Prendre de la hauteur sans même décoller les deux pieds du sol. C’est ce qu’offrent de plus en plus d’entreprises de drones de loisir, en alliant deux technologies en plein essor que sont la réalité virtuelle/augmentée et les drones.
Quelques éléments de marchés
Les perspectives liées à l’adoption de la technologie immersive de la réalité virtuelle et augmentée semblent très optimistes d’après l’étude réalisée par CSS Insight : le marché doit croître d’environ 50% par an sur les 5 prochaines années. En 2018, il est estimé à 1,8 milliards de dollars avec 22 million de casques de réalité augmentée et virtuelle vendus. En 2022, avec un total de 121 millions d’unités vendues, le marché atteindra 9,9 milliards de dollars. Il est essentiellement porté par les casques de réalité virtuelle dont la tendance est amenée à se poursuivre, notamment grâce aux smartphones qui peuvent désormais jouer le rôle de ces équipements. Les jeux vidéo restent l’emploi premier de ces casques, mais de nombreux cas d’usage tendent à se développer, comme le tourisme virtuel, la participation à distance à des événements, des concerts, et les interactions sociales virtuelles.
Imaginez maintenant pouvoir combiner le potentiel de ces deux technologies, caractérisées par un nombre important de cas d’usage, et dont les synergies confèrent une réelle capacité d’innovation. Concernant les drones, leur utilisation va s’intensifier d’ici les prochaines années, notamment dans le milieu industriel. Ainsi, le marché des drones devrait atteindre 6 milliards d’euros dans le monde d’ici 2025 (dont 50% dans les services d’après une étude du cabinet Oliver Wyman), impulsé par les évolutions règlementaires moins contraignantes, la baisse des coûts et miniaturisation des composants, l’amélioration des logiciels de traitements de données, et la multiplication de cas d’usage.
Des opportunités de synergies multiples
Les drones au service de l’AR/VR
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Loisirs : renouer avec les sites historiques
De nombreux sites historiques comme des grottes, galeries, ou des lieux archéologiques ne sont pas accessibles aux touristes pour éviter leurs dégradations. Les drones sont aujourd’hui envisagés pour filmer en 360° des zones non accessibles aux visiteurs, afin permettre une visite 3D des lieux via l’AR/VR. Ainsi, les sites archéologiques sensibles pourront rencontrer le public plus facilement via ces procédés, par l’acquisition de données difficiles d’accès et leur modélisation 3D, afin de reproduire les objets autrefois présents sur le lieu de visite, ou les espaces comme la grotte Scladina en Belgique :
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Appui au métier terrain
Les applications industrielles des drones couplées à l’AR/VR ne sont pour le moment qu’au stade d’expérimentation, mais l’utilisation sur les chantiers de casque de réalité augmentée gagne du terrain. L’entreprise Daqri a mis au point un casque de chantier de réalité augmentée, grâce auquel le technicien reçoit des instructions et des données augmentées directement sous les yeux. Ce casque est pourvu de composantes de connectivité qui permettent de lier une Smart Watch, et bientôt un drone. Le drone, comme prolongement de l’œil humain, permet de récupérer des données dans des lieux souvent inaccessibles (intérieur de four, de centrale …). D’autre part, le drone pourrait sur le terrain, capter des données, et les superposer aux images vues par le technicien, utile pour les zones difficiles d’accès.
En outre, La modélisation et l’incrustation en temps réel d’images 3D sur l’environnement via les lunettes pourraient être d’une aide précieuse mais surtout un terreau fertile au développement de nouveaux usages dans la construction, là où le BIM prend de plus en plus d’ampleur.
Casque de chantier AR de Daqri
L’AR/VR au service des drones
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Formation pilote de drone
Une des applications les plus porteuses de l’utilisation de l’AR/VR est sans nul doute la formation. Beaucoup d’industriels se sont appropriés le procédé pour faire monter leurs techniciens en compétences à moindres coûts (à ce titre, nous évoquions TRIHOM, l’organisme de formation rattaché au groupe AREVA qui forme ses techniciens aux opérations dans les centrales nucléaires via ses simulateurs). En ce qui concerne la formation à l’emploi de drones, elle deviendra obligatoire à partir de juillet 2018 pour l’emploi de tout drone de plus de 800 grammes. La réalité virtuelle & augmentée ont une belle carte à jouer à ce niveau. En permettant un accès aux formations de pilotage de drones facilité, avec la projection d’images d’aide à la conduite, la réalité augmentée peut séduire de nombreux secteurs, de l’audiovisuel à la recherche en passant par l’agriculture.
Au niveau industriel, les acteurs historiques comme la SNCF, RTE ou Shell, qui ont tous de forts besoins de maintenance vont pouvoir améliorer leurs activités de maintenance par drone sur leurs réseaux de manière exponentielle et fiabiliser leurs infrastructures vieillissantes. La SNCF, qui possède 30 000 km de lignes a ainsi fait le pari de développer une filiale dédiée aux drones, pour son usage personnel (de maintenance et de sécurité), mais également pour rentabiliser ses drones et se positionner en tant qu’offreur de services de topographie, de cartographie, d’inspection et de sécurité. Le marché de la formation à usage de drones est ainsi en plein essor, favorisé par la législation et corrélé au boom du marché des drones industriels, qui devrait être multiplié par deux d’ici 2020 (Etude PwC).
