Dans un contexte institutionnel évolutif , après avoir offert une première grille de lecture des programmes politiques des candidats aux présidentielles 2017, nous vous proposons une série d’entretiens d’hommes politiques et d’énergéticiens afin de croiser leurs regards sur les évolutions à venir sur le secteur de l’énergie.
Laurence Confort, en charge du pôle affaires publiques France (Lobbying législatif et réglementaire), à la délégation stratégie GRDF a accepté de se prêter à l’exercice.
Cette première partie est consacrée à la vision du mix énergétique pour l’horizon 2050, les actions et mesures à porter pour atteindre ces objectifs. Laurence Confort nous explique le lien étroit qui existe entre mix énergétique et efficacité énergétique.
Quelle est votre vision du mix énergétique idéal pour l’horizon 2050 et quelles sont les actions à mener pour atteindre ce mix ?
Tout d’abord, rappelons que GRDF est le distributeur majoritaire de gaz naturel en France, l’entreprise couvrant près de 95% du marché. Ce sont les collectivités locales qui par les contrats de concession allouent à GRDF l’exploitation du service public de la distribution du gaz. Cette énergie que nous acheminons, pour le compte des fournisseurs et aux bénéfices des clients, est un vecteur porteur d’avenir. En effet, le gaz naturel est considéré comme l’énergie fossile la plus propre.
Nous préconisons comme première mesure, d’instaurer un dispositif pour accompagner la conversion des ménages qui se chauffent encore au fioul. Actuellement, en France, il y a encore 4 millions de foyers qui se chauffent au fioul. Des aides fiscales et des primes permettraient d’inciter les ménages à changer leur mode de chauffage pour une énergie plus respectueuse de l’environnement. Il est essentiel d’éradiquer le fioul car c’est une énergie fossile qui, malheureusement, pollue énormément en rejetant de nombreuses particules.
Ensuite, dans le cadre d’un mix énergétique à l’horizon 2050, GRDF travaille sur des scénarios 100% gaz verts et 100% renouvelable. Le réseau de distribution, qui appartient aux collectivités locales, transporte déjà du gaz vert, issu de la méthanisation à partir largement de déchets d’origine agricole, mais aussi de déchets ménagers. Il faut maintenant que ce gaz se verdisse au maximum. Ce verdissement a plusieurs vertus :
- Favoriser l’indépendance énergétique, puisque ce sont des ressources locales qui sont produites et réutilisées localement, mettant ainsi à disposition une source d’énergie pour les usages de proximité : chauffage et valorisation sous forme de GNV (Gaz Naturel pour Véhicules) pour apporter des solutions écologiques pour la mobilité.
- Favoriser l’aménagement du territoire en apportant des ressources économiques supplémentaires au tissu local et de l’emploi
- Mettre à disposition une énergie au plan local qui s’inscrit dans la complémentarité avec les autres énergies
- Contribuer à une meilleure qualité de l’air contre la pollution qui est un enjeu énorme pour la société actuelle.
Pour mettre en œuvre ce scénario, nous cherchons à identifier toutes les sources de déchets. Aujourd’hui, ce sont les déchets de première génération qui sont principalement utilisés. Mais demain, ce sera la gazéification et, après-demain, le réseau de gaz naturel pourra « accueillir » l’électricité issue des énergies renouvelables produite en surplus. Cette électricité sera ainsi valorisée sous forme d’hydrogène qui peut être injectée dans le réseau de gaz naturel qui se verdit. Cet hydrogène recombiné à son tour avec du carbone permet de produire du gaz. La loi de transition énergétique et la programmation pluriannuelle de l’énergie fixent un objectif de 10% de gaz en 2030. Il faut alors accompagner les recherches sur le biométhane et mener une réflexion pour construire les scenarios d’avenir.
Le chemin à parcourir passe par un ensemble de mesures d’efficacité énergétique à prendre car la meilleure énergie est d’abord celle que nous ne consommons pas :
- Optimiser les moyens de chauffage : aujourd’hui dans un habitat chauffé au gaz naturel, remplacer une chaudière classique par une chaudière à condensation permet de réaliser une économie d’énergie de 20 à 30%, ce qui est énorme. Il y a donc des solutions concrètes qui utilisent le réseau de gaz existant, sans nécessité de concevoir de nouveaux réseaux et de consentir de nouveaux investissements. Il faut utiliser ce patrimoine, déjà financé par les collectivités publiques et en capacité d’accueillir du gaz supplémentaire. Un des enjeux pour les énergéticiens, et en particulier pour GRDF, est d’acquérir et de conquérir plus de clients dont la consommation unitaire est plus faible ; nous accompagnons d’ailleurs les clients à consommer moins.
- Au niveau de l’isolation : il y a les mesures de rénovation des bâtiments avec des priorités à mettre pour rénover les logements les plus énergétivores, souvent propriétés de personnes qui n’ont pas les moyens pour faire les travaux nécessaires. De plus, la dynamique engagée dans la construction de logements neufs avec la règlementation thermique existante favorise l’activité économique de tout un tissu économique.
