A l’issue de l’élection européenne de 2019, la désignation de Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne constitue l’avènement d’un nouveau projet pour l’Europe. Promis lors de son discours devant le Parlement européen puis présenté le 11 décembre 2019, 10 jours après sa prise de fonction, le pacte vert constitue le fil rouge du programme politique de la Commission nouvellement élue. Ce programme de 1 000 milliards d’euros doit rendre l’économie européenne durable et faire de l’Europe le « premier continent neutre en carbone » d’ici 2050.
L’ambition du Pacte vert se résume en trois objectifs écologiques et sociaux :
– Pas d’émissions nettes de gaz à effet de serre (GES) en 2050
– Dissociation du PIB et de l’utilisation des ressources
– Solidarité européenne par l’inclusion de toutes les régions et toutes les personnes de l’Union
Pour apporter une réponse aux enjeux environnementaux, le pacte vert adopte une approche holistique et vise une transition sociétale. C’est donc à travers un ensemble de politiques dont la plupart restent encore à construire en 2021 que va se décliner cette stratégie.
Il décrit comment transformer notre mode de vie et notre façon de travailler, de produire et de consommer afin de vivre en meilleure santé et de rendre nos entreprises innovantes. – (Ursula von der Leyen – Présidente de la Commission européenne)
Une ambition climatique
Pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, la présidente de la Commission a annoncé dans son premier discours sur l’état de l’Union un jalon ambitieux d’une réduction de 55% des GES par rapport à 1990 pour 2030. La politique de transition combine à ces objectifs d’atténuation du changement climatique, des mesures d’adaptation à ses effets. L’adaptation consiste à limiter les impacts négatifs du changement climatique, par exemple en végétalisant les villes pour les adapter à l’augmentation des températures et aux pics de fortes chaleurs.
Au regard de l’aspect global de la question climatique, en cas d’engagements étrangers insuffisants la Commission prévoit un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières à horizon 2021 afin de lutter contre le risque de fuite de carbone.
Le suivi de cette trajectoire en matière de réduction des émissions et d’adaptation sera contrôlé par l’évaluation tous les 5 ans à compter de 2023 des progrès et de la cohérence des mesures européennes et nationales.
Une énergie propre et une mobilité durable
Le transport et l’industrie de l’énergie représentent à eux seuls la moitié des émissions de GES au sein de l’Union européenne.
Pour décarboner l’industrie de l’énergie, la Commission soutiendra le développement des énergies renouvelables et l’abandon rapide des énergies fossiles via les plans nationaux. L’éolien en mer, à fort potentiel, est amené à prendre une place croissante dans le mix énergétique. Afin de gérer son intermittence, la croissance des énergies renouvelables sera accompagnée par des investissement dans des interconnexions transfrontalières et des réseaux intelligents.
Pour décarboner la consommation, le fonds pour l’innovation alimenté par le système de quotas carbone permettra de soutenir des projets de grande envergure de décarbonation et de modernisation des industries à forte intensité énergétique telles que la sidérurgie ou le ciment.
L’efficacité énergétique de la consommation continuera quant à elle à être développée grâce à des mécanismes d’aide à la rénovation des bâtiments (les certificats d’économie d’énergie en France) ; dispositifs qui concourent dans le même temps à la lutte contre la précarité énergétique et répondent à un objectif de solidarité. L’utilisation de l’énergie dans le transport représente une part majeure (21,7%) et croissante des émissions de GES en Europe. Pour réduire ces émissions de 90% (par rapport à 1990) d’ici 2050, tous les secteurs seront mis à contribution et les habitudes devront changer.
Pour un transport énergétiquement efficace, la Commission prévoit d’indexer le prix des modes de transport sur leurs incidences sur l’environnement et la santé. Pour cela les subventions dédiées aux modes de transport par énergie fossile devraient être supprimées et les quotas carbone devraient intégrer le secteur maritime et être plus contraignants pour les compagnies aériennes. Les normes sur les émissions devraient aussi être renforcées.
En parallèle, l’efficacité et la capacité du rail et du fluvial devraient être accrues pour y déplacer la majorité du fret routier. Plus d’un million de stations publiques de recharge seront déployées pour accompagner l’accroissement du nombre des véhicules électriques et hybrides.
