Pour donner suite au plan « Place au soleil » annoncé par le secrétaire d’Etat Sébastien Lecornu en décembre 2017, le bureau d’étude solaire Tecsol a organisé la 3ème édition de la conférence « Autoconsommation, stockage et mobilité électrique : la nouvelle équation solaire » le 5 Juillet dernier.
Les consultants du blog EnergyStream ont ainsi eu le plaisir de participer à cette conférence et d’aborder 2 sujets clés de l’actualité énergétique :
- Pertinence du stockage couplé à l’autoconsommation photovoltaïque ?
- Les interfaces entre véhicule électrique et autoconsommation
À la suite de notre analyse des freins et leviers au développement de l’autoconsommation, nous vous proposons un retour sur le second volet de cette conférence.
La dynamique de transition du véhicule à énergie fossile au véhicule électrique fait se questionner sur la résilience du réseau électrique et sa capacité à gérer les impacts du déploiement des bornes de recharge. Et pour cause, les chiffres font parler d’eux même : un déploiement de 7 millions de bornes de recharge est attendu avec en parallèle une augmentation de 7 à 34 TWh de consommation supplémentaire sur le réseau français d’ici 2030. Dès lors, dans quelle mesure la batterie des véhicules électriques peut-elle permettre de soulager le réseau en stockant l’énergie à l’échelle locale ? Le développement des véhicules électriques représente-il une menace ou une opportunité pour la stabilité du réseau ? Lors de cette conférence, la CRE et Enedis ont partagé leurs points de vue sur l’intégration de la mobilité dans le monde de l’électricité.
Intervenants | Entreprise | Fonction |
Didier Lafaille | CRE | Conseiller du Président de la CRE |
Frédéric Letty | Enedis | Consultant senior smart grids au sein du programme DSO de la Direction Nationale |
Edouard Céreuil | Morbihan Energie | Responsable du service Energie |
Philippe Vangeel | AVERE | Secrétaire général |
Christophe Bourgueil | Eaton | Business development manager |
La CRE inquiète du développement des véhicules électriques en France
Didier Lafaille annonce une réelle inquiétude quant au déploiement des véhicules électriques sur le réseau. Les enjeux évoqués ne sont pas des enjeux d’énergie mais de puissance. En effet la difficulté se trouve dans la capacité de production à un instant précis face à l’augmentation de consommation d’électricité provenant de la recharge des véhicules. Les véhicules électriques risquent ainsi d’accroître la demande électrique en heure de pointe et le réseau n’est pas dimensionné pour cela.
La condition qui permettrait la bonne intégration des recharges sur le réseau serait que les périodes de chargement se déroulent la nuit en heure creuse et/ou lors des périodes de forte production en énergies renouvelables. La première courbe explique bien le risque de surconsommation électrique en heure de pointe (entre 18h et 20h) par l’ajout de recharge de véhicule électrique à horizon 2025. Les recommandations sont donc de décaler la phase de recharge pendant la nuit comme on peut le constater sur la seconde courbe du schéma.
Source : Enedis
Par ailleurs, le cas particulier des recharges rapides (mode de charge à « gros débit » permettant de réduire considérablement le temps de charge) sur autoroute est aussi sujet d’inquiétude.
Face à ces inquiétudes, l’optimisme d’Enedis
Contrairement à Didier Lafaille, Frédéric Letty définit l’arrivée de la mobilité électrique comme de nouvelles opportunités pour le réseau local. En effet, la batterie du véhicule électrique connectée au réseau représente une capacité de stockage et donc une flexibilité à l’échelle locale pour horizon 2035. Enedis souhaite exploiter le surplus d’électricité contenu dans ces batteries ce qui permettrait de soulager le réseau à certaines périodes (en cas de pic de consommation notamment) en évitant les appels de puissance.
