L’actualité ne laisse plus de place au doute ! Avec les accords de Paris de 2016, le Plan Climat de 2017 ou encore la décision de la PPE de multiplier les infrastructures dédiées à la recharge et à l’utilisation des véhicules électriques (VE) d’ici 2023, la transition vers de nouvelles formes de mobilités plus propres et respectueuses de l’environnement semble imminente. Mais quelles innovations permettront d’accélérer cette transition ?
Pour tenter de répondre à cette question, Clément LE ROY (Wavestone), Thomas Chrétien (Nissan), Sylvain Demoures (SNPAA), Hervé Rivoalen (EDF), Vincent Rousseau, (GRTGaz) et Thomas Veyrenc (RTE) étaient présents au débat BIP Enerpresse, le 19 mars, afin d’échanger sur les solutions pour accélérer la mobilité verte.
La mobilité électrique au cœur de l’actualité
En introduction, Clément Le Roy, Senior Manager chez Wavestone, souligne que la mobilité électrique est présente partout autour de nous. En mars, un véhicule électrique a remporté le Trophée Andros au stade de France aux dépens du véhicule thermique. Les plans de la RATP pour les bus de 2025 n’ont plus de place que pour l’électrique et le biogaz. Enfin, le déploiement de la Formule E montre le basculement des courses de Formule 1 vers l’électrique. Toutefois même si la progression de la mobilité électrique est incontestable, son poids réel est encore très faible au sein du parc français (32 millions de véhicules) avec 30 000 VE mis sur le marché en 2018.
Par ailleurs, il faut faire attention à ce que l’on qualifie de « vert ». L’appellation marketing pourrait se retourner contre la cause qu’elle prétend défendre en valorisant des produits sans évaluation préalable de leur cycle de vie ou de l’impact de leur commercialisation.
Potentiel et acteurs de la mobilité verte
La pression commerciale vers le véhicule lourd « vert »
Il est intéressant de segmenter l’étude du passage vers la mobilité verte en séparant les véhicules légers des véhicules lourds. En France, les véhicules lourds présentent un important potentiel de réduction des émissions de CO2. 600 000 poids lourds génèrent 25% des émissions contre 35% pour les 32 millions de véhicules légers. Ce potentiel est amplifié par le renouvellement plus régulier de la flotte de véhicules lourds qui, roulant plus de kilomètres, doivent être changés tous les quatre ou cinq ans.
Les véhicules lourds sont principalement en contrats B2B ce qui présente plus d’enjeux en matière de transition au vert. Pour les groupes comme Carrefour, IKEA ou Casino qui proposent, des services de livraison, l’enjeu est d’améliorer leur image et leur politique RSE. De plus, pour des raisons de santé publique, l’accès aux centres-villes risque d’être limité pour les véhicules polluants ce qui constitue une menace pour l’approvisionnement de certains points de vente. Ainsi, comme nous l’explique Vincent Rousseau, directeur de projet mobilité chez GRTGaz, la flotte de véhicules lourds du transporteur initie un passage au vert sous la pression de ses partenaires.
Malgré un engagement des acteurs, des réserves subsistent
Sur le marché des véhicules, les professionnels émettent plusieurs réserves quant au passage à la mobilité verte. Si les assureurs proposent de nombreux bonus pour valoriser les véhicules propres, l’absence de bruit généré par ces véhicules accroîtrait les risques corporels et donc le nombre de dédommagement à verser. Autre exemple, les sociétés de leasing (réunissant trois parties : un établissement de financement, un utilisateur et un loueur de matériel dans un même contrat) souhaitent encourager cette transition mais doivent supporter des prix de véhicule élevés et manquent de visibilité sur la valeur résiduelle du bien en fin de contrat, notamment en raison des batteries.
« En off, on a des sons de cloche un peu dissonants ». Clément Le Roy
Le grand public, lui aussi émet quelques réserves. Comment les systèmes de distribution d’électricité vont-ils réagir face à la nouvelle demande ? Le risque d’un blackout du système de distribution d’électricité est-il envisageable ?
Thomas Veyrenc, directeur Stratégie et Prospectives chez RTE, se dit confiant. « Les millions de véhicules électriques attendus correspondront environ à 40 térawatts heure d’électricité. Il s’agit d’un volume qu’on a l’habitude de traiter. Dix ans semblent suffisants pour s’adapter à ce nouvel usage de l’électricité. »
Le véhicule vert : plusieurs étapes vers la démocratisation
Dans un premier temps, la pédagogie vise à informer les consommateurs sur les coûts et les modalités de conversion et à lever la peur de l’inconnu : ainsi si le consommateur sait quel est son budget véhicule-essence, pour l’électrique il peut manquer d’informations. Ces obstacles s’expliquent certainement par les habitudes de conduite : quatre conducteurs sur cinq n’étant jamais montés dans un véhicule électrique.