Une économie propre et circulaire
Outre les émissions de GES, le pacte vert s’attaque aussi à la consommation de ressources naturelles dont l’extraction a été multipliée par trois depuis les années 70 à l’échelle mondiale, alors que seuls 12% des matériaux sont issus du recyclage.
Un plan d’action est donc prévu pour promouvoir l’éco-conception, la durabilité et la réparabilité des produits des secteurs à forte intensité de ressources comme le textile, la construction, l’électronique ou encore la plasturgie. La réglementation doit aussi évoluer pour réduire les produits à usage unique, les emballages et les microplastiques.
En complément, la mise en place d’un modèle de collecte sélective et d’étiquetage européen, l’augmentation des obligations de teneur en matière recyclée et le potentiel élargissement de la responsabilité producteur devraient renforcer la filière du recyclage.
Pour développer les domaines industriels critiques pour la réalisation du pacte vert, la Commission souhaite multiplier les alliances, en suivant les exemples des alliances pour les batteries (aussi appelée l’Airbus des batteries) ou pour l’hydrogène. Ces alliances ont pour vocation la mise en commun de ressources pour la formation d’une chaine de valeur sure, circulaire et durable.
Ce tournant vers l’économie circulaire sera soutenu par la promotion de l’investissement vert sur lequel le secteur public montrera l’exemple par des achats publics écologiques. Pour faciliter ces investissements, la fiabilisation de l’information sera renforcée par des labels investissements durables, la révision de la directive sur la communication d’informations extra-financières et l’intensification de la réglementation sur l’écoblanchiment.
La transition écologique proposée par le pacte vert devra aussi composer avec la transition numérique en cours. L’industrie numérique est ainsi appelée à accélérer et optimiser la lutte contre le changement climatique et la protection de l’environnement mais devra aussi améliorer ses performances en termes d’efficacité énergétique.
Une alimentation plus respectueuse de l’environnement et une biodiversité préservée
La biodiversité permet le maintien de l’équilibre climatique et constitue le socle vital de notre système alimentaire et de santé. Pour enrayer son érosion, le pacte vert encouragera une agriculture durable par la réforme de la politique agricole commune pour la période 2021-2027. Par ailleurs, au niveau climatique, l’agriculture émet près de 10% des GES de l’UE, notamment via l’élevage, les engrais et les déchets organiques. Pour répondre aux objectifs carbone, 40% du budget de cette période et 30% du fonds pour la pêche maritime seront ainsi dédiés en faveur du climat.
Au niveau de la production alimentaire, le pacte vert fixe pour objectifs d’ici 2030 l’augmentation de la surface agricole consacrée à l’agriculture biologique (25% de la surface agricole), la diminution de l’usage des pesticides chimiques (-50%), des engrais (-20%), et des antibiotiques (-50%). Pour développer des solutions de substitution, 10 milliards du programme Horizon Europe soutiendront l’innovation (détaillé dans un prochain article). Le bien-être animal sera lui aussi amélioré par un renforcement des normes.
Côté consommation, un cadre européen pour l’étiquetage des denrées alimentaires durables sera mis en place pour fiabiliser l’information sur les qualités nutritionnelles, climatiques, environnementales et sociales des produits. De nouvelles sources de protéines notamment maritimes seront mises en avant. Par ailleurs, des objectifs contraignants seront fixés aux États membres pour réduire le gaspillage alimentaire par habitant.
En complément, la préservation de la biodiversité sera soutenue par la création de zones protégées et le développement du réseau Natura 2000 pour couvrir 30% des terres de l’Union et 30% des mers. Au moins 25 000 km de cours d’eau à courant libre (sans barrages ou usines hydroélectriques) seront rétablis. Les forêts quant à elles seront restaurées et reboisées, avec la plantation de 3 milliards d’arbres d’ici 2030, pour accroitre leur capacité d’absorption du CO2. En somme 20 milliards d’euros seront déloqués chaque année pour la biodiversité.
Pour conclure le pacte vert vise, à décarboner notre économie pour lutter contre le changement climatique, mais aussi une transformation écologique profonde de notre modèle en faveur d’une économie circulaire, durable, avec un impact limité sur la biodiversité. Alliant contraintes et incitations, ce programme bénéficiera de la puissance économique et législative de l’Union. C’est donc autant par son action dans tous les domaines que par son ambition, que le pacte vert représente un projet de changement de modèle de société.