Table ronde AGRION : « Transports électriques et intermodaux : Innovations et produits phares »

Au cœur des grandes problématiques actuelles, la volonté de transformer nos habitudes afin d’être plus respectueux de l’environnement touche l’ensemble des secteurs. En France, le secteur des transports est le principal émetteur de gaz à effet de serre, un indicateur souvent utilisé quand il s’agit de quantifier notre impact sur l’environnement. Il est donc nécessaire de s’interroger sur les transports de demain : la mobilité de demain sera-t-elle seulement décarbonée ? Quels seront les nouveaux impacts sociétaux et technologiques de cette transformation ? La transformation du secteur des transports peut-elle se faire seule ?

Dans l’optique d’éclaircir la vision collective sur la mobilité de demain, Agrion a organisé une table ronde le 25 Avril 2017 sur le thème suivant : « Transports électriques et intermodaux : Innovations et produits phares ». Agrion est le réseau international des professionnels s’investissant sur les thématiques du développement durable et de l’énergie. Les activités organisées ont vocation de permettre aux cadres dirigeants de partager leur expérience en France et à l’international avec trois objectifs : fédérer les professionnels de l’énergie et du développement durable, stimuler les échanges entre professionnels et être la plateforme B2B des décideurs et enfin anticiper les évolutions et suivre le développement des innovations « durables ». 

Wavestone était présent en tant que spectateur à cette table ronde et nous vous proposons de revenir sur les grands thèmes abordés et les acteurs engagés lors de cette conférence autour de la mobilité de demain avec un prisme sur les transports électriques. Cet éclairage s’articulera autour de trois grands thèmes : les enjeux, le marché et les impacts sur le réseau électrique.

1) Enjeux de la mobilité électrique de demain

La mobilité électrique est l’une des formes les plus visibles des transports de demain. En effet, qui n’a jamais entendu parler de la Tesla Model S, la Renault Zoe ou encore la Toyota Mirail ? Afin d’éviter toute confusion, il est préférable de bien détailler ce qu’est la mobilité électrique. La mobilité électrique regroupe l’ensemble des moyens de transport disposant d’un moteur électrique afin d’entrainer le véhicule. Cette famille réunit ainsi les véhicules électriques à batteries (Tesla Model S, Renault Zoe…) ou encore les véhicules électriques à pile à combustible (Toyota Mirail, Kangoo ZE-H2…).

Actuellement, compte tenu des projections du marché, ce sont les véhicules à batteries qui représenteront la majorité des véhicules électriques en France. Mais quels sont les enjeux de ce passage du véhicule thermique au véhicule électrique ?

Le principal enjeu est environnemental. Les véhicules électriques n’émettant pas de CO2 lorsqu’ils roulent, il est nécessaire de posséder un mix électrique décarboné afin de ne pas tomber dans le paradoxe de la voiture électrique remplie d’électrons d’origine fossile. Dans le cas des véhicules à hydrogène, l’enjeu environnemental se situe plutôt dans la « verdification » des procédés de production d’hydrogène en utilisant par exemple l’électrolyse de l’eau.

Le deuxième enjeu des transports électriques de demain est d’apporter une réponse aux difficultés de mobilité dont sont témoins les grandes métropoles (congestion du trafic, intermodalité, stationnement…). La mobilité électrique de demain doit donc être parfaitement intégrée dans le concept de ville intelligente et durable.

Le troisième enjeu est financier. Afin de se démocratiser, les véhicules électriques bénéficient actuellement de fortes primes à l’achat pouvant atteindre 10 000 euros. Cependant, à l’instar des énergies renouvelables, ces subventions tendent à diminuer voire à disparaître. Il faut donc les utiliser comme tremplin au développement du marché des transports électriques tout en intégrant leur disparition progressive.

Le dernier enjeu est le développement des véhicules électriques autonomes. Celui-ci regroupe en réalité un enjeu technologique et un enjeu réglementaire. Le véhicule autonome est un sujet limité par des efforts de R&D très importants (gestion de la donnée, capteurs, intelligence artificielle…). Mais contrairement à d’autres projets, sa mise en service est également sujette à de multiples contraintes réglementaires. En effet, la récente modification des conventions de Vienne sur la sécurité routière autorise les véhicules autonomes sur route ouverte moyennant certaines conditions comme la présence à bord d’un opérateur de contrôle. Ce cadre réglementaire semble s’adoucir mais reste un enjeu à part entière.

2) Les drivers du marché du véhicule électrique

Le marché des véhicules électriques est en lente croissance depuis quelques années, mais le début d’une accélération commence à être observée. Afin d’expliquer comment évolue ce marché, il faut décortiquer quels sont ses drivers.