Parmi les propositions des candidats, figure la division par deux du nombre de passoires énergétiques d’ici 2022. La tendance est donc de lancer une politique de rénovation très ambitieuse des logements. Des outils fiscaux existent tel le CITE (Crédit Impôt pour la Transition Énergétique). Ce dernier fait l’objet d’interrogations aujourd’hui et il nous paraît très important qu’il puisse être maintenu, voire renforcé, notamment pour contribuer à la rénovation des systèmes de chauffage.
GRDF se situe pleinement dans la complémentarité énergétique. Rappelons que toutes les énergies ont leur place, avec un objectif de faire disparaitre les plus polluantes.
Le mix énergétique français est marqué par son histoire et par les choix de politiques publiques faits pour le gaz et l’électricité. Chaque source a sa place : l’électricité a son histoire, le gaz a la sienne. Dès aujourd’hui, des dispositifs sont testés pour déterminer comment éviter de perdre l’électricité issue des ENR en surplus en l’utilisant pour produire de l’hydrogène par l’électrolyse de l’eau. C’est pourquoi GRDF est partie prenante de projet dans le nord de la France (projet GRHYD à côté de Dunkerque qui testera l’introduction d’hydrogène dans le gaz naturel) à l’instar du projet Jupiter mené par GRTgaz).
L’hydrogène, ainsi produit, peut être injecté dans le réseau, tout comme le biométhane, et contribuer à verdir le réseau. Si on va plus loin, il y a la méthanation qui sera certainement la plus efficace économiquement à long terme. Ce principe consiste à recombiner le gaz carbonique et l’hydrogène pour en faire du méthane. De manière générale, le méthane est une source qui est prometteuse, il peut être vert ou non, mais dans tous les cas, il est moindre émetteur.
Toutes ces étapes nous amènent vers cet horizon 2050. Nous travaillons dès aujourd’hui, notamment en montrant aux pouvoirs publics et aux décideurs que le gaz naturel est une énergie qui a sa place. D’autant que ce dernier peut être considérablement verdi. Il résout l’équation environnementale et une partie de l’équation économique d’indépendance énergétique.
Fixez-vous des chiffres à atteindre pour les politiques en ce qui concerne le mix énergétique cible ?
Au-delà des objectifs fixés par la loi de transition énergétique et la programmation prévisionnelle de l’énergie, ce qui est important est de montrer la place du gaz naturel dans le mix énergétique français. Au quotidien, la vision énergétique est largement marquée par l’électricité. Or le gaz naturel est important. Il est particulièrement adapté, par exemple, par certains process industriels. Notre rôle est de rappeler aux décideurs publics que le réseau de gaz est un patrimoine public performant, vecteur de valeurs à utiliser largement, d’autant plus qu’il commence à accueillir des gaz différents.
Via les différentes technologies et l’apport des technologies du numérique, il est possible de connecter les différents réseaux pour réaliser cette complémentarité énergétique. Nous sommes partie prenante dans des démonstrateurs pour déterminer comment dans une boucle locale, les systèmes communicants peuvent aider à mieux gérer les apports des différentes énergies locales. Tester comment le réseau de gaz naturel peut soulager le réseau électrique et ainsi mieux gérer la pointe électrique.
Une des premières briques que nous posons est le déploiement du compteur communicant qui permet d’enregistrer deux fois par jour la consommation réelle de chacun. A partir de cette première brique se développent des dispositifs qui permettent de mieux gérer le réseau. C’est exactement ce dont on a besoin actuellement. Les compteurs sont en phase de déploiement jusqu’en 2022. De plus, nous faisons appel au smart grid dès aujourd’hui en utilisant des dispositifs embarqués à destination des salariés pour surveiller le réseau, en faisant des analyses prédictives, afin de réaliser les bons gestes de maintenance. Le réseau de gaz est moderne et verdi. Il se situe au centre de complémentarité énergétique avec l’électricité.
Concernant votre scenario type chiffré, et dans un monde idéal par rapport à cette complémentarité énergétique, avez-vous fixé un chiffre précis à atteindre en 2050 ?
Sur ce sujet, le travail est en cours : il y a plusieurs études en cours pour regarder comment, à l’objectif 2050, construire la trajectoire pour atteindre l’objectif 100% gaz vert. Il y a deux réflexions qui sont menées : à la fois la décarbonation et un mix énergétique 100% vert. Ce sont des recherches et des études sur lesquelles nous sommes complétement mobilisés.
Toujours sur le mix énergétique, on sait que la réglementation thermique de 2012 a eu des effets assez forts sur le premium gaz dans les logements neufs, les logements construits, que recommandez-vous aux candidats sur les réglementations thermiques à venir ?
La réglementation thermique de 2012 avait accordé une place équilibrée entre le gaz et l’électricité qui a permis aux solutions gaz performantes d’être déployées dans la construction neuve. Aujourd’hui par la loi sur la transition énergétique, la nouvelle réglementation environnementale qui intègre une dimension carbone devrait être mise en œuvre en 2018, des tests en cours sur la base de labels.
Chaque source a sa place et ses atouts en termes de complémentarité. Rappelons que le gaz se transporte sans pertes d’énergie, ce qui n’est pas le cas de l’électricité. Dans les réglementations environnementales de demain, notre demande est de ne pas disqualifier une énergie et en particulier le gaz naturel et de ne pas casser la dynamique en cours.
Pour plus d’informations sur les programmes de la présidentielle 2017: