole brut valle moins cher que l’essence, il a tout de même un prix qu’il faut payer si on en veut faire de l’essence.
Et cette valeur doit être la même quelle que soit l’utilisation que l’on fait de ces données. Je vais vous donner un autre exemple. Une entreprise A qui achète du coton pour faire des cotons tiges va payer son coton brut au même prix qu’une entreprise B qui l’achète pour faire des pulls haut de gamme. Et il serait illogique de la part de A de demander une réduction du prix du coton brut parce que les coton tiges qu’elle produit ont moins de valeur que les pull de B ! Il y a beaucoup d’idées reçues dans le domaine de la monétisation des données, le bon sens se perd parfois étant donné la spécificité du produit vendu.
La rareté intervient dans le prix des données bien qu’elles soient indénombrables. Si une entreprise fournit des données de grande qualité qu’elle est la seule à produire, qu’elle les fournisse à une ou 1000 entreprises, ses données restent rares car si elle arrête de les fournir, il n’y aura pas d’autre source équivalente.
ES : Pour finir, pourriez-vous formuler votre réponse au sujet de notre EnergyCamp : « Les plateformes de données urbaines, quelle place pour les énergéticiens ? »
FT : La place tenue par les énergéticiens est centrale et est connectée au sujet des smart cities ainsi qu’au sujet des collectivités. La place des énergéticiens est donc clé ! Pour donner un exemple concret : la collectivité a des données sur la fréquentation de tels ou tels services qui vont intéresser et nous avons dans Dawex une entreprise qui gère un parc de véhicules électriques et un énergéticien qui en gère les bornes de recharge… On est aujourd’hui dans un décloisonnement de la data. Les données circulent et dépassent leurs secteurs d’activité d’origine.
Tous les métiers autour vont continuer à fortement se développer, et les énergéticiens ont de grands intérêts dans ce domaine (agrégation, prédictif, monétisation…). Dire qu’il y a tellement de données qu’on ne sait quoi en faire n’est plus le reflet de la réalité grâces aux nouveaux métiers liés à cette économie de la donnée.