Le marché de la mobilité électrique répond tout d’abord à une volonté écologique, par la réduction des gaz à effet de serre et l’augmentation de l’efficacité énergétique (le rendement d’un moteur électrique étant meilleur que celui d’un moteur thermique). Cependant, le développement des modes de transports électriques n’est pas économiquement favorable pour l’ensemble des acteurs. En effet, la baisse de l’utilisation du pétrole aux profit d’autres sources d’énergie entraîne une baisse des revenus des compagnies pétrolières, entraînant à leur tour une baisse des revenus générés par les taxes que l’Etat prélève sur ces produits.

A l’opposé, l’Etat, utilisant de moins en moins d’énergies fossiles, accroît son indépendance et diminue sa facture énergétique. Mais Les plus grands bénéficiaires de cette transformation sont les entreprises productrices de ces nouvelles énergies, les compagnies d’électricité ou d’hydrogène dans une moindre mesure.

Pour les utilisateurs finaux, la facture ne diffère que de quelques pourcents et le passage aux véhicules électriques devrait plus être motivé par une conscience écologique qu’un calcul économique. Enfin, la plupart des constructeurs de véhicules électriques sont également constructeurs de véhicules thermiques. Cette transformation les poussera à d’importants efforts de R&D sur les motorisations, les batteries ou les piles à combustibles, mais leur place sur ce nouveau marché ne semble pas fragilisée.

3) L’éducation des utilisateurs finaux aux véhicules électriques est nécessaire au développement de ce nouveau marché


L’un des principaux freins à la démocratisation des véhicules électriques est le manque de connaissance par rapport à ce moyen de transport. Qui n’a jamais pensé : Il n’y a pas assez de bornes, je ne peux pas faire de long trajet, le véhicule autonome est dangereux… Toutes ces affirmations étaient potentiellement vraies il y a quelques années mais c’est en train de changer. En effet, les batteries des véhicules électriques deviennent de plus en plus performantes (permettant de faire 500 km pour les plus endurantes) et se rechargent de plus en plus vite (quelques dizaines de minutes pour les plus rapides). Parallèlement aux améliorations technologiques, les réseaux de bornes de recharge disponibles deviennent de plus en plus denses et les interopérabilités d’utilisation entre ces réseaux se multiplient, laissant préfigurer la création d’un grand réseau unique pour l’utilisateur final.

Enfin, actuellement c’est le véhicule autonome qui cristallise la plupart des méfiances. En effet, les interrogations se concentrent autour du manque de confiance des usagers n’ayant jamais utilisé ce type de véhicule et de l’utilisation des données de positionnement du véhicule et donc des usagers l’empruntant. Afin de rassurer les utilisateurs, les constructeurs de véhicules autonomes s’attardent sur la conduite du changement (accompagnement des passagers dans le véhicule, explications du fonctionnement et des organes de sûreté, redondance des technologies garantissant la sécurité…).

La gestion et l’utilisation des données est également une question soulevée lorsque l’on s’attarde sur les véhicules autonomes. L’utilisation d’un véhicule autonome implique une parfaite connaissance des déplacements de celui-ci et donc des déplacements des passagers l’empruntant. Ces données peuvent être interprétées par les passagers comme de la « surveillance ». Cependant, les futurs passagers sont déjà sensibilisés avec la multiplication de l’utilisation d’applications mobiles géolocalisées notamment. La méfiance vis-à-vis de ces applications s’affaiblit et laisse donc présager une réaction similaire concernant le véhicule autonome.  Globalement, les technologies arrivent à maturité et l’effort est donc porté sur la pédagogie.

Si la démocratisation de l’utilisation des voitures électriques et l’acceptabilité par le grand public est un enjeu majeur, il n’en reste pas moins de l’accessibilité des bornes de recharge électriques et de l’adaptabilité du réseau électrique.

4) En continuité de l’éducation du marché à l’utilisation des véhicules électriques, il est important de s’attarder sur l’accessibilité du réseau

Le développement du réseau de bornes de recharge électriques est un des enjeux majeurs si l’on souhaite transformer le marché du véhicule électrique et faire en sorte que de plus en plus de citoyens français et européens adoptent le véhicule hybride, ou tout électrique. D’ici à 2030, il est prévu que la France ne compte pas moins de 7 millions de points de charge de véhicules électriques ou hybrides rechargeables.

À notre époque la mobilité électrique passe donc inévitablement par une transformation digitale des activités et des objets associés à cette mobilité (tableau de bord du véhicule, écran du smartphone…). Freshmile et bien d’autres acteurs relayent toutes les informations nécessaires à l’utilisateur par des applications mobiles : géolocalisation des bornes, disponibilité, temps de charge… Cette digitalisation va de pair avec une interopérabilité des acteurs. Freshmile n’est pas le seul sur le réseau et il doit être capable de s’interconnecter avec d’autres opérateurs de charge. Il s’agit en fait de rendre les réseaux intelligents pour qu’ils s’intègrent dans la smart city dans laquelle nous vivrons demain.