La pédagogie, nous dit Clément Le Roy, vise également à sensibiliser sur façon d’utiliser les moyens transport de manière raisonnée afin de réduire son impact carbone et de respecter l’environnement : « La meilleure mobilité, c’est celle qu’on ne fait pas ».
Des leviers aux mains des énergéticiens et constructeurs
EDF, à travers son Plan Mobilité Electrique lancé en 2018, affirme sa mobilisation pour le développement de la mobilité électrique et souhaite accompagner ses clients dans cette transition. L’énergéticien pratique, par exemple, une politique de tarif réduit sur les offres de fourniture. Ainsi, les consommateurs peuvent recharger leur véhicule 50% moins cher durant les périodes de basse consommation. Enfin, pour ne pas devenir un « cordonnier mal chaussé », le groupe va convertir la totalité de sa flotte de véhicules (30 000 véhicules légers) en véhicules électriques d’ici 2030.
« La transformation passe par l’exemplarité » Hervé Rivoalen
En ce qui concerne l’industrie automobile, Nissan adopte une stratégie qui repose sur le choix de l’électrique. Le constructeur souhaite anticiper les contraintes d’émissions de CO2 de 95 grammes par véhicule en moyenne en 2020 au niveau européen. La Nissan Leaf est la voiture électrique la plus vendue au monde.
En plus de prévenir des futures restrictions règlementaires, le véhicule électrique présente de nombreux avantages :
Cependant, comme nous l’explique Thomas Chrétien, le véhicule électrique n’est qu’une partie du service de mobilité verte. Nissan souhaite développer tout un écosystème autour du véhicule. Le groupe a l’intention de revaloriser les batteries en seconde vie mais aussi de fournir un réel service de recharge du véhicule.
Conditions actuelles du besoin en recharge des automobilistes français.
Le constructeurs crée un véritable écosystème qui incite à la transition à l’électrique par l’accessibilité et la facilité d’usage à travers des solutions de recharge rapide, des moyens d’étaler la pointe de consommation, et la création de plus de 350 bornes de recharge rapide en France (gratuites pour les utilisateurs de Nissan et accessibles pour tout véhicule compatible).
Les systèmes de recharge des véhicules électriques peuvent être classés selon leur dégré d’intelligence, et permettent à termes des gains énergétiques :
La « mobilité verte » n’est pas qu’électrique
Sylvain Demoures, secrétaire général du Syndicat National des Producteurs d’Alcool Agricole, nous rappelle que derrière « vert » se cachent également les carburants propres tels que l’Ethanol 85. La commercialisation de cette molécule d’alcool renforce la compétitivité de la France. Le pays en détient le quart de la production Européenne. De plus, la production Française est basée sur le blé et la betterave alors que la controverse sur l’éthanol porte principalement sur le palmier à huile.
L’éthanol est d’autant plus efficace au niveau énergétique qu’il est utilisé dans un véhicule hybride. D’après une étude du constructeur américain Ford, citée par Monsieur Demoures, les consommateurs voient un développement de véhicules propulsés avec de l’éthanol à 45% à l’éthanol et 33% sous forme hybrides.
Autre que l’éthanol, le gaz présente lui aussi un certain nombre d’avantages comme nous le dit Vincent Rousseau (Directeur de projet mobilité chez GRTGaz) :
*L’investissement dans les stations de Gaz pour poids lourds en France a permis de construire une filière d’excellence « véhicules lourds ». Cette filière génère un potentiel d’emplois relais de ceux détruits par la baisse du diesel.
Le grand public connait et accepte encore trop peu ces nouvelles « mobilités vertes ». La flotte de véhicules « verts » est négligeable face à la totalité du parc français. Cependant, le contexte politique et environnemental nous entraîne incontestablement vers ces nouvelles alternatives. Les pressions législatives et environnementales incitent les grands acteurs à s’engager dans ce changement. Les constructeurs automobiles, les fournisseurs d’énergie, la grande distribution ou les compagnies d’assurance sont les premiers à s’investir et à porter la transition vers de nouveaux modes de déplacement. Qui sait, demain les partisans du moteur thermique verront peut-être leur engouement refroidit par la multitude de choix et l’attractivité de la mobilité verte.