Depuis quelques mois, l’ARENH (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique) est au cœur de l’actualité. Ce dispositif a été mis en place pour permettre davantage de concurrence sur le marché de l’électricité. Il est actuellement en discussion entre les parties prenantes du secteur : le régulateur, EDF et les différents fournisseurs alternatifs. Pour vous aider à mieux comprendre ce débat, découvrez notre Key Regulation dédiée à ce sujet.
Retour sur l’histoire de l’ARENH
L’ARENH, un dispositif qui s’inscrit dans le cadre de la loi NOME pour assurer aux fournisseurs alternatifs un accès régulé à l’électricité nucléaire d’EDF
Le début du XXIème siècle marque l’ouverture du marché de la fourniture d’énergie en France. Les activités de commercialisation de l’électricité sont alors progressivement ouvertes à la concurrence pour chaque type de consommateurs : industries, entreprises, collectivités et particuliers. Ainsi, le marché de l’électricité voit apparaître de nouveaux entrants : des fournisseurs alternatifs se positionnent désormais auprès de l’opérateur historique EDF – détenant encore 80% des parts de marché à ce jour – pour assurer la commercialisation de l’électricité.
C’est pour promouvoir l’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence, que la loi NOME (Nouvelle Organisation du Marché de l’Électricité), a été mise en place en 2010. Cette loi s’articule autour de trois axes principaux : permettre un accès à l’électricité à des prix compétitifs aux consommateurs finals, mettre en place les leviers nécessaires à la préservation du parc nucléaire historique d’EDF et assurer aux fournisseurs alternatifs un accès régulé à l’électricité d’origine nucléaire. C’est dans ce dernier axe que s’inscrit l’ARENH.
Le dispositif ARENH permet aux fournisseurs alternatifs de s’approvisionner en électricité de base dans des conditions économiques aussi favorables que celles d’EDF. Ils peuvent en effet accéder à l’électricité d’origine nucléaire auprès de l’opérateur historique EDF à un tarif régulé fixé par la CRE (42 €/MWh, depuis 2012) et assurer à leurs consommateurs finals un prix compétitif. Cet accès se fait dans la limite de volumes imposés par le régulateur pour chaque fournisseur. Sur les 400 TWh nucléaires produits, 100 TWh sont accessibles aux fournisseurs alternatifs.
L’ARENH, un dispositif qui implique de multiples parties-prenantes
L’ARENH est un dispositif impliquant des acteurs de toute la chaine de valeur de l’énergie : le transporteur (RTE) et le distributeur d’une part (Enedis et autres GRD), le producteur nucléaire historique (EDF) les fournisseurs alternatifs et les responsables d’équilibre (RE) qui y sont associés d’autre part. Ce dispositif est encadré par la CRE (Commission de Régulation de l’Énergie).
Les relations entre ces différentes parties-prenantes s’articulent de la manière suivante :
NB : Dans le cadre de l’ARENH, les contrats entre les fournisseurs alternatifs et EDF sont signés en gré à gré, sur le marché de détail. Initialement, les contrats d’approvisionnement sont signés sur une période annuelle.
En période de révision de la PPE, L’ARENH est un sujet au cœur de l’actualité
D’abord plébiscité puis boudé, l’ARENH revient aujourd’hui sur le devant de la scène énergétique
Depuis sa mise en place en 2010, plusieurs phases se sont succédées pour l’ARENH. Lors des premières années (2011 – 2014), les fournisseurs alternatifs ont demandé l’ARENH pour assurer l’approvisionnement de tous leurs consommateurs finals à un prix compétitif (le prix de l’électricité nucléaire était alors inférieure au marché de gros). Au niveau du marché de gros, l’électricité est négociée avant d’être vendue sur le réseau. Cela a permis l’émergence d’un cadre favorable à la concurrence sur le marché de détail. Cette première phase a conféré à l’ARENH une popularité importante auprès des fournisseurs alternatifs (stimulant et sécurisant leur développement) et auprès des consommateurs (leur donnant confiance sur le fonctionnement du marché).
Dans les années suivantes (2014 – 2016), une réduction de l’utilisation de l’ARENH a été observée suite à une chute brutale du marché de gros de l’électricité : 5 fournisseurs alternatifs résilient leur accord-cadre avec EDF. Cette situation met alors en avant les premiers dysfonctionnements du dispositif. Des arbitrages infra-annuels voient le jour, permettant des mécanismes d’ajustement et de compensation aux fournisseurs alternatifs à mi-année.