Cette intelligence est permise par l’utilisation de la data et aujourd’hui c’est le plus gros frein à la transformation du secteur. Cette transition est souvent perçue par les utilisateurs comme une perte de liberté car il faut céder des données à une tierce partie et aujourd’hui les usagers n’y sont pas totalement prêts.

D’un point de vue sécurité, il faut mettre en place de la surveillance dans les véhicules autonomes. Aux Etats-Unis, les voitures sont dotées d’un système d’appel d’urgence automatique pour qu’un conducteur se retrouvant en danger dans une zone isolée du territoire puisse alerter de sa situation. Dès avril 2018, tous les véhicules neufs européens disposeront de ce système d’appel d’urgence qui sera automatiquement déclenché en cas d’accident. Tesla a associé à ce bouton une caméra, dans le tableau de bord de certains de ses modèles autonomes, permettant de voir et d’écouter ce qui se passe dans l’enceinte de la voiture.

Beaucoup d’utilisateurs sont réfractaires à ce type d’usage car ils ont l’impression de perdre le contrôle. Finalement, c’est l’acceptation des utilisateurs finaux qui déterminera l’essor des véhicules autonomes. Mais dans un premier temps, faciliter l’accès au réseau en installant plus de bornes et en transformant les interfaces d’utilisation rend plus attractif les véhicules électriques.

5) Un des derniers enjeux pour continuer la transformation du marché est d’adapter le réseau électrique

Areva Projets était également présent à cette table ronde représenté par Gilbert Cazenobe et a insisté sur la nécessité de transformer le réseau électrique en même temps qu’il y aurait de plus en plus de personnes qui passeront à la voiture tout électrique. Actuellement le détenteur d’une voiture électrique a l’habitude de la charger pendant la nuit parce que non seulement c’est le moment où apriori il n’en a pas besoin mais également parce que ce sont les heures creuses et qu’il paiera finalement moins chère la charge complète de son véhicule. Le parc automobile électrique actuel n’a aucune influence sur la consommation électrique du pays.

Selon les données de la CCFA, au 1er janvier 2016, la France comptait environ 38 millions de véhicules dont seulement 417 000 tout électrique et 1,1 million hybrides.

Selon Areva, la charge d’un véhicule électrique nécessite 3kW donc la charge d’un million de véhicules électriques nécessite 3GW. Si l’intégralité du parc automobile passait à l’électrique ou à l’hybride rechargeable et se branchait la nuit, ce seraient plus de 100 GW qui seraient appelés sur le réseau chaque nuit. La notion d’heure creuse la nuit pourrait être amenée à disparaître. À ce niveau il est nécessaire de réussir également à rendre intelligent le réseau de distribution (et pas seulement le réseau de transport qui déjà devient de plus en plus smart).

Cette donnée apporte une complexité supplémentaire dans la gestion du réseau électrique. Il faudra trouver l’équilibre pour qu’à terme les appels de puissance ne soient pas supérieurs à la consommation prévisionnelle, ce qui pourrait déclencher des black out dans certaines régions de la France. Il sera également important de réfléchir à comment la surconsommation électrique pourrait être réinjectée dans les charges de batteries de ces véhicules.

Dans « transports électriques », sujet de la conférence Agrion, les secteurs transport et énergie sont représentés. Il est évident que la transformation du secteur du transport ne pourra avoir lieu que grâce à une transformation du secteur énergétique, car ils sont indissociables pour créer la smart city de demain. On se rend compte que nous en sommes aujourd’hui qu’aux balbutiements de cette transformation, qui a déjà été commencée il y a quelques dizaines d’années. Si aujourd’hui les principaux enjeux technologiques pour réussir cette transformation sont une adaptation du réseau électrique, le déploiement massif des bornes de recharge et un travail sur l’accessibilité via une meilleure digitalisation ; le principal catalyseur qui permettra l’essor des véhicules électriques et autonomes sera l’acceptation et la généralisation par les utilisateurs finaux. La question qu’il reste à se poser : les usagers sont-ils prêts à accepter les impacts d’une telle transformation?

Sources :

Table ronde Agrion

http://navya.tech/

http://www.toyota-global.com/sustainability/environment/challenge2050/

https://www.freshmile.com/

http://www.clubic.com/mag/transports/actualite-765232-ecall-secours-appel-urgence-obligatoire-2018.html

https://fr.wikipedia.org/wiki/Parc_automobile_fran%C3%A7ais#Type_d.27.C3.A9nergie

http://www.ccfa.fr/IMG/pdf/parcfrance2014-2.pdf

 

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