Que retenir du Ministère Hulot ?

L’annonce de Nicolas Hulot, le 28 août 2018 sur France Inter, a surpris plus d’un curieux de la politique énergétique. Car, à son arrivée, l’ancien Ministre de la Transition écologique et solidaire s’est vu doté d’une feuille de route ambitieuse qui faisait écho à ses convictions personnelles tout en reprenant le programme politique d’Emmanuel Macron lors des présidentielles 2017. Le programme d’Emmanuel Macron a mis en avant de grandes idées environnementales tournées autour d’une énergie décarbonée pour la France et l’Europe, subventionnées par de grands plans de financement. Les idées phares étaient :

  • Doubler la capacité en éolien et en solaire photovoltaïque d’ici 2022 ;
  • Lancer un grand Plan de financement de 50 milliards d’euros sur 5 ans au service de la transition écologique, de la modernisation des services publics, etc. ;
  • Diviser les passoires thermiques par deux d’ici 2022 ;
  • Prendre des sanctions commerciales contre les pays européens qui ne respectent pas les clauses environnementales.

Le 8 novembre 2017, Sébastien Lecornu a présenté la feuille de route lors du Forum Energie Dauphine de l’ancien animateur d’Ushuaïa. A travers cet article, nous avons décidé de vous la résumer en 3 projets qui nous ont paru marquer la politique de l’ancien Ministre de la Transition écologique et solidaire.

 

Un Plan Climat pour donner une ligne claire à la politique énergétique française

Le 6 juillet 2017, suite à l’élection d’Emmanuel Macron et à son nouveau rôle de ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot présente l’ambitieux Plan Climat du Gouvernement. Divisé en de nombreux chantiers (amélioration du quotidien des Français, sobriété énergétique et neutralité carbone, mobilisation internationale sur le climat…), le Plan Climat a pour but de présenter l’ambition du Gouvernement de tendre vers un nouveau modèle énergétique plus prospère, vert, économe et décarboné. Nicolas Hulot a alors affirmé son ambition de changer l’orientation de la France en matière de transition énergétique.

En septembre 2017, il révèle les quatre premières mesures phares du Plan Climat regroupées dans le paquet solidarité climatique :

  • Prime à la conversion des véhicules : pour accélérer le renouvellement du parc automobile, plus respectueux de l’environnement, l’Etat met à disposition des primes à la conversion. Le 1 janvier 2018, la nouvelle prime à la conversion entre en vigueur. Pour un foyer non imposable, la prime s’élève à 2 000€ pour l’achat d’un véhicule électrique d’occasion ou d’un véhicule thermique neuf dont le taux d’émission de CO2 est inférieur ou égal à 130 g/km, 2 500€ pour un véhicule électrique neuf et 1 100€ pour l’achat d’un deux-roues ou trois-roues motorisés (ou quadricycle) électriques neufs. Pour un foyer un imposable, la prime s’élève à 1 000€, 2 500€ et 100€.
  • Chèques énergies : les tarifs sociaux de gaz et d’électricité (TPP et TSS) sont remplacés, depuis le 1 janvier 2018, par les chèques énergies. Ces derniers permettent d’aider les foyers les plus modestes (le revenu fiscal du ménage doit être inférieur à 7 700€ pour une personne, 16 170€ pour un couple avec 2 enfants…) à payer les factures d’énergie ou les dépenses liées à la rénovation énergétique du logement (exemple : volets isolants, chaudière à condensation…). Les chèques énergies ont été testés depuis 2016 dans 4 départements.
  • Crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) : CITE est un crédit sur le revenu suite à des dépenses en rénovation énergétique dans son habitation principale (achevée depuis plus de 2 ans).
  • Certificats d’économie d’énergie (CEE) : les fournisseurs d’énergie sont obligés de réaliser des économies d’énergie. Pour ce faire, les fournisseurs vont alors inciter ces économies auprès des consommateurs en promouvant l’efficacité énergétique, pouvant aussi se traduire par des aides aux financements de projets de rénovation énergétique. Le 1 janvier 2018 représente l’entrée dans la 4ème période d’obligation pour les fournisseurs qui durera 3 ans.

Mais le Plan Climat a des objectifs plus larges. Son troisième axe, la neutralité carbone, a été le leitmotiv du Ministre Nicolas Hulot. Cette volonté s’est rapidement concrétisée par une action forte, le projet de loi sur la fin de l’exploitation des hydrocarbures d’ici à 2040 votée après seulement 5 mois au poste de Ministre. Cette ligne se complète par un certain nombre d’annonces reflétant le travail du Ministère, à savoir la fin de la construction de nouvelles centrales thermiques (charbon, gaz, pétrole), la fin de l’exploitation du charbon dans la production d’énergie d’ici 2020, la fin des véhicules émettant des gaz à effet de serre à horizon 2040 et enfin tendre vers une production d’énergie décarbonée. La question du nucléaire est bien évidemment centrale dans le débat de mix décarboné, mais la question du gaz en tant qu’outil de transition est une piste qui a aussi été étudiée par le Gouvernement.

 

Un Plan Hydrogène pour développer la filière d’un gaz encore trop peu exploité

Le 6 juin 2018, Nicolas Hulot annonce sa volonté de soutenir la filière de l’hydrogène à travers un plan de déploiement. Il rappelle tout d’abord que la filière française de l’hydrogène est en avance par rapport aux autres pays. De plus, c’est un levier nécessaire pour arriver à atteindre les objectifs fixés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et la neutralité carbone horizon 2050. Enfin, l’hydrogène est complémentaire aux énergies renouvelables, en apportant une réponse à leur problème inhérent d’intermittence.

