Le mercredi 8 novembre 2017 avait lieu le Forum Energie Dauphine. Grand rassemblement d’influenceurs du secteur de l’énergie, cet événement a été le lieu de partage de visions sur ce secteur en pleines transformations (décentralisation, verdisation du mix énergétique, digitalisation, …). Au centre du débat, la COP21 et les différents porteurs des accords de Paris. Le cabinet Wavestone était présent à cet événement, voici ce que nous avons retenu.
Ce qui est remarquable, nous explique en introduction Gérard Mestallet, Président du Conseil d’Administration d’ENGIE, est la multiplication des acteurs autour des enjeux écologiques et l’évolution de leur positionnement vis-à-vis de ces questions.
Qui sont ces acteurs ? Quel est le pouvoir d’action ? Comment vont-ils interagir ? Et pensons aux Etats, premiers contributeurs de ces accords, comment va évoluer leur rôle ? Tant de questions auxquelles les différents intervenants au Forum Energie Dauphine ont apporté leur vision.
Vers un trilogue
1. Les Etats (1)
Non sans une certaine provocation, le forum commence avec une première table ronde nommée « Les Etats ont-ils encore le pouvoir ? ». Les Etats sont les seuls garants possibles du bien-être de leurs citoyens. En amont, ils ont un rôle de visionnaire, ils doivent donner les grandes orientations, car ils sont, par exemple, les seuls à avoir une vision des impacts de la décarbonisation sur l’économie. Ils se doivent aussi de jouer un rôle d’investisseur. Ainsi, en Chine, et en Asie plus généralement, une vraie conscience publique de la dévastation de l’environnement émerge. La tarification du carbone, pourtant inventée en Europe, se met en place en Corée et en Chine et cette dernière est déjà le premier producteur d’énergie propre.
En aval, les Etats ont rôle de régulateur, ils sont défenseurs des droits de leurs citoyens. Ainsi, aux Etats Unis, des enfants Américains se sont retournés contre l’Etat en faisant valoir leur « droit à la vie » et en mettant en cause son soutien aux énergies fossiles.
Pourtant, force est de constater que certains Etats ralentissent les négociations. D’autres, en l’absence de contraintes réglementaires, tardent à lancer des actions malgré l’urgence de la situation… Si les Etats sont incontournables et doivent d’accepter ce rôle central et neutre, la réalité est parfois éloignée en matière de politique énergétique.
2. Les villes et les ONG (2)
Les villes concentrent plus de 50% de la population (et en concentreront même 75% en 2050 selon certains prospectivistes) et sont au plus près des préoccupations autour de l’utilisation et la raréfaction des ressources. Quel est leur rôle ? Comment les ONG peuvent les aider à gagner en influence ?
Tout d’abord, l’émergence d’une nouvelle logique économique, une économie Bottom-Up, due au passage des énergies fossiles centralisées, aux énergies renouvelables (EnR) décentralisées, implique l’apparition de nouveaux acteurs intermédiaires faisant l’interface entre les producteurs locaux et l’Etat. Ce rôle pourrait-être joué par les villes qui prennent de plus en plus d’importance, à travers des initiatives telles que le C40 qui apparait être d’une grande efficacité.
Ce type de rassemblements se justifie complètement. Les agglomérations ont gagné en influence grâce à la mondialisation. En effet, si une cinquantaine d’agglomérations imposent des mêmes règles environnementales en même temps, ces règles deviennent un standard national car les entreprises ne se permettront pas de perdre un tel marché. Et c’est d’autant plus vrai que, premièrement, les villes ne sont pas autant contraintes que les Etats par des questions de souveraineté. Deuxièmement, elles sont beaucoup plus sensibles aux questions environnementales que les Etats, en tiennent pour preuve la faible importance des débats autour de ces questions lors les élections présidentielles et, a contrario, sa place centrale lors d’élections locales.
Pour autant, l’implication varie fortement d’une ville à l’autre, et cela se ressent au travers de l’ambition des actions. Il manque une stratégie globale, des objectifs précis réunissant les agglomérations. Ce plan de bataille pourrait être fourni par des ONG telles que C40, organisation rassemblant plus de 90 villes.
En résumé, les métropoles sont des acteurs tout à fait pertinents. Elles ont à leur disposition de véritables leviers pour influencer les comportements, une grande liberté d’action et une proximité avec les concitoyens permettant de comprendre au mieux leurs enjeux et leurs préoccupations.
3. Les entreprises (3)
Le rôle des entreprises est plus divers et donc plus complexe à analyser. Il en est de même pour leur alignement vis-à-vis de ces enjeux. Ainsi, initialement, les entreprises voyaient les enjeux environnementaux comme des contraintes et non comme des opportunités. Certaines entreprises ont évolué sur leurs positions et sont désormais motrices sur ces questions. A titre d’exemple, mettre en place un prix du carbone et chiffrer les émissions est une initiative des entreprises ; et elles sont toujours dans les discussions sur ce sujet.