Le gestionnaire de réseau de distribution accompagne les projets d’infrastructures de recharge sur la dimension du raccordement des bornes de recharge et leur approvisionnement en électricité. Des échanges réguliers ont lieu avec les acteurs du secteur. Par exemple, Enedis coordonne le projet bienVEnu afin d’expérimenter des solutions de raccordemment des bornes de recharge dans les quartiers. Le consortium de partenaires regroupe CentraleSupélec, G2, Mobility, MOPeasy, Nexans, Park’N’Plug, Tetragora, Trialog.
Des mesures réglementaires sensiblement attendues
En avril dernier, la CRE a organisé son 29ème forum Smart grids portant sur le « véhicule électrique », il était temps de tirer un premier bilan sur l’évolution de la mobilité. Trois ateliers de travail ont été mis en place portant sur les thèmes suivants : « le raccordement », « les réseaux et marchés » et « la mobilité propre au-delà du véhicule électrique ». Les principaux acteurs de la mobilité en France ont été conviés pour identifier les freins au développement du véhicule électrique pour grand public.
A titre d’illustration, la chaine de valeur de la mobilité électrique comporte de nouveaux acteurs :
Le lancement d’une consultation publique sur le véhicule électrique a eu lieu en juillet dernier. Par continuité, une délibération de la CRE à propos de la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) a été publiée en septembre pour un passage au Parlement sous peu permettant d’identifier de nombreux freins à lever pour que les projets puissent voir le jour avec succès.
A l’heure actuelle, la maturité de la mise à disposition des batteries de véhicules électriques au gestionnaire de réseau est encore à un stade prospectif. Le niveau des différents services sera fonction de l’intégration du véhicule électrique dans l’infrastructure du réseau. Le potentiel est aujourd’hui en cours de réflexion. Quatre cas d’usage ont néanmoins été identifiés quant à cette valorisation de la batterie sur le réseau :
Les dispositifs ne sont pas définis dans les lois européennes sur la mobilité électrique posant la question de ce qui va être imposé en termes de schéma technique pour ne pas impacter la stabilité du réseau ainsi que de la faisabilité économique pour l’ensemble des parties prenantes (constructeurs automobiles, gestionnaires du réseau, agrégateurs et client final).
Néanmoins, plusieurs points d’attention ont été mis en évidence par la CRE pouvant être abordés lors de ses prochaines délibérations :
- Les coûts de raccordement des points de recharge
- Le pilotage de la recharge (Smart charging)
- La qualification juridique de l’activité de recharge des véhicules électriques : doit-on la considérer comme activité de service comme l’ensemble des électroménagers ou comme une activité de recharge nécessitant l’obtention d’un fournisseur d’électricité attitré ? Il est probable que dans la loi LOM l’activité de service soit retenue afin de faciliter le développement du véhicule électrique
- La certification du comptage embarqué dans le véhicule : il serait plus habile de récupérer le comptage par les constructeurs automobiles et non un comptage par les nouveaux compteurs Linky directement connectés à la charge du véhicule
- La recharge à partir de la production d’énergies renouvelables : elle nécessiterait d’avoir de la traçabilité sur l’énergie produite et consommée
- La gestion des données des utilisateurs : à l’heure actuelle, il est difficile de savoir s’il est judicieux pour Enedis de développer les systèmes d’autoproduction/autoconsommation à l’échelle locale. En effet, cela nécessite d’exploiter des données à une maille plus réduite pour le gestionnaire de distribution cependant il est encore difficile de traiter ce genre de données de manière pertinente. Ces enjeux font partie de ceux traités par le déploiement des compteurs Linky.
- Le statut du véhicule électrique : si le véhicule est considéré comme un producteur il est nécessaire actuellement de le déclarer au gestionnaire de réseau et faire une procédure de découplage
Toute la filière est donc tournée vers les mesures à venir autour de la recharge du véhicule électrique sur le réseau : qu’ils soient énergéticiens, fournisseurs de solutions d’autoconsommation ou d’infrastructures de recharge électriques, acteurs de l’immobilier ou même clients finaux, tous suivent l’arrivée de la loi LOM de très près.