Le déploiement de l’hydrogène s’appuie sur trois axes, à savoir :

  • La production d’hydrogène par électrolyse pour l’industrie, phase d’amorçage du plan français qui se traduit par 10% d’hydrogène produit dans les usages industriels en 2023, 20% à 40% en 2028 ;
  • Une valorisation par des usages de la mobilité en complémentarité des filières batterie en accompagnant le développement de la filière automobile dans le développement de la gamme hydrogène, et en s’appuyant sur les territoires pour développer les infrastructures nécessaires (le plan hydrogène annonçait mi-2018 un cadre spécifique pour les stations-services distribuant de l’hydrogène pour mi-2018). Ces ambitions passent par des objectifs chiffrés sur l’introduction de la mobilité hydrogène, à savoir 5 000 véhicules utilitaires légers et 200 véhicules lourds, 100 stations à horizon 2023, et 20 000 à 50 000 véhicules utilitaires légers, 800 à 2 000 véhicules lourds, 400 à 1 000 stations à l’horizon 2028 ;
  • Un élément de stabilisation des réseaux énergétiques sur le moyen-long terme qui traduit le potentiel de stockage d’énergie de l’hydrogène et de son usage dans le Power-to-Gas. Notamment, le gouvernement mobilisera 100M€ pour financer les premières expérimentations autour des usages stationnaires, de la mobilité ou de l’industrie.

Transpirent de ce Plan Hydrogène – récemment mis en application – et de bien d’autres mesures du Gouvernement, une appétence et une croyance dans l’expérimentation locale. C’est non sans raison que le premier appel à projets a été lancé par François de Rugy le 19 octobre dernier. Les territoires jouent un rôle indéniable dans la transition énergétique, et pour s’inscrire dans la lignée pragmatique, qu’a toujours défendue le Gouvernement, Nicolas Hulot a mis en place un outil pour faciliter l’expérimentation territoriale.

 

EPCI & contrat de transition écologique : l’outil nécessaire d’expérimentation locale

Lors de son discours le 20 septembre 2017 à la Conférence des villes, Sébastien Lecornu, secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, annonce l’ambition du gouvernement de mettre en place des financements/outils auprès des collectivités/entreprises locales pour les accompagner dans leur projet écologique et de transition énergétique (contrat de transition écologique), et ainsi inclure le Plan Climat au niveau local. Pour ce faire, il annonce la mise en place de contrats de transition écologique, qui remplacent les appels à projet et ont l’avantage de s’adapter aux spécificités territoriales tout en demandant une obligation de résultats.

Les premiers visés par ces contrats sont les EPCI (Etablissement Public de Coordination Intercommunale), qui apparaissent comme le bon niveau d’intervention. C’est pourquoi, une expérimentation est prévue pour 2018 sur des EPCI, répartis à travers 20 territoires français.

L’objectif est de créer des bacs à sable réglementaires, à savoir, de fournir des contrats sur mesure qui permettront une transformation écologique personnalisée et adaptée dans les territoires, à travers 3 volets (accélérer l’action locale, impliquer les acteurs et accompagner les mutations professionnelles). Pour inclure les contrats dans une dynamique pérenne, la méthode appliquée est de dégager des objectifs chiffrés sur 3 ans en préparant les contrats pendant 3 mois qui auront des impacts sur 30 ans.

En juin 2018, déjà 5 contrats de transition écologique ont été signés engageant ainsi 5 premiers territoires (Communauté urbaine d’Arras, Département de la Corrèze, Territoire Côte Ouest de la Réunion entre autres). Parmi eux, le Département de la Corrèze a axé son contrat sur la “sobriété et efficacité énergétique, le développement de nouvelles mobilités plus propres, le développement écoresponsable des entreprises” ayant pour projet de développer une activité économique en autoconsommation collective, en développement un réseau électrique intelligent, en déployant une route 5ème génération (éclairage solaire…), en développant de la méthanisation…

Le travail inachevé reste la PPE, véritable feuille de route de la politique énergétique 2018-2028 que se devait de réviser Nicolas Hulot. Il avait toujours affirmé sa volonté d’appropriation des questions de la transition énergétique par les citoyens : c’est donc par une phase de débat public qu’ont commencé les réflexions autour de la nouvelle PPE (avec plus de 8 000 participants aux rencontres publiques et le G400). Le périmètre des débats a été très large et englobe des problématiques telles que le mix énergétique, la mobilité propre ou la sobriété. Bien que portée par Nicolas Hulot, la PPE, qui devait être présentée fin octobre, sera finalement présentée par François de Rugy en novembre. Notamment, elle devrait mettre en place des mesures annoncées lors des élections 2017, comme la trajectoire du nucléaire (une réduction de sa part de 75% à 50% avait été annoncée sans échéance dans le programme de campagne mais cet objectif pourrait bien être remis en cause), du solaire et de l’éolien (dont le doublement des capacités avait été annoncé lors de la campagne présidentielle).

Mais rappelons surtout la nécessité d’un cap clair, fiable pour les entreprises, qu’a souvent rappelé Nicolas Hulot. La PPE, régulièrement revue avec les acteurs privés, pourrait être ce cap coconstruit. Est-ce que François de Rugy continuera dans la lignée de Nicolas Hulot et signera à son tour ce pacte de confiance avec la société ou fera-t-il le choix de changer de sa feuille de route avec le pari de ne pas perdre la confiance des entreprises au tournant ?

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