De façon plus pragmatique, les entreprises entrevoient des enjeux économiques derrière ces enjeux environnementaux. Les sociétés d’assurance sont fortement engagées sur ces questions car un fort accroissement des catastrophes naturelles pourrait impliquer une incapacité à rembourser les assurés. Autre exemple, quand Axa a réorienté ses fonds vers une économie moins carbonée, il a été suivi par d’autres entreprises dans une telle mesure que le superviseur californien a décidé d’en faire une règle. Les grandes entreprises sont légitimes à montrer des signaux positifs et ainsi, influencer la réglementation.
Toute entreprise, de la start-up au grand groupe, peut être amenée à développer de nouvelles technologies, à créer de nouveaux usages et à avoir globalement un impact sociétal. Charge à l’Etat de créer ces nouvelles opportunités.
Il existe bien un dialogue entre les entreprises et les Etats, une influence mutuelle où chaque partie apporte sa contribution.
De ces trois tables rondes, il ressort que la situation s’est complexifiée depuis la COP21, les Etats qui étaient les premiers décisionnaires doivent maintenant partager le débat avec les entreprises et les villes épaulées par les ONG. Dans ce discours à trois voix, chacun de ces acteurs est légitime et peut, si ce n’est doit, apporter sa contribution.
Comment l’Etat Français va accompagner ces acteurs lors du quinquennat d’Emmanuel Macron (4)
L’introduction de Sebastien Lecornu, Secrétaire d’Etat auprès du Ministre d’état de la Transition écologique et solidaire, a cherché à apporter des premiers éléments de réponse, présentant les premières mesures prises par l’Etat français, et quelques-uns de ses chantiers prioritaires.
L’objectif du Plan Climat de Nicolas Hulot est d’arriver à la neutralité carbone d’ici 2050. Le rapport RTE publié le 07 novembre 2017 a remis en question le PPE (Programme Pluriannuel de l’Energie). Un calendrier précis sur le mix énergétique sera donné pour le prochain PPE.
La neutralité carbone se traduit en premier lieu par la fin des énergies fossiles. Un projet de loi sur la fin de l’exploitation des hydrocarbures d’ici à 2040 a été voté. Quatre centrales à charbon vont être fermées. Une trajectoire carbone fixée à 44€ la tonne dès 2018 accompagnera l’effacement des énergies fossiles.
La production des EnR sera simplifiée, notamment pour l’éolien terrestre et off-shore, pour lesquels les procédures seront allégées, le financement renforcé, le propowering simplifié. L’objectif de la part du nucléaire reste à 50%, une date précise devrait être donnée pour le prochain PPE.
Conscient de l’émergence de la logique économique Bottom-Up, l’Etat souhaite valoriser l’économie circulaire à travers, par exemple, la méthanisation ou la cogénération, véritable richesse pour les agriculteurs. Cela s’accompagne aussi de contrats de transitions écologiques avec les collectivités. Les contrats, en remplacement des appels à projet, ont l’avantage de s’adapter aux spécificités territoriales tout en demandant une obligation de résultats. Une expérimentation sera lancée en 2018 sur une vingtaine d’EPCI (Etablissement Public de Coordination Intercommunale), qui apparaissent comme le bon niveau d’intervention.
Enfin, le gouvernement est attaché à la sobriété énergétique, une des premières clés de succès de la transition énergétique. Pour accompagner la sobriété, un panel varié de mesures va être mis en place (chèque énergie, prime à la casse, évolution du crédit d’impôt, réponse solidaire, plan d’investissement sur la performance énergétique de 9 milliards d’euros sur le quinquennat ayant pour finalité de rénover les passoires thermiques, …).
Intervenants :
(1) Jean-François Carenco, Président de la CRE ; Christian de Perthuis, Professeur à l’Université Paris Dauphine ; Corinne Lepage, Présidente de Cap 21 et ancienne Ministre et Députée ; Jean-David Levitte, Ambassadeur de France ; Jean-Hervé Lorenzi, Président du Cercle des Economistes ; Gérard Mestallet, Président du Conseil d’Administration d’ENGIE ; Audrey Pulvar, Présidente de la Fondation pour la Nature et l’Homme ;
(2) Pascal Canfin, Directeur Général de WWF ; Patrice Geoffron, Professeur à l’Université Paris-Dauphine ; Olivier Pastré, Professeur à l’Université Paris VIII ; Claire Roumet, Secrétaire Générale d’Energy Cities ;
(3) Pascal Boulanger, Président Fondateur de Nawatechnologies ; Patrick Jeantet, Président de SNCF Réseau ; Thierry Le Henaff, Président Directeur Général d’Arkema ; Myriam Maestroni, CEO d’Economie d’Energie ; Gérard Mestallet, Président du Conseil d’Administration d’ENGIE ; Christian Thimann, Directeur de la Stratégie, de la Responsabilité d’Entreprise et des Affaires Publiques du groupe AXA ;
(4) Sébastien Lecournu, Secrétaire d’état auprès du Ministre d’état, ministre de la Transition écologique et solidaire.
Autres prises de paroles d’influenceurs :
- Interview de François-Michel Lambert (député LREM) : la vision et la politique énergétique du nouveau gouvernement
- Interview de Laurence Confort – Les attentes de GRDF envers le nouveau gouvernement (Partie 1)
- Interview de Laurence Confort – Les attentes de GRDF envers le nouveau gouvernement (Partie 2)