La 26e conférence des Parties, ou COP26, s’est tenue à Glasgow du 31 octobre au 13 novembre 2021 et a réuni près de 200 dirigeants mondiaux ainsi que des dizaines de milliers de représentants de gouvernements, de villes, de régions et d’acteurs non étatiques.
Depuis 1992 et la signature de la Convention Cadre des Nations Unies sur le changement Climatique (CCNUC) à Rio, la COP est le rendez-vous annuel de la communauté internationale pour débattre, proposer et s’accorder sur des plans de lutte contre les changements climatiques.
Six ans après la signature de l’Accord de Paris et dans le sillon de la publication du dernier rapport du GIEC cet été, les attentes autour de cette COP, repoussée d’un an à cause du contexte sanitaire, étaient nombreuses. En effet, il s’agissait de faire un premier examen des progrès réalisés depuis 2015, de fixer de nouveaux objectifs ambitieux et à la hauteur de l’urgence climatique, mais surtout de finir de rédiger les règles nécessaires à la mise en place de l’Accord de Paris et donc de réellement passer de la cible à l’action.
Loin de n’être qu’un rassemblement d’Etats dans le cadre des Nations Unies ayant pour objectif de faire aboutir un accord multilatéral, la COP26 était aussi l’occasion de mettre au cœur des préoccupations de chaque Etat l’urgence climatique et la nécessité d’agir en réaction à des faits scientifiques établis concernant ces changements. Enfin, pendant 2 semaines, Glasgow, a également été le haut lieu de l’expression des organisations citoyennes sur le sujet climatique. En témoigne la présence de nombreuses associations à Glasgow pendant les 2 semaines de la COP, visant à mettre en visibilité les intérêts et populations qu’elles défendent.
Les résultats de la COP en quelques points :
Retour sur les grands enjeux de la COP26 à Glasgow
Pour garantir la tenue des engagements de l’Accord de Paris (voir ci-dessous), et au vu de la publication du dernier rapport du GIEC cet été qui a mis à jour les trajectoires climatiques à l’aune des engagements actuels des Etats, les grands enjeux de la COP26 apparaissaient être les suivants :
Rappel des engagements de l’Accord de Paris :
|
Aujourd’hui, a posteriori de la COP26 : Quels sont les résultats des négociations à Glasgow ? Quels engagements ont été pris ? Comment resituer ces engagements vis-à-vis des attentes autour du sommet ?
Le Pacte de Glasgow pour le Climat décrypté : des engagements qui restent prudents malgré des avancées sur des sujets clés pour mettre en œuvre l’Accord de Paris
La COP, c’est avant tout des négociations internationales permettant d’aboutir à un accord adopté par l’ensemble des Etats représentés. Les deux semaines de négociations ont permis d’aboutir le 13 novembre à l’adoption du « Pacte de Glasgow pour le climat ».
Ce pacte vient d’abord réaffirmer l’ambition de l’Accord de Paris de maintenir l’augmentation de la température mondiale à un niveau inférieur à 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre les efforts pour la limiter davantage à 1.5 °C.
Une partie non négligeable du pacte reste attachée à l’état des lieux des changements climatiques et se contente d’inviter à l’action sans la contraindre comme l’illustrent les verbes choisis et retenus dans le texte du pacte. L’objectif de neutralité carbone est énoncé, mais la prise en compte des « différentes circonstances nationales des pays » laisse aux Etats une grande flexibilité quant à la mise en place de ce dernier.
Le pacte a toutefois permis d’aboutir à certains sujets laissés en suspens depuis la COP21, notamment l’achèvement du programme de travail méthodologique visant à finaliser les règles d’application de certains articles de l’Accord de Paris.
Focus sur quelques avancées du pacte de Glasgow
Article 6 de l’Accord de Paris : Un cadre établi pour les marchés carbone
L’Accord de Paris prévoit la création d’un marché mondial du carbone. Depuis 2015, ce sujet ne trouvait pas d’issue positive à la fin des COP. Les négociations de Glasgow avaient pour objectif de faire émerger un cadre pour réglementer l’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre (GES).
En effet, dans le cadre de l’Accord de Paris, chaque pays a pris l’engagement de revoir à la baisse chaque année ses émissions de GES, ce sont les CDN (Contributions Déterminées au niveau National). La mise en place de ces marchés carbone vise donc à permettre aux Etats de pouvoir remplir leurs CDN en achetant des droits d’émission s’ils ont dépassé leur quota d’émissions ou en en vendant s’ils sont en avance sur ce quota. Ainsi cela permet aux pays vertueux de bénéficier de nouveaux moyens de financement pour mettre en place des infrastructures moins émettrices de carbone (par exemple favoriser l’éolien par rapport à la centrale à charbon).
L’Accord de Paris intègre 2 mécanismes d’échanges qui ont été discutés à Glasgow :
- Les échanges de droits à émettre entre pays
- La génération de crédits carbone dits « autorisés » par des porteurs de projets de compensation qui auront été jugés conformes par l’organe de contrôle des Nations-Unies. Ici, les échanges entre acteurs publics et privés sont possibles.
