Dans un contexte de changement climatique mondial, le marché de l’automobile est aujourd’hui en plein virage technologique, avec une transition progressive des véhicules thermiques vers les véhicules électriques (VE). Considérée comme moins polluante, économique à l’utilisation, silencieuse et confortable à conduire, la voiture électrique est vue comme le moyen de transport le plus prometteur dans les années à venir. Les caractéristiques de la voiture électriques sont directement liées à la présence d’une batterie qui dans la plupart des cas, se trouve être une batterie lithium-ion. Mais comment se passe la fin de vie et le recyclage de ces batteries ? Pouvons-nous recycler 100 % de la batterie ? Y a-t-il des réglementations encadrant le recyclage de ces batteries ?
Pour répondre à ces questions, les consultants Wavestone ont interviewé Amaury GAILLIEZ, Battery Operations & Business Director de chez Renault.
1/ Panorama et évolutions des véhicules électriques chez Renault
Les véhicules électriques chez Renault
Le Groupe Renault, un des leaders du marché de l’automobile mondial, peut se vanter d’être en tête des ventes des véhicules électriques en Europe, en particulier grâce à la citadine
ZOE (31 302 ventes en 2017)[1]. Mais Renault propose également trois autres véhicules électriques en Europe. Au total, près de 180 000 véhicules électriques Renault sont actuellement en circulation, soit autant de batteries lithium-ion.
Lorsqu’un particulier ou une entreprise souhaite acquérir un véhicule électrique, ce dernier a le choix entre deux business model pour la batterie : l’acheter ou la louer ; sachant que le coût de la batterie représente environ 30% du prix total du véhicule. Ainsi lorsque le client choisi d’opter pour la location, il paiera non seulement le prix de son véhicule 30% moins cher, mais il aura également accès à des services supplémentaires dont notamment le remplacement de cette dernière si celle-ci atteignait une valeur inférieure à 75% de sa capacité initiale. Le coût de location de la batterie et de ses services associés pour une ZOE débute à 69€/mois (hors coût de l’électricité) pour parcourir 7500 km annuels.
Ce business model, propre au groupe Renault, doit être néanmoins pris en compte lors de la revente du véhicule, qui entraîne naturellement le transfert du contrat.
Évolutions des coûts et parts de marché des véhicules électriques
Concernant le prix des batteries, M. GAILLIEZ affirme que leur prix pourrait se stabiliser dans les prochaines années. De plus, le client bénéficiera d’une capacité de batterie augmentée. Ci-dessous un graphe représentant les projections de coûts d’un pack batterie à l’échelle mondiale.
Ci-dessous un graphe représentant la prévision d’évolution de la densité énergétique d’un pack de batterie.
Les prévisions du Groupe Renault concernant la part des véhicules électriques dans le monde seront de l’ordre de 10% en 2025. M.GAILLIEZ précise que les estimations pourraient être plus optimistes car d’ici 5 ans les véhicules électriques seront de plus en plus compétitifs par rapport aux véhicules thermiques (Coût d’Utilisation Global). Autant de batteries qu’il faudra recycler par la suite ou… utiliser en seconde vie ?
2/ Fin de la première vie et seconde vie des batteries des véhicules électriques chez Renault
Fin de la première vie
La batterie lithium-ion des véhicules électriques perd entre 1 et 2 % de capacité par an. Il est estimé que l’autonomie d’une batterie lithium-ion actuelle (41 KWh) n’est plus optimale lorsque la capacité de la batterie est inférieure à 75% de sa valeur initiale. Ainsi, au bout d’un certain nombre d’années (au-delà des 10 ans), il faut donc remplacer la batterie afin de garantir une utilisation optimale du véhicule. Mais que se passe-t-il pour ces batteries qui possèdent moins de 75% de leur capacité ? Peuvent-elles être réutilisées pour une seconde vie ? La réponse est oui, mais jusqu’à un seuil estimé à environ 50%. Dans le cas contraire, il n’est pas viable de donner une seconde vie à ces batteries, principalement en raison de leurs coûts de transport et de gestion, celles-ci sont alors directement recyclées (cf partie 3).
Seconde vie des batteries
A l’heure actuelle, le Groupe Renault compte près d’une centaine de batteries réutilisées en seconde vie. Ces batteries proviennent pour la majorité de véhicules ayant beaucoup roulés ou endommagés.
