Début février, EDF, Thalès et Total ont annoncé la création d’un laboratoire de recherche dédié au développement de l’Intelligence Artificielle (IA). Loin d’être un cas isolé, les acteurs historiques de l’énergie ont de plus en plus recours aux partenariats technologiques autour de l’IA. Ces annonces régulières nous rappellent que, comme toutes nouvelles technologies, le développement de l’IA est loin d’être une tâche aisée.
En effet, en dehors de quelques cas d’usage déjà éprouvés, il peut être difficile pour un acteur historique de l’énergie d’imaginer dans quels cas l’IA à un véritable intérêt. Cette difficulté devient encore plus grande lorsqu’il s’agit de créer en interne une solution basée sur cette technologie. Les entreprises qui ont fait le choix de ne pas solliciter l’écosystème de l’IA risquent aussi de dépenser de précieuses ressources pour développer une solution déjà existante.
C’est pour surmonter ces obstacles que nous voyons apparaître de plus en plus de partenariats entre industriels et acteurs de l’IA. Ces partenariats permettent aux entreprises de s’appuyer sur un savoir-faire technologique pour développer rapidement des solutions personnalisées. Les acteurs de l’IA y voient quant à eux un fort levier de croissance, débouchant souvent sur des contrats de long terme.
Trois grands types de partenariats semblent émerger ces derniers mois, tous caractérisés par l’acteur de l’IA sollicité :
- Les entreprises historiques de la Silicon Valley
- Les jeunes startups
- Le monde de la recherche.
Un ultime paragraphe abordera un nouveau type d’alliance technologique, sans doute amené à se multiplier dans les mois à venir, comme le montre le tout nouveau laboratoire IA ouvert par EDF, Thales et Total. Tour d’horizon de ces différentes typologies de partenariats et leurs avantages et inconvénients.
Les valeurs sures
Quand on parle d’IA, il y a des entreprises que l’on ne peut tout simplement pas ignorer : Google, Facebook, Microsoft, etc. Les GAFAM et autres mastodontes de la Silicon Valley se positionnent aujourd’hui en tête de l’expertise IA. C’est donc tout naturellement que les acteurs de l’énergie se tournent vers ces figures rassurantes.
Ce type de partenariat offre un avantage certain : c’est l’assurance de développer une solution rapidement, sans être freiné par les capacités limitées d’une entreprise moins grande. Ces sociétés disposent aussi de solutions matures, potentiellement déjà éprouvées dans d’autres secteurs, et peuvent compter sur les meilleurs ingénieurs de l’IA.
Il n’est cependant pas exempt de risques. En optant pour ce choix, une entreprise peut perdre le contrôle de ses données et par la même occasion d’une partie de l’expertise métier qui constitue la clé de voûte de son activité (cf. Cloud Act aux Etats-Unis). Elle participe aussi au développement de technologies qui pourront potentiellement être réutilisées chez la concurrence, réduisant l’avantage stratégique tout juste créé.
Le sang neuf
A l’inverse, d’autres choisissent plutôt de s’allier à des startups, y voyant le moyen de garder plus de contrôle sur les technologies développées. L’avantage, c’est que ces jeunes entreprises ont suffisamment de flexibilité pour s’adapter aux use cases de leurs partenaires. Elles ont également une meilleure connaissance du secteur puisqu’en général elles naissent pour répondre à un problème métier bien spécifique.
Mais leurs petites tailles et leurs manques d’expérience peuvent être à l’origine de nombreuses difficultés. Elles disposent en général de ressources limitées, ce qui peut ralentir leurs avancées. Le manque de maturité de leurs solutions et de leurs process peut aussi être source d’irritants pour les entreprises qui se lient à eux. En cas de croissance, la startup pourrait réutiliser les données et outils pour d’autres clients. En cas d’échec, ce sont les efforts financiers déployés qui pourraient être réduits à néant.
Les scientifiques
Et si au lieu de se tourner vers des professionnels, on demandait plutôt de l’aide aux chercheurs ou aux universitaires ?
C’est le choix privilégié par certains acteurs qui se tournent vers des universités ou des laboratoires de recherche. Cet écosystème est d’ailleurs une référence en matière d’IA : le CNRS est par exemple l’organisme européen ayant publié le plus d’articles sur l’IA en Europe depuis 1960.
Ces partenariats permettent aux énergéticiens de faire avancer la recherche dans le sens de leurs besoins au lieu de s’adapter à ce qui est disponible sur le marché. C’est aussi un excellent moyen pour développer en interne une expertise IA ou de recruter de précieux collaborateurs.
Cependant, il s’agit d’un investissement de long terme. La plupart des travaux de recherche n’aboutissant pas sur une solution industriellement viable avant des années.
Vers un nouveau type d’alliance technologique ?
Nous ne pouvions pas conclure cet article sans évoquer un autre type de partenariat : celui entre deux entreprises d’un même secteur. En mutualisant les financements, mais aussi leurs données, une alliance technologique de ce genre pourrait garantir à ces entreprises une avance non négligeable sur leurs autres concurrents. Il est alors possible de développer une solution plus rapidement et de s’assurer un volume suffisant de données pour les phases d’apprentissage des algorithmes.
Ce nouveau genre de partenariat pose bien entendu de sérieux problèmes de gouvernance des données et nécessite de longues phases de négociation tant cet enjeu est important.
Si tous ces partenariats sont sans doute amenés à se multiplier dans les années à venir, ils soulèvent quelques grandes questions comme celle de la gouvernance des données ou de la dépendance à un autre acteur. C’est pourquoi ce genre de choix ne doit pas être fait à la légère et nécessite une bonne connaissance des nombreux écueils à éviter si l’on souhaite maximiser les chances de développer une solution à la fois performante et pérenne.
Sources :
Les 30 organismes qui ont déposé le plus de brevets en intelligence artificielle