Le monde de l’énergie évolue sans cesse sous l’influence de nouvelles technologies : développement de compteurs intelligents, d’objets connectés, de smart grid, … mais aussi de nouvelles réglementations : transition énergétique, décentralisation, loi NOME, … Tout cela bouleverse profondément ce secteur, transforme ses métiers et fait émerger de nouveaux acteurs comme les agrégateurs auxquels nous allons nous intéresser dans cet article.
Un nouveau contexte de décentralisation favorable à l’émergence d’un nouveau marché
L’équilibrage du réseau est le nerf de la guerre des acteurs du marché de l’énergie. Cependant, suite à de nouvelles politiques comme la loi sur la transition énergétique qui poussent les acteurs à intégrer de plus en plus d’énergies renouvelables intermittentes et décentralisées, la stabilité et l’équilibrage du réseau sont mis à rude épreuve.
Afin de sécuriser le système électrique national et d’éviter au maximum un « black out », RTE a créé ce que l’on appelle les mécanismes de capacité. L’objectif : « stimuler les investissements dans les moyens de production et d’effacement de consommation pour sécuriser l’alimentation électrique à moyen terme ». Cette initiative a été appuyée par la loi NOME (applicable dès l’hiver 2016-2017) qui oblige légalement les fournisseurs d’électricité à démontrer chaque année auprès de RTE qu’ils seront capables de répondre à la consommation de leurs clients y compris pendant la période hivernale qui est une période de forte consommation. Désormais, les fournisseurs doivent détenir ce que l’on appelle des garanties/certificats de capacité à hauteur de la consommation maximale de leurs clients.
Pour détenir ces certificats, 3 possibilités s’offrent à eux :
- Si le fournisseur est également producteur d’électricité alors il peut faire certifier sa propre capacité d’injection par RTE,
- Le fournisseur peut développer l’effacement de consommation auprès de ses clients et obtenir des certificats de capacité d’effacement (l’effacement consiste à diminuer, pendant un certain laps de temps, sa consommation électrique par exemple en coupant certains appareils),
- Le fournisseur peut acheter des certificats sur le marché de capacité auprès de producteurs d’électricité ou d’opérateurs d’effacement certifiés par RTE.
Désormais, avec le marché des capacités, l’énergie produite n’est plus la seule à être rémunérée : la disponibilité d’injection ou d’effacement l’est également. Le marché de capacité joue donc un rôle crucial dans l’équilibrage du réseau puisqu’il le rend plus flexible en permettant d’adapter plus facilement l’offre (production d’électricité) à la demande (consommation d’électricité).
Cependant, la loi impose un seuil de 1 MW de capacité d’injection ou de soutirage pour être éligible à la certification et obtenir des garanties de capacité à revendre sur le marché. En-dessous de ce seuil, les sites doivent obligatoirement « s’agréger » entre eux (entre 1 MW et 100 MW les sites ont le choix de s’agréger ou non). Cela réduit donc le nombre d’acteurs éligibles et c’est là qu’interviennent les agrégateurs.
Un agrégateur, qu’est-ce que c’est ?
Les agrégateurs permettent à des acteurs plus petits de se positionner sur le marché de capacité. En effet, en réunissant plusieurs sites en-dessous du seuil de 1 MW, l’agrégateur arrive à constituer des pools de production ou d’effacement respectant ce seuil.