2 problématiques étaient au cœur des négociations : le risque de double-comptage – c’est-à-dire de comptabiliser deux fois les émissions, dans le pays acheteur et dans le pays vendeur de crédits carbone, et celui de la validité des crédits générés dans le cadre du marché établi par le protocole de Kyoto. Le risque, concernant la validité des crédits générés dans le cadre du protocole de Kyoto, est qu’une grande partie des émissions actuelles soit déjà couverte par des crédits et qu’ils viennent diluer les effets du marché carbone sur la baisse des émissions. Le Brésil, la Chine et l’Inde souhaitaient maintenir cette validité.
Les négociations de la COP26 ont finalement permis aux 197 pays signataires du Pacte de Glasgow de s’accorder sur un mécanisme d’ajustement empêchant le double-comptage. Cependant, sur le sujet de la validité des crédits générés dans le cadre du protocole de Kyoto, l’Inde, la Chine et le Brésil ont obtenu gain de cause en entérinant dans le Pacte de Glasgow la possibilité de transférer les crédits enregistrés depuis 2013.
Article 13 de l’Accord de Paris : Transparence renforcée sur le comptage des émissions mais pas d’harmonisation des méthodologies
Les négociations sur le cadre de transparence renforcée ont permis de conclure que chaque pays devra désormais rapporter ses émissions de gaz à effet de serre de la manière la plus détaillée possible et de façon à ce qu’elles soient comparables entre 2 Etats.
Demeure le souci de l’harmonisation de la méthode de mesure des émissions de gaz à effet de serre. En effet, le Washington Post a révélé le 07/11/2021 que de nombreux pays sous-évaluent leurs émissions de gaz à effet de serre dans leurs Contributions Déterminées au niveau National (ou CDN). L’analyse de 196 CDN a permis de révéler un écart considérable entre les émissions mondiales déclarées et les émissions mondiales réellement rejetées. Cet écart pouvant aller d’au moins 8,5 milliards de tonnes de CO2 équivalent à 13,3 milliards de tonnes de CO2 équivalent par an.
Au minimum, ce décalage est plus important que les émissions annuelles des Etats-Unis. Au maximum, il avoisine les émissions annuelles de la Chine, ce qui représente 23?% de l’impact de l’humanité sur le dérèglement climatique.
Sans oublier que cette estimation ne prend pas en compte plus d’1 milliard de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre provenant des transports aériens et maritimes internationaux dont aucun pays ne souhaite endosser la responsabilité.
Seule la science atmosphérique permettra de déterminer avec précision l’ampleur du réchauffement climatique. Malgré tout, l’ONU n’exige aucune mesure atmosphérique ou satellitaire et demande uniquement aux pays une quantification de leurs niveaux d’activités. Or, mis à part la comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre liées aux énergies fossiles, plus d’un tiers de ces émissions ne peut pas être quantifié avec précision notamment les émissions liées à la déforestation ou à un excès d’utilisation d’engrais agricoles. [2]
Revue à la hausse des ambitions des Contributions Déterminées au niveau National (CDN)
Le Pacte de Glasgow pour le climat demande aux Parties de rehausser leur ambition, dès 2022, dans le cas où leur CDN ne suivrait pas la trajectoire de l’Accord de Paris.
En effet, les CDN communiquées par les États montraient qu’ils étaient globalement sur la mauvaise trajectoire. Selon un rapport des Nations Unies, la somme de ces CDN conduirait à une hausse de 16 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 2010. « Une telle augmentation pourrait entraîner une hausse de la température d’environ 2.7°C d’ici la fin du siècle« , a alerté l’ONU. [3]
L’ensemble des contributions nationales seront désormais transmises au secrétariat des Nations-Unies, et feront l’objet d’un rapport de synthèse annuel.
Le financement de l’adaptation gagne du terrain dans le débat
L’adaptation aux changements climatiques est un sujet crucial car même en contenant le réchauffement à 1.5°C ou 2°C, de nombreuses populations vont être concernées par des catastrophes climatiques, les plus vulnérables. Il en va de la résilience et de la protection des populations, des habitats et des écosystèmes aux changements climatiques qui nous impactent aujourd’hui mais surtout nous impacteront demain.
Un programme de travail 2022-2023 a été créé afin de définir un objectif mondial en matière d’adaptation. Pour ce faire, ce programme de travail visera tout d’abord à identifier les besoins collectifs et les solutions pour protéger au mieux les populations, les habitats, et les écosystèmes vis-à-vis de la crise climatique.
Dans le Pacte de Glasgow, les pays développés s’engagent à d’ici 2025 par rapport au niveau de 2019 dans le but d’atteindre un équilibre entre les ressources financières de l’atténuation et de l’adaptation.
