Retour sur la conférence Agrion du 5 octobre 2016
Le 2 août 2016, le gouvernement français lançait un appel d’offres portant sur la «la réalisation et l’exploitation d’installations de production d’électricité à partir de sources d’énergies renouvelables situées en France métropolitaine continentale, dont au moins 50% de la production est autoconsommée et dont la puissance est comprise entre 100 et 500 kW ». Cette initiative vise à expérimenter l’autoconsommation d’énergies renouvelables (éolien, photovoltaïque, hydraulique…), en particulier dans les secteurs industriels, tertiaires, agricoles, « acteurs économiques pour lesquels l’autoconsommation peut apporter les bénéfices les plus importants », selon le ministère de l’Environnement.
Cette production d’électricité de source renouvelable destinée à être consommée sur place aussitôt est déjà développée en Allemagne ou en Australie. Et en France ? Que peut-on imaginer dans les années à venir à la lumière des projets passés et en cours ?
Le 5 octobre 2016, le club Agrion réunissait 5 spécialistes du sujet, 5 points de vue complémentaires sur l’avenir de l’autoconsommation :
- Edouard Cereuil, responsable du service énergie chez Morbihan Energies (syndicat regroupant 261 communes du département, contrôlant et organisant la fourniture et la distribution d’électricité),
- Eric L’Helguen, PDG d’Embix, (start-up née en 2011 du rapprochement d’Alstom et Bouygues pour répondre à un besoin commun d’expertise énergétique à l’échelle locale),
- François Lebreton, chef de produits solaires chez Engie,
- Xavier Moreau, directeur stratégie et marketing du secteur utilités chez Schneider Electric,
- Corinne Soors, chargée d’appui aux collectivités chez Enedis.
Une tendance lourde : le photovoltaïque développé en ville, à la maille du quartier
Les projets d’autoconsommation à base de photovoltaïque à la maille du quartier se multiplient en ville. Citons, pour la seule région Bretagne : Kergrid à Vannes (réalisé), le campus de Ker Lann – Bruz à Rennes (réalisé) ou le quartier des capucins à Brest (en cours).
A chaque fois, le principe est le même : l’énergie est principalement produite par des panneaux photovoltaïques (PV) implantés sur les toits ou les parkings d’emprises tertiaires. Cette électricité est utilisée dans des bâtiments proches, aux usages différents et complémentaires : logements collectifs, résidences étudiantes, équipements sportifs…
Pourquoi la technologie photovoltaïque préférentiellement à d’autres sources ? Parce qu’elle est en milieu urbain la plus simple à installer et à faire fonctionner avec des rendements énergétiques et économiques intéressants.
Et la maille du quartier permet une mixité d’usage donc une répartition intelligente dans le temps la production et la consommation. Meilleure est la répartition, moins il faut d’infrastructures pour stocker l’énergie ou l’injecter sur le réseau.
Une équation économique incertaine qui ne décourage pas les producteurs
Les consommateurs électro-intensifs, ceux qui consomment une grande quantité d’électricité comme les industries chimiques, les producteurs de froid, ou les bailleurs sociaux, sont actuellement les plus forts demandeurs d’autoconsommation.
Leurs motivations sont diverses. Alors que les bailleurs sociaux veulent réduire les charges financières des occupants, les industriels eux, souhaitent réduire leur empreinte carbone et améliorer leur image. Il est intéressant de noter qu’ils y sont poussés désormais par les investisseurs et que leur valorisation boursière commence à en dépendre.
La technologie photovoltaïque est celle qui a vécu les plus fortes baisses des coûts de revient ces dernières années. Sa compétitivité future dépend de deux facteurs :
- Le prix de vente de l’électricité fossile (nucléaire et carbonée) d’abord, actuellement bas, mais qui devrait s’élever à long terme.
- Les coûts d’accès aux réseaux, ensuite, en cours de discussion actuellement (TURPE 5).
Le juste dimensionnement des installations, une question cruciale pour les producteurs
Les choix du producteur en début de projet vont jouer sur ces coûts d’accès aux réseaux
Soit il organise son autonomie : en réseau privé, avec des solutions de stockage, il se soustrait à la question. Mais ce stockage a un coût important. La maille qui semble naturelle, ce que les expérimentations montrent, est celle du quartier (plutôt que celle du bâtiment), toujours à cause de la possibilité de mixer les usages pour minimiser le stockage.
Soit il se donne une capacité maximale de production égale à son minimum de consommation. L’énergie solaire n’est alors pas exploitée complètement, mais son prix de revient est bon (pas de stockage, pas d’injection sur les réseaux).
Soit enfin il prévoit d’injecter son électricité sur le réseau et doit calculer avec les distributeurs les puissances maximales pour dimensionner correctement les postes d’injection.
Le pilotage de la production, outil indissociable de l’autoconsommation
Dans tous les cas, les solutions de pilotage entre la production et la consommation sont indispensables. On sait prévoir, on sait piloter, on sait effacer, on sait même utiliser les blockchains.
Le producteur a intérêt à prévoir une solution technologique capable d’évoluer en fonction des besoins. Le développement d’outils en accès libre, permettant aux producteurs de dimensionner tous seuls leurs futures installations, est un facteur de développement de l’autoconsommation.
Par exemple, le choix a été fait, pour le projet Kergrid, d’une installation flexible. Un outil relié à une station météorologique pilote en temps réel la consommation et la production en fonction du temps qu’il fait. Les flux dans les bâtiments sont ainsi optimisés, cela tout en transparence pour les usagers qui peuvent aussi consulter ses données.
A Brest, dans le quartier des capucins, une box permet de contrôler et de gérer l’énergie au plus près des points d’usage et des bornes sont disponibles pour informer et accompagner les résidents. Comprendre les flux d’énergie permet d’optimiser leur gestion.
Le comportement des consommateurs, dernière inconnue
Le comportement des consommateurs finaux est enfin un sujet encore trop peu investigué alors qu’il influe fortement sur l’efficacité énergétique du système.
Les possibilités d’agir seul sont plus nombreuses pour nous, consommateurs. Par exemple, des climatiseurs uniquement alimentés par source solaire (sans prise électrique) apparaissent sur le marché. Nous pouvons les mettre sur notre balcon. Mais que sommes-nous prêts à faire lorsque de notre comportement dépend une solution collective ? Sommes-nous par exemple prêts à consommer l’énergie sobrement et quand elle est disponible ?
Le système énergétique décentralisé qui est en train de naître devra d’abord être basé sur la sobriété énergétique, puis sur l’utilisation des ressources locales, et ensuite sur les énergies renouvelables fournies sur les réseaux.
Rendez-vous bientôt sur Energystream pour découvrir comment différents experts du secteur imaginent le système énergétique décentralisé de demain.
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