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Développement des drones autonomes
Les drones autonomes portent en eux de grands espoirs pour la société de demain. Ils seront pourvus d’une précision plus importante, ajusteront mieux leurs paramètres de vol, laisseront moins de place à l’erreur humaine et entraineront une baisse des coûts (notamment grâce à la maintenance prédictive, la baisse de coûts de déplacements, l’optimisation des trajectoires par redondance grâce au Machine Learning, ou encore la baisse des coûts liés à l’action humaine et à la sécurité…). La solution autonome doit être impérativement fiable avant qu’elle ne puisse atteindre le marché, en parallèle, l’IA embarquée doit atteindre un niveau de perfectionnement critique pour éviter toute collision qui porterait préjudice à sa structure fragile. C’est dans cette optique que le MIT a développé des « Flight Goggles ». Au sein de l’environnement photoréaliste projeté en réalité virtuelle, le drone autonome réalise un parcours et apprend de ses erreurs grâce au Machine Learning et gagne en précision. Cette solution permet d’entrainer le drone sans que les erreurs impliquent des crashs coûteux. Les obstacles sont ici en 3D et le drone peut réaliser ses itérations et se perfectionner sans que le processus ne soit onéreux.
« Flight goggles » développées par le MIT
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Réponse aux sinistres
Face aux catastrophes naturelles, les drones et la réalité augmentée ont très vite trouvés leur place. En effet, ces aéronefs très rapidement déployables permettent d’intervenir pour aider les équipes d’intervention. Les drones survolent les zones impactées, équipés de caméras et de capteurs thermiques pour identifier les personnes ensevelies sous les décombres.
Le principe de la réalité augmentée peut permettre d’accroitre l’efficacité des drones lors des opérations de secours, en transmettant des images captées de manière aérienne en direct sur les lunettes de l’intervenant équipé. Une solution visant à intégrer des lunettes de réalité augmentée Microsoft Hololens et un kit de survie dans un drone pour les délivrer sur le terrain le plus rapidement possible a été développée dans le Mississippi par le Telemedical Drone Project sous le nom d’HiRO (Health Integrated Rescue Operations). Depuis 2018, ce drone permet de mettre en relation un médecin et une personne proche d’une victime grâce à l’intermédiaire des lunettes de réalité augmentée. Le médecin pourra donner des directives en fonction des constats et le soignant aura les deux mains libres pour réaliser les actions nécessaires. Ce dispositif pourrait sauver la vie de nombreux sinistrés, et ne tend qu’à être amélioré, en témoignent le degré de perfectionnement des capteurs holographiques, et les améliorations en termes de portée et de capacité de transport des drones.
Health Integrated Rescue Operations
Des contraintes encore présentes qui ne devraient cependant pas ternir l’horizon de cette combinaison technologique
Nous pouvons entrevoir un avenir prospère à l’utilisation conjointe des deux technologies, mais des contraintes demeurent à l’heure actuelle. Aujourd’hui, cette approche technologique combinatoire reste malgré tout encore peu exploitée, intimement liée aux contraintes respectives des deux technologies.
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Des contraintes qui pèsent sur les drones…
Le marché du drone connaît de nombreuses difficultés, notamment dues aux limites techniques des aéronefs. En effet, l’autonomie de batterie est relativement limitée à l’heure actuelle, et peine à atteindre la demi-heure ce qui dénote avec l’autonomie d’un casque de réalité virtuelle (autour des 3h). De plus, la capacité de transport de reste toujours réduite et est étroitement corrélée à la durée d’autonomie (plus la charge à transporter est importante, moins le drone sera capable de rester en vol).
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…d’autres sur l’AR/VR…
Les casques, en particulier ceux de réalité augmentée dans l’industrie, sont généralement lourds, parfois bruyants à cause des ventilateurs qui régulent tant bien que mal la chaleur, et il est difficile de les concilier avec le port de lunettes à gros verres.
Sur la question technique, le tracking des points en réalité augmentée n’est pas encore fiable à l’heure actuelle, ce qui limite la sensation d’immersion et la pertinence des applications industrielles.
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… et sur leur développement conjoint
Le coût de la recherche demeure exorbitant pour développer et fiabiliser ces technologies. C’est ce que Sysveo, entreprise du sud-ouest de la France a pu découvrir en développant ses prototypes. Sysveo a développé un logiciel de modélisation 3D en temps réel, porté par un drone qui évolue sur un ouvrage et transmet en temps réel des images du chantier. Elles sont enrichies de données de plans, ce qui permet de visualiser l’ouvrage entièrement construit. En 2015, cette entreprise qui exploitait un brevet du Centre National d’étude spatiale (CNES) a dû l’être liquidée, affichant une rentabilité commerciale de – 107% (chiffres Infogreffe). La maîtrise des deux technologies et le développement de synergies est extrêmement coûteux pour les petites structures à l’heure actuelle.
- Mais ces contraintes tendent à s’estomper à mesure que le progrès technique évolue.
Outre le confort, la qualité visuelle s’améliore, le Eye Tracking permettant de concentrer les pixels à l’endroit où le porteur décide de regarder, garantissant une qualité supérieure au niveau du point fixé par l’œil. Les grandes innovations sont portées par les géants américains (Google, Facebook…), qui possèdent les fonds nécessaires à un développement technique rapide. Là où les petites structures ne réussissent pas à créer de la valeur, les entreprises à fort capital pourraient devenir la clé de développement des synergies multi technologiques. Les investissements records sur le marché permettent de concrétiser les applications et améliorer l’expérience d’immersion (investissements estimés à plus de 2,3 milliards en 2017 sur l’industrie dans sa globalité, principalement dans les secteurs vidéoludique et du cinéma). Le pari sur cette technologie pourrait porter ses fruits dans un futur proche et réduire la pénibilité de nombreux corps de métiers.
Cas d’usage AR/VR et drones