Depuis 2015, la COP 21 a encouragé l’engagement de nombreux pays sur des objectifs de lutte contre le réchauffement climatique. Cependant certains objectifs seraient déjà trop ambitieux. Deux articles scientifiques parus en 2018 pointent du doigt l’énergie au charbon qui, à elle seule, met à mal l’accord de Paris. Si les pays ne prennent pas des mesures de restriction, l’objectif des 2°C ne sera pas tenu.
Entre engagements environnementaux et lutte contre la précarité énergétique, une fracture s’opère entre les pays qui font le choix de le conserver – voire de le développer – et ceux qui s’en détournent.
Le charbon est-il vraiment une énergie du passé ? Quelles sont les perspectives pour cette énergie ?
Le charbon, une addiction malsaine
Le charbon est largement décrié depuis plusieurs années du fait de son impact environnemental et sanitaire désastreux.
Cette ressource est abondante et bénéficie, à la différence du pétrole, d’une répartition géographique équilibrée.
Pourtant, le charbon est une énergie très inégalement utilisée. Quelle est la situation actuelle ?
Le déclin se fait attendre
Après une explosion de la demande mondiale entre 2000 et 2013, le marché du charbon poursuit une dynamique de réduction. L’année 2017 a ensuite fait mentir cette tendance en particulier aux Etats-Unis.
Conséquence de la politique pro-charbon de Donald Trump ou conjoncture du marché ?
La production de charbon est majoritairement localisée dans la zone Asie Pacifique.
Aux Etats-Unis, la production repart pour la première fois à la hausse depuis 2008. Cet été 2018, le président Trump est revenu sur les mesures du Clean Power Plan adoptées par l’administration Obama. Cependant, même si cette nouvelle politique devrait avoir un effet limité (étude IFRI 2018), c’est un message très négatif qui est envoyé par les Etats-Unis.
Finalement, parmi les dix plus importants producteurs de charbon, seules la Pologne et l’Allemagne poursuivent la baisse de leur production. Parallèlement, l’exportation de tous les types de charbon augmente, majoritairement consommés par l’Asie Pacifique.
Cette reprise scinde le monde en deux. Les pays de l’OCDE dont la consommation baisse globalement et les autres pays du monde qui maintiennent leur dépendance au charbon.
Un« marché noir » du charbon
Pourquoi le sujet du charbon est-il encore délicat ? Qu’est-ce qui freine la sortie du charbon ?
/ Une volonté de façade de se désengager du charbon ?
La Powering Past Coal Alliance a vu le jour en 2017 menée par le Royaume-Uni et le Canada. Cette alliance rassemble plus de 25 pays et une trentaine d’entreprises et d’organisations autour de la volonté d’accélérer la transition énergétique et notamment d’agir pour la fermeture des centrales traditionnelles au charbon.
Ces bonnes intentions sont-elles uniquement un pâle vernis dont il est de bon ton de se couvrir ?
Récemment, l’homme d’affaires tchèque Daniel Kretinsky président de EPH a été pointé du doigt. Il a multiplié les rachats de centrales au charbon, par exemple les centrales de l’électricien Suédois Vattenfall en 2016. En effet, certaines entreprises d’extraction ou de production d’électricité engagées à réduire leur empreinte carbone choisissent de revendre leurs actifs. Ces actifs sont rachetés à bas coût. Les nouveaux propriétaires prolongent alors la durée de vie des centrales afin d’amortir leur coût de rachat. Enfin, ces centrales revendues sont souvent les plus anciennes et les plus polluantes.
Est-il encore rentable d’investir dans le charbon ?
/ Un intérêt controversé
Le charbon possède de nombreux avantages ; il est facile à transporter, facile à stocker et son prix d’exportation est relativement bas. Pourtant en 2017, les prix du charbon remontent.
Depuis quelques années, les centrales font globalement face à une baisse de demande et une compétition de plus en plus rude avec les autres types d’énergie. Cela a pour conséquence une faillite régulière des producteurs de charbon. Cette tendance a été particulièrement visible aux Etats-Unis. Depuis 2012, plus de 50 producteurs de charbon américains se sont déclarés en faillite. Cette tendance est globalement visible pour les pays de l’OCDE du fait des taxes carbones qui accompagnent les politiques de décarbonisation.
En 2017, le prix du charbon est pourtant reparti à la hausse générant une augmentation des bénéfices au profit des entreprises minières. Les importations de la Chine ainsi que la réduction de l’offre sont la cause de cette augmentation de prix. Cependant, il semble peu probable que la légère hausse des prix de 2017 inverse la tendance de fermeture progressive des entreprises de production de charbon.
Enfin, la compétitivité des autres énergies augmente. Une étude de 2018 publiée par Lazard dresse l’état des lieux de la compétitivité des énergies renouvelables par rapport à l’électricité produite au charbon aux Etats-Unis. Selon cette étude, fermer les centrales à charbon pour les remplacer par des énergies renouvelables peut générer un gain économique pour l’entreprise comme pour les consommateurs.
Qu’en est-il de la demande en énergie ?
/ Croissance démographique et investissement dans le renouvelable
Le fort intérêt du charbon dans les pays d’Asie Pacifique est directement lié à leur croissance. La demande en électricité est importante et les gouvernements doivent répondre à cette demande. Le charbon joue alors un rôle vital notamment contre la précarité électrique.
Confirmant ce besoin en électricité, le parc de centrales électriques à charbon est jeune et essentiellement localisé en Chine et en Inde. Par ailleurs, de nombreuses constructions sont à l’étude dont les deux-tiers seraient de même localisés entre la Chine et l’Inde . Des projets sont aussi à l’étude en Afrique.
En Chine et en Inde, la demande croissante en énergie et en particulier en électricité incitent les décideurs à investir sur tous les fronts. Ces pays poursuivent ainsi des investissements massifs dans les énergies renouvelables ou encore dans le nucléaire, énergie décarbonée. Ces efforts contribuent à la fois à amorcer leur transition énergétique et à subvenir à leurs besoins croissants en électricité.
Malgré cet engouement réel vers les énergies décarbonées et le refus du charbon, un problème subsiste. Une suppression totale des centrales à charbon semble compromise. Le charbon est une énergie fiable qui pallie ponctuellement les imprévus énergétiques. Cette question demeure à l’Est comme à Ouest, membre de l’OCDE ou non. Le charbon permet notamment de compenser les pics de demandes hivernales, de pallier l’arrêt forcé d’un générateur d’électricité ou encore de rattraper les aléas des énergies intermittentes. De ce fait, en France, le calendrier de fermeture du parc de centrales au charbon a dû être retardé pour cette raison.
Les perspectives
La fin du charbon est annoncée, elle est aussi espérée par de nombreux pays. Mais à ce jour, il semble plus rationnel de parler de diminution plutôt que d’un futur abandon définitif.
Selon l’IEA, le charbon devrait encore assurer 26 % de l’énergie primaire utilisée en 2022. L’IEA prévoit une diminution de la consommation en Europe, en Chine et aux Etats-Unis, mais cette diminution sera compensée par l’augmentation de la consommation en Inde et en Asie du sud-est.
Sources :
- World energy balances : overview, IEA 2018
- World energy outlook : executive summary, IEA 2018
- CO2 Emissions from Fuel Combustion 2018, IEA 2018
- Coal Information : overview, IEA 2018
- BP Statistical Review of World Energy 2018, BP 2018
- Coal exit or coal expansion, a review of market trends and policies in 2017, Sylvie CORNOT-GANDOLPHE 2017