L’augmentation de l’attractivité de l’ARENH pendant les années suivantes (2016 – 2018) suite à une hausse du prix sur le marché de gros au-dessus du tarif de l’ARENH, permet alors de confirmer ces dysfonctionnements. Tel qu’il a été initialement conçu, le dispositif ne prenait pas en compte la volatilité des prix associés au marché de gros de l’électricité.
La CRE propose une série de mesures pour améliorer le fonctionnement de l’ARENH
Dans son rapport d’évaluation du dispositif publié en février 2018, la CRE propose des mesures afin d’en améliorer le fonctionnement. En voici les principales conclusions :
- Conservation du caractère annuel de l’ARENH et augmentation des marges de tolérances vis-à-vis des mécanismes de compensation des fournisseurs alternatifs. Pour rappel, ces mécanismes sont utilisés lorsque les prévisions de consommation des fournisseurs ne sont pas atteintes. Le fournisseur alternatif est alors dans l’obligation de fournir un complément de prix pour la quantité d’électricité fournie en excès.
- Révision du dispositif de sorte à corréler les demandes des fournisseurs d’ARENH au besoin d’y recourir pour approvisionner les clients finals. L’objectif est donc d’éviter les opportunités d’aubaines par rapport à l’évolution du marché de gros de l’électricité.
Concernant le tarif actuel de l’ARENH, la CRE souhaite qu’il soit révisé pour plus de cohérence mais ne propose pas encore de le faire évoluer sans décret du conseil d’état. Enfin, le régulateur souhaite une répartition des volumes plafonds d’ARENH encourageant un comportement plus vertueux des fournisseurs.
La cour des comptes et les fournisseurs d’énergie vis à vis de l’ARENH : des pours et des contres
Suite à la publication de ce rapport par la CRE, un certain nombre d’acteurs se sont prononcés sur le dispositif. En effet, en mars 2018 la Cour des comptes en propose une modification pour l’adapter aux coûts croissants du nucléaire. Elle propose notamment une souscription graduelle des fournisseurs alternatifs à l’ARENH sur plusieurs mois pour permettre à EDF une meilleure planification de sa production.
Pour l’opérateur historique EDF, les impacts financiers du maintien de l’ARENH sont également négatifs. Il souhaite également que le tarif associé reflète davantage les coûts de production associés au nucléaire et s’est prononcé depuis peu (mai 2018) pour la suppression définitive de l’ARENH, considérant que ce mécanisme « n’a plus lieu d’être ».
Pour les fournisseurs alternatifs entrants, la suppression de l’ARENH représente une véritable menace, surtout face à la reprise du cours du pétrole, à l’augmentation progressive de la taxe carbone et aux doutes sur le soutien des énergies renouvelables. Le dispositif est donc perçu comme un moyen de protection face à la volatilité du marché.
Enfin, la question du maintien de l’ARENH mène à des débats sur la transition énergétique. En effet, la volonté de diminuer la part du nucléaire dans le mix énergétique doit pouvoir se faire en maintenant la compétitivité de l’électricité du point de vue du consommateur final. Or, à court terme, le maintien d’un tarif régulé associé au nucléaire semble assurer une certaine stabilité des prix.
L’avenir de l’ARENH est actuellement en jeu dans le cadre de la PPE dont les débats se poursuivent jusqu’au 28 juin
L’ARENH tel qu’il a été initialement conçu ne semble plus répondre aux besoins et aux intérêts difficilement conciliables des différents acteurs du marché de l’électricité. C’est pour cette raison que ce sujet est discuté dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Il faudra donc suivre de près l’issue de ces débats pour prévoir au mieux les évolutions futures du paysage énergétique !
Points à retenir :
- L’ARENH est un dispositif qui a été mis en place en 2010 pour assurer plus de concurrence sur le marché de l’électricité tout en veillant au maintien de la filière nucléaire et un prix de l’électricité compétitif pour les clients finals.
- L’ARENH tel qu’il a été conçu ne semble pas avoir tenu compte des évolutions du marché de l’électricité (et notamment la volatilité qui y est associée).
- Pour suivre ces évolutions, l’ARENH doit être adapté. Des réflexions sont menées par la CRE pour le repenser.
- Aujourd’hui les avis sur l’ARENH divergent : EDF souhaite l’abolir (impacts financiers négatifs), tandis que les fournisseurs alternatifs le perçoivent comme une véritable opportunité pour rester compétitifs.
- Les modalités du dispositif pourront évoluer dans le cadre du débat actuel sur la PPE