L’aide au financement des pays les plus pauvres inquiète
Le texte adopté à Glasgow note avec « inquiétude » la croissance des besoins de financement des pays les plus pauvres pour pouvoir adopter une trajectoire nationale permettant de respecter l’Accord de Paris et financer l’adaptation pour se protéger contre les conséquences des changements climatiques, les pertes et préjudices. Le financement des pays les plus pauvres à hauteur de plus de 100 Md$ par an est souligné comme nécessaire. Il faut pour autant noter que l’engagement des pays les plus développés à débloquer 100Md$ à partir de 2020 pour le financement des pays les plus vulnérables n’est aujourd’hui pas respecté. Pourtant, les Etats concernés avaient eu le temps de préparer cette échéance, l’engagement ayant été pris en 2009 à Copenhague.
Un engagement sur le charbon et les énergies fossiles prudent et non contraignant
Les énergies fossiles ont fait partie des négociations les plus acharnées de la COP26 puisque le texte faisant référence au charbon a été modifié 4 fois.
Alors que la 1ère version du texte affichait l’objectif d’ “accélérer l’élimination progressive du charbon et des subventions aux combustibles fossiles”, la version définitive ne contenait plus que celui d’ “accélérer les efforts en vue de la diminution progressive de la production d’électricité à partir du charbon sans captage et stockage du carbone (CSC) et la suppression progressive des subventions inefficaces en faveur des combustibles fossiles“. Certes, un accord a été trouvé sur le sujet du charbon et des subventions aux énergies fossiles mais l’ambition d’éliminer le charbon a été abandonnée dans le texte final qui reste ambigu et ne porte pas de contrainte.
40 pays dont le Canada, l’Ukraine et la Pologne ont toutefois signé un accord pour définitivement sortir du charbon d’ici 2030 mais les efforts déployés sont, encore une fois, loin d’être suffisants.
De nombreux engagements internationaux signés durant la COP26
En parallèle du Pacte de Glasgow signé par tous les pays représentés à la COP26, cette dernière a aussi été un moment foisonnant d’engagements nationaux et internationaux. Energie, transport, finance, déforestation, méthane, voici les principaux engagements pris et annoncés pendant ces 2 semaines.
Parcourir la liste de ci-dessus peut donner l’impression que de nombreux engagements ont été pris à Glasgow pour faire face à l’urgence climatique mais il suffit de regarder de plus près la liste des signataires pour se rendre compte qu’il y a encore beaucoup d’efforts à fournir afin d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris et se mettre en ordre de bataille avec de réels plans d’action.
En effet, il manque souvent à l’appel les pays ayant le plus d’impact sur le sujet en question. On peut par exemple souligner l’absence des plus gros consommateurs et producteurs de charbon comme l’Inde, la Chine, l’Australie et les Etats-Unis dans la signature de l’accord sur la sortie du charbon. Un autre exemple est celui de l’engagement de certains pays, régions et constructeurs automobiles à « travailler » pour faire en sorte que d’ici 2040, toutes les voitures neuves vendues soient zéro émission. En effet, les pays constructeurs les plus importants n’ont pas signé cet accord comme la Chine, le Japon, l’Allemagne, la France et les États-Unis.
Les engagements de la France durant la COP26
La COP26 a également été bénéfique pour accélérer l’engagement de la France dans les sujets climatiques et environnementaux. Un reporting reste nécessaire pour suivre l’avancement de ces différents engagements. Suite à la COP26, le Haut Conseil pour le Climat [5] va d’ailleurs dans ce sens en invitant le gouvernement français à non seulement assurer le pilotage et le suivi de ses engagements mais également à rehausser les objectifs de la France à horizon 2030, aujourd’hui estimés insuffisants.
En résumé, des engagements ambitieux mais non contraignants qui restent loin de l’objectif des 1.5°C
Finalement, cette 26ème Conférence des Parties a tout de même été l’occasion de mettre le sujet de l’urgence climatique sur le devant de la scène durant ces dernières semaines.
Cette mobilisation internationale a permis de signer des engagements qui nous placeraient, selon Climate Action Tracker :
/ sur une trajectoire à 1.8°C (entre 1.5°C et 2.6°C) si tous les engagements annoncés sont respectés (notamment les engagements de neutralité carbone).
/ sur une trajectoire à +2.4°C (entre +1.9°C et +3.0°C) si l’on prenait en compte uniquement le respect des engagements de neutralité carbone en 2030. [6]
Cependant, compte tenu du caractère non contraignant des différents engagements annoncés, la probabilité d’atteindre ces températures reste très faible puisque les hypothèses adoptées sont très optimistes.
La COP est finie, pour autant, le sujet de la lutte contre les changements climatiques, ainsi que celui de l’adaptation face à ces derniers doivent être au cœur des préoccupations quotidiennes des Etats, des entreprises et de la société pour pouvoir répondre au plus grand défi du siècle. . Pour autant, bien que les engagements pris à Glasgow par la communauté internationale aillent dans le bon sens, pour rester sous les 2°C, et si possible sous les 1.5°C, les Etats vont devoir converger sur des engagements plus impactants. Par ailleurs, l’autre grand défi est de mettre en place des actions concrètes et imminentes au-delà des engagements pris à long terme.
Bibliographie
[4]: https://www.ecologie.gouv.fr/adoption-du-pacte-glasgow-climat-cop26-dynamique-poursuivre-0