Sur le marché des capacités on retrouve les acteurs et le business model suivants :
- Les producteurs d’énergie et les opérateurs d’effacement font certifier leurs capacités auprès de RTE
- (a) Les producteurs et opérateurs d’effacement de plus de 100 MW vendent directement leurs certificats aux fournisseurs d’énergie sur le marché de capacité
(b) Les producteurs et opérateurs d’effacement de moins de 1 MW vendent leurs certificats aux fournisseurs d’énergie sur le marché de capacité via les agrégateurs - les fournisseurs d’énergie doivent démontrer à RTE qu’ils disposent des garanties de capacités suffisantes
Remarque : les acteurs entre 1 MW et 100 MW peuvent choisir le mode 2a ou 2b
Non seulement l’agrégateur permet à des « petits acteurs » d’accéder au marché de capacité et donc d’être rémunérés pour la disponibilité de leur installation (de production ou d’effacement) mais en plus il leur laisse une certaine flexibilité. En effet, pour l’effacement, l’agrégateur permet à ses clients de refuser l’effacement à tout moment et donc, de limiter l’impact sur leur activité pour des clients industriels, ou sur leur confort pour des clients particuliers. Mais cela engendre un risque pour l’agrégateur qui lui s’est engagé sur des capacités bien précises et doit les respecter sous peine de payer des pénalités ! De ce fait, l’agrégateur doit constituer des pools de clients suffisamment importants.
Le marché des capacités a donc fait naître un nouveau métier : l’agrégateur. Et sur ce business très prometteur, de nombreux acteurs se positionnent déjà :
- Energy Pool : premier agrégateur de flexibilité français créé en 2009 et désormais filiale de Schneider Electric
- Ecometering : filiale d’ENGIE qui propose de l’agrégation de flexibilité principalement pour des acteurs industriels et tertiaires
- Voltatis qui propose de faire de l’effacement diffus chez les particuliers,
- Actility : agrégateur d’effacement industriel utilisant ses propres objets connectés et le réseau LoRa
- Uniper France (anciennement E.ON France), Hydronext et Sun’R Smart Energy : agrégateurs de production renouvelables
- …
Les technologies du numériques, indispensables à ce nouveau métier
La clé d’un bon agrégateur est donc son système d’information ! En effet, vu la multitude et le volume de clients dont il dispose et son activité, il se doit d’être en mesure de concaténer un très grands nombre de données provenant de source diverses afin d’anticiper au maximum la consommation d’électricité.
Afin de disposer de ces données, il faut que les sites agrégés soient « intelligents », « connectés ». En effet, l’univers du « smart » est un élément indispensable au bon fonctionnement d’un agrégateur ! Cela lui permet de récupérer les données mais surtout de pouvoir agir à distance depuis un poste de pilotage central pour par exemple actionner l’effacement d’un site industriel, ou un effacement diffus sur un ou plusieurs quartiers. C’est donc là qu’interviennent les compteurs intelligents Linky permettant de faire de la télégestion, ou encore les box énergie permettant de faire de l’effacement diffus dans un logement.
Les objets « smart » permettent donc de récupérer les données qui sont ensuite complétées d’autres données telles que les prévisions météorologiques ou des historiques, puis analysées du côté de l’agrégateur grâce à des outils de Big Data et d’un certain nombre d’algorithmes notamment de prévision. Enfin, les objets smart permettent d’agir directement sur le site et plus précisément sur sa consommation.
Le métier d’agrégateur est récent et est né de l’enjeu crucial d’équilibrer l’offre et la demande sur le réseau électrique. Ce métier a été boosté par la naissance du marché de capacités sur lequel les agrégateurs servent d’intermédiaires entre les fournisseurs et divers types d’acteurs qui, sans les agrégateurs, ne pourraient peut-être pas valoriser leur flexibilité. Enfin, ce nouveau métier n’aurait pas pu voir le jour sans des systèmes d’information de plus en plus performants et le boom des technologies « smart ».
Sources :
http://www.rte-france.com/fr/article/marche-de-capacite
http://www.enedis.fr/mecanisme-de-capacite
http://www.connaissancedesenergies.org/electricite-en-quoi-consiste-le-mecanisme-de-capacite-140220
http://www.smartgrids-cre.fr/index.php?p=integrationenr-nouveau-metier
http://atlante.fr/blog/lagregateur-un-nouveau-metier-au-service-de-la-maitrise-de-la-pointe/