Au cœur de l’actualité politique, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) est actuellement en cours de révision. Le développement des énergies renouvelables (EnR) en constitue un volet majeur. Pour parvenir à leur développement, il est nécessaire de sortir de la réflexion classique centrée sur de la production d’EnR à grande échelle. Il est important de penser à des moyens de production plus décentralisés et impliquant davantage les citoyens.
Découvrez dans notre première Key Regulation sur l’autoconsommation, un décryptage des délibérations de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) sur ce sujet.
Retour sur l’histoire légale de l’autoconsommation en France
C’est dans cette optique de décentralisation de l’énergie que se développe progressivement l’autoconsommation, c’est-à-dire la possibilité pour un consommateur de produire lui-même tout ou une partie de sa consommation électrique. Afin d’assurer le développement de cette filière, la mise en place d’un cadre légal et économique favorable paraît nécessaire.
Une première étape a été franchie avec l’adoption de la loi du 24 février 2017 sur l’autoconsommation en conférant un statut juridique aux auto-consommateurs et en préconisant la mise en place de mécanismes de soutien public de la filière.
Cette loi a été suivie du décret du 30 avril 2017 qui donne à l’autoconsommateur la possibilité consommer ce qu’il produit. Celui-ci n’est alors plus obligé de revendre sa production sur le réseau.
Un an plus tard, le 15 février 2018, un pas de plus a été franchi grâce à la délibération de la CRE portant sur les recommandations et les orientations sur l’autoconsommation. Cette délibération fait suite à une large réflexion menée sur l’impact du développement de cette filière sur le paysage énergétique français.
Décryptage de la délibération de la CRE
Une délibération en 10 recommandations clefs
Cette délibération s’articule autour de trois volets : technique, contractuel et économique qui impactent différents acteurs de l’énergie : consommateurs, fournisseurs et distributeurs.
Sur le plan contractuel et technique, l’objectif est double : il s’agit de faciliter l’accès à l’autoconsommation à tous (quelle que soit l’implantation géographique, la taille de l’installation et le type de consommation) tout en s’assurant du maintien de la sécurité et du bon fonctionnement du réseau électrique.
Sur le plan économique, la CRE recommande de fixer un cadre économique permettant un soutien robuste de l’autoconsommation grâce à des solutions de financement adaptées à chaque situation (tarif d’achat, appel d’offre, exonération), tout en veillant au développement maîtrisé de cette filière.
Une délibération qui a des impacts sur les volets contractuels, techniques et économiques
Des impacts pour les gestionnaires de réseaux de distribution (GRD) et les fournisseurs principalement sur les volets contractuels et techniques
L’implication des GRD (Enedis principalement mais également les entreprises locales de distribution) et des fournisseurs d’énergie est l’un des éléments clefs de cette délibération. Voici quelques exemples de recommandations impactant les fournisseurs et les GRD :
Des impacts sur le volet économique
Le volet économique de cette délibération s’articule autour de 4 recommandations clefs pour mettre en place des solutions de soutien économique s’adaptant à chaque type de situation pour les auto-consommateurs :
Au vu de ces nouveaux mécanismes de soutien économique, les distributeurs et les fournisseurs devront également réadapter leurs systèmes de facturation aux auto consommateurs en particulier pour l’exonération des taxes locales et de la CSPE.
L’autoconsommation, un sujet qui porte à débat dans le secteur de l’énergie
L’autoconsommation bouscule le modèle énergétique traditionnel et constitue aujourd’hui un sujet à débat chez les différents acteurs de l’énergie. En effet les producteurs, les fournisseurs, les distributeurs et les distributeurs ne partagent pas les mêmes opinions sur trois sujets principaux suivants : les mécanismes de soutien de la filière, les grilles tarifaires à mettre en place et le cadre contractuel de l’autoconsommation.
Concernant les mécanismes de soutien de la filière à titre d’exemple, Engie s’est notamment positionné en faveur de l’extension de l’exonération de la CSPE à l’autoconsommation collective. La CRE de son côté veut limiter l’exonération de la CSPE a des petites installations (>9 kWc) afin d’éviter le transfert des contributions à payer par les auto-consommateurs vers les autres utilisateurs du réseau. Par ailleurs elle souhaite empêcher que les consommateurs diminuent leurs besoins en soutirage et ne se désolidarisent du système électrique national. Dans le même temps, les particuliers producteurs craignent que les aides sur l’autoconsommation renvoient des mauvais signaux en incitant au développement de grandes installations au détriment de systèmes plus petits.
Sur le volet contractuel, les avis divergent encore entre les différents acteurs. Un des points de désaccord important réside dans la réflexion autour du contrat unique (pour le soutirage et l’injection). En effet, les fournisseurs estiment que cela engendrerait une inversion des pratiques (entre le fournisseur qui devient acheteur d’énergie et le particulier producteur qui devient fournisseur d’électricité) ainsi que les responsabilités entre le fournisseur et le distributeur. Sur ce sujet, les distributeurs se prononcent en faveur de la mise en place d’un contrat unique à condition que les fournisseurs se voient confier le rôle d’acheteur.
Les sujets de discordance sur le cadre de développement de l’autoconsommation sont encore nombreux, et ce ne sont ici que des exemples (non exhaustifs) qui montrent la complexité du débat !
Aujourd’hui, près de la moitié des demandes de raccordement au réseau sont pour de l’autoconsommation
A la fin de l’année 2017, 20000 auto-consommateurs ont été comptabilisés en France. Cependant une forte dynamique voit le jour, avec près de la moitié des demandes de raccordement au réseau faites en autoconsommation aujourd’hui. Cette délibération de la CRE va donc dans le sens d’un système électrique plus décentralisé, respectueux de l’environnement et dans lequel chaque consommateur a les moyens de devenir acteur de la transition énergétique.
Il faudra toutefois tenir compte des impacts sur les différents acteurs de l’énergie et veiller à la mise en place d’un système harmonieux qui puisse permettre une acceptation optimale de ce nouveau mode de consommation chez les différentes parties-prenantes.