Quel avenir pour l’énergie en France ? Nicolas Hulot, Ministre de la Transition écologique et solidaire, a ouvert l’édition 2018 du Forum de la Transition Énergétique (FTE) des Echos pour nous partager sa vision sur la 3ème révolution énergétique qu’il voit se définir autour de la décentralisation et de la digitalisation. Loin d’être dogmatique, il a partagé sa conviction sur ce « grand moment démocratique » que doit être cette révolution. Ainsi, il a invité les français à (re)penser le paysage énergétique français de demain. Il a mis les français face à l’importance de prendre part aux réflexions et aux débats autour la transition énergétique.
Nous étions présents, voici en substance son discours.
Caractéristiques et enjeux de la 3ème révolution énergétique
Les deux premières révolutions énergétiques que sont celle des énergies fossiles et celle du nucléaire ont leurs vertus et leurs problématiques. Suite à l’émergence de nouvelles contraintes propres au XXIème siècle, à savoir la vulnérabilité (mise en péril de l’équilibre naturel) et la rareté des ressources, il est nécessaire de mener une 3ème révolution énergétique.
« Nous sommes à l’aube d’une troisième transition énergétique ! » – Nicolas Hulot, FTE, 28/03/2018
Commençons par définir cette révolution. Elle se caractérise par :
- (Cleaner) le verdissement de l’énergie avec notamment la banalisation des énergies renouvelables,
- (Smarter) la révolution digitale qui touche le secteur de l’énergie, plus généralement l’ensemble de notre société, et dont nous ne mesurons pas encore pleinement l’ampleur,
- (Closer) la décentralisation du marché énergétique et la réappropriation de l’énergie par les territoires.
Il est indéniable que cette transition énergétique aura nécessairement des impacts économiques et sociétaux. Il faut donc que les français s’approprient cette révolution que le Ministre qualifie d’enthousiasmante. Les consultations publiques autour de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) sont un grand moment de démocratie (ces consultations ont débuté le 19 mars dernier, se poursuivront jusqu’au 30 juin et portent sur la programmation allant jusqu’à 2023, ndlr). Il est important de construire ensemble notre chemin commun en évitant « le piège des confrontations stériles ». L’intelligence collective est un vecteur nécessaire à l’exploration exhaustive des scenarii possibles.
Vers la neutralité carbone à horizon 2050
Des objectifs fixés lors du One Planet Summit non tenus… Une hausse des émissions de CO2 en 2017… C’est en peignant ce tableau que Nicolas Hulot nous partage sa volonté de fixer des objectifs ambitieux tout en restant accessibles. Sur la neutralité carbone horizon 2050, Nicolas Hulot se veut clair et intransigeant. Il nous rappelle ses jalons clés :
- La fin de la recherche et de l’exploitation de l’hydrocarbure,
- La fin de la construction de nouvelles centrales thermiques (charbon, gaz, pétrole),
- La fin de l’exploitation du charbon dans la production d’énergie d’ici 2020,
- La fin des véhicules émettant des gaz à effet de serre à horizon 2040.
D’autre part, non sans une certaine honnêteté, Nicolas Hulot souligne que la France est à la traine sur les énergies renouvelables. En plus de projets menés au sein du Ministère, à savoir les contrats de transition écologique portés par Sébastien Lecornu et l’allègement des procédures administratives autour des énergies renouvelables (par exemple, la réduction du temps de recours), la PPE permettra de remettre les choses à plat
« Je crois à un monde 100% renouvelable. » – Nicolas Hulot, FTE, 28/03/2018
Le Ministre affirme sa volonté d’apporter des ambitions claires, lisibles et stables dans le temps. Être prévisible par les entreprises est nécessaire au succès de la transition énergétique. Il faut un cap clair ! Ainsi, en prenant l’exemple de la fin des véhicules émettant des gaz à effet de serre, il explique comment certains constructeurs français rassurés se sont donnés comme objectif de proposer l’équivalent électrique de leur modèle à explosion d’ici 2020.
« La contrainte est la condition à l’innovation. » – Nicolas Hulot, FTE, 28/03/2018
Encore des zones d’ombre pour le nucléaire et le gaz
Afin d’apporter la lisibilité nécessaire, certaines questions se doivent d’être traitées en profondeur. Le rôle du biogaz dans la transition énergétique est indéniable et les usages seront a minima celui de la mobilité et du stockage. Le rôle de l’hydrogène, quant à lui, est encore incertain. Le CEA doit d’ailleurs remettre ses réflexions sur la question de l’hydrogène dans le mois à venir.
Quant au nucléaire, sa part doit diminuer de 75% à 50% mais à quelle échéance ? Pour piloter cette transformation avec intelligence et ainsi éviter la rupture énergétique, il est nécessaire de prendre en compte le développement et les coûts liés aux énergies renouvelables et au stockage. La fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim permettra de poser un cadre quant à la réduction du parc nucléaire.
Le Ministre a choisi de conclure sur la dimension sociétale et politique que va aussi revêtir cette révolution. Elle est source d’opportunités pour les pays émergents qui pourront y trouver une voie pour le développement et l’indépendance énergétique. Enfin, la transition énergétique apportera sa contribution modeste à des relations pacifiées.
Suite au discours de Nicolas Hulot, se sont succédés autour de trois tables rondes, les influenceurs du secteur de l’énergie. Vous pouvez retrouver la teneur des échanges dans nos publications ci-dessous :
- PPE 2018 : quels scenarii d’ici 2028 ?
- Territoires & citoyens : acteurs-clés de la transition énergétique ? (à paraître)
- Gaz / électricité : un marché devenu totalement concurrentiel ?