Renault participe à plusieurs projets autour de la seconde vie des batteries, pour différentes applications : stockage d’énergie pour des parcs d’énergies renouvelables (éolien ou solaire), gestion de la fréquence du réseau, stockage d’énergie pour répondre à des appels de puissance (en particulier pour les chargeurs de batteries des véhicules électriques sur les autoroutes), etc.
D’autres projets sont également à l’étude chez Renault, en particulier un projet permettant de récupérer les modules en bon état de certaines batteries afin de reconstruire une batterie d’occasion qui pourrait être mises à disposition pour des véhicules très anciens.
[Pour plus d’informations sur la seconde vie des batteries, rendez-vous sur le lien suivant ]
Lorsque la capacité d’une batterie usagée, en fin de première ou seconde vie, dépasse largement le seuil de -50 % de capacité, celle-ci est alors considérée comme « à recycler ».
3/ Recyclage de la batterie des véhicules électriques
Le Groupe Renault ne communique pas sur les coûts de recyclage de la batterie. Mais ce qui est certain, c’est que tous les constructeurs travaillent aujourd’hui pour optimiser leurs coûts.
Chez Renault, une batterie à recycler suit un processus de 3 étapes, dont les coûts sont répartis équitablement :
- Dés-incarcération (extraction de la batterie du véhicule électrique)
- Logistique (transport principalement)
- Recyclage
La dés-incarcération de la batterie, et surtout sa logistique, présentent des enjeux de sécurité : il faut emballer la batterie de 300 kg dans un container spécifique puis le placer un véhicule avec des normes et des règles de sécurité très strictes. Pour les batteries provenant d’un véhicules accidentées, les règles sont encore plus strictes.
Le Groupe Renault ne recycle pas lui-même ses batteries mais travaille directement avec des recycleurs, tels Veolia ou Recupyl, par exemple. Le leader de l’automobile électrique envoie ses batteries dans des centres de recyclage principalement en France.
Plus les recycleurs reçoivent de la matière (des batteries) et plus cela est rentable. On peut donc imaginer, lorsque la première vague des batteries des véhicules électriques aura atteint une dizaine d’années, que les coûts de recyclage par batterie diminuent. M. GAILLIEZ précise que, dans quelques années, si les coûts matière continuaient à augmenter, il se pourrait même que le recyclage soit une activité bénéficiaire.
Mais est-ce qu’un recycleur est en capacité de tout recycler ? La réponse est non. Aujourd’hui la loi impose au constructeur de recycler 50 % du poids de la batterie, ce qui est largement réalisable. M. GAILLIEZ précise que certains recycleurs recyclent déjà bien au-delà.
Aux Etats-Unis, certaines entreprises se vantent de pouvoir recycler 99 % de la batterie comme l’entreprise Johnson Controls qui, à partir de l’ancienne batterie, produit, entre autres, une nouvelle batterie.
Mais comment recycle-t-on une batterie lithium-ion ? Aujourd’hui, les batteries des véhicules électriques étant en majorité des batteries de type Lithium-Ion, les procédés de recyclage sont similaires.
Le projet Re-B-Live, qui fait partie du programme d’Investissements d’Avenir, lancé par l’État en décembre 2009, explique que le procédé de recyclage peut se faire selon les étapes suivantes :
- Décharge des batteries
- Démantèlement, permettant d’accéder aux modules et aux cellules
- Broyage des cellules
- Extraction chimique par un procédé hydro métallurgique des éléments contenus dans la batterie et dans les cellules
L’entreprise de recyclage SNAM a, quant à elle, donné naissance un procédé appelé « Prométhée » : Procédé de Recyclage Optimisé MEcanique Thermique Hydro métallurgique d’Éléments Électriques.
Récemment, des étudiants de l’université de la Michigan Technological University ont mis au point une technique de recyclage en reproduisant une ancienne technique de séparation des métaux utilisée dans l’industrie minière.
À terme, nous pouvons donc espérer un recyclage de 100% des composants des batteries. Cet objectif peut être réalisable si les constructeurs, les recycleurs et l’état travaillent main dans la main afin de rendre les véhicules électriques plus verts.
[1] AUTOPLUS, + 44% de ventes d’électriques en Europe en 2017 [En ligne]. Jean-Philippe Peden, 24/01/2018. Disponible sur : https://www.autoplus.fr/renault/zoe/actualite/Renault-Zoe-Electrique-Ventes-2017-Europe-1523955.html