Autoconsommation : 5 ans après, où en est-on ?

Récemment, nous avons célébré l’anniversaire du décret de l’autoconsommation (30 avril 2017). Il précise les contraintes appliquées aux producteurs d’ENR et aux consommateurs participant à une opération d’autoconsommation ainsi que les modalités liées au raccordement au réseau de distribution. Concrètement, l’autoconsommation consiste, pour un producteur, à consommer tout ou une partie de l’énergie qu’il produit grâce à ses installations photovoltaïques. L’énergie non consommée est ensuite rejetée sur le réseau électrique.

Autoconsommation
Schéma Wavestone

L’autoconsommation est donc un axe pour accélérer la Transition Énergétique : en maîtrisant sa production d’énergie, le producteur consommateur s’approprie et s’ancre dans un nouveau système énergétique décentralisé et, à priori, durable.

La Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) a affirmé, dans sa publication de 2020, les rôles que l’autoconsommation et la production locale avaient à jouer dans la transition énergétique «pour préparer le système énergétique de demain, plus flexible et décarboné, en développant nos infrastructures» (Ecologie.Gouv, octobre 2021). L’ambition est chiffrée : déploiement de près de 300 mégawatts (MW) de puissance photovoltaïque par an via l’installation de petites et moyennes toitures (i.e. inférieures à 100 kilowatt-crête (kWc), unité qui évalue la puissance maximale d’une installation photovoltaïque). Ce déploiement s’appuie sur l’autoconsommation, avec un objectif d’environ 200 000 sites photovoltaïques à horizon 2023. La PPE mise, à moindre échelle, sur l’autoconsommation collective, soit la fourniture d’électricité entre consommateurs et producteurs proches géographiquement et liés au sein d’une personne morale organisatrice. L’objectif ciblé initialement pour 2023 à 50 opérations d’autoconsommation collective photovoltaïque est, d’ailleurs, déjà atteint.

Si les fluctuations des prix de l’énergie, les incertitudes géopolitiques et les plans de relance des dernières années (axés notamment autour de l’écologie) représentent un tremplin pour le développement de l’autoconsommation, ce dernier n’est pas sans contrainte. Nous l’évoquions déjà lors de notre premier décryptage de l’autoconsommation, les débats autour de ce levier de la transition énergétique s’axent notamment autour de deux sujets : les mécanismes financiers pour soutenir l’autoconsommation (comme les grilles tarifaires, càd les tarifs d’achats et les primes d’investissement) et le cadre contractuel à déployer. 5 ans après, où en est le déploiement de l’autoconsommation en France ?

Un déploiement de l’autoconsommation poussé par le marché et une législation de plus en plus favorable

Les incitations financières

En 5 ans, le marché a évolué et incite au développement de l’autoconsommation. Entre 2015 et 2020, le prix des panneaux photovoltaïques a été divisé par près de 2,5 (de 0,51 €/Wc à 0,21 €/Wc). Si l’autoconsommation individuelle représente toujours un investissement initial lourd (coût complet moyen (équipements et pose) à 2 700 €/ kWc (ADEME, 2020)), l’autoconsommation collective est, quant à elle, moins contraignante en raison des économies d’échelle réalisables.

Les incitations réglementaires

La législation incite également le développement de l’autoconsommation. En effet, depuis octobre 2021, les tarifs d’achat sont garantis et soumis à l’obligation d’achat pour les projets allant jusqu’à 500 kWc. Auparavant, ce n’était le cas que pour les projets inférieurs à 100 kWc, au-delà une procédure d’appel d’offres avait lieu sans garantie du prix de vente du surplus. L’investissement dans les projets d’autoconsommation devient ainsi plus accessible et plus sûr.

Au premier semestre 2021, près de 100 000 installations photovoltaïques en autoconsommation individuelle étaient raccordées sur le réseau Enedis contre 3 000 en 2015. La cible fixée à 2023 est, pour rappel, de 200 000. En février 2022, 77 projets d’autoconsommation collective étaient en service en France, couvrant près de 850 bénéficiaires (opendata Enedis, février 2022). Néanmoins, force est de constater que le cadre législatif de l’autoconsommation collective notamment reste rigide : par exemple, le périmètre entre le point d’injection (producteur(s)) et le point de soutirage (consommateur) est passé de 1 km à 2 km maximum (et 20 km sur dérogation) (Arrêté du 21 novembre 2019). De plus, la puissance cumulée des installations de production ne peut pas dépasser 3 MW, un compteur communicant (Linky) doit être installé chez les utilisateurs pour comptabiliser la consommation d’énergie, un nombre conséquent de parties prenantes (gestionnaire de réseau en monopole, personne morale organisatrice, producteur, consommateurs, acheteurs des excédents, fournisseurs d’électricité) est impliqué, rendant l’organisation complexe car multipartite.

Evolution nombre installation autoconsommation
Opendata Enedis

Ainsi, si l’autoconsommation individuelle reste encore loin des ambitions affichées de la PPE pour 2023, l’autoconsommation collective, qui elle les dépasse déjà, ne représente qu’une part anecdotique de l’autoconsommation totale. Les freins, déjà identifiés il y a 5 ans, persistent.

Le déploiement de l’autoconsommation freiné par divers obstacles

Des obstacles financiers

Premièrement, les obstacles financiers restent conséquents : les prix de l’électricité en France, et donc les prix de revente, sont relativement bas comparés au reste de l’Europe, tandis que les coûts d’investissement d’une opération d’autoconsommation (certes à la baisse) restent élevés. Le retour sur investissement arrive donc après plusieurs années, puisqu’il réside principalement dans la différence entre le prix de l’électricité vendu par les producteurs et l’offre de marché « classique ». La maintenance et la gestion des opérations d’autoconsommation, lourdes, pénalisent également la rentabilité de ces projets. De plus, les différents types d’installations en autoconsommation collective restent soumises aux Tarifs d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité (TURPE) fixés par la CRE. Si le contexte de forte volatilité des prix de l’électricité pourrait être bénéfique au dynamisme de l’autoconsommation, nous manquons à date de recul.

Des obstacles réglementaires

Ensuite, le cadre contractuel demeure contraignant : le volume de puissance autorisé par la CRE est limité pour les installations de taille supérieure à 36 kWc : les projets d’autoconsommation plus conséquents (écoquartiers par exemple) ne sont pour l’instant pas encadrés par la législation. De plus, le cadre applicable à l’autoconsommation, les facteurs de rentabilité et le rôle de personne morale organisatrice sont à définir plus concrètement.

Enfin, des freins administratifs (pour l’autoconsommation collective comme individuelle) existent également. En effet, les mécanismes pour soutenir l’autoconsommation ne sont pas encore à la hauteur des attentes des producteurs, avec notamment des délais d’instruction jugés trop longs : les textes de lois mentionnent 4 mois de délais d’instructions administratives et jusqu’à 30 mois supplémentaires de chantier (legifrance.gouv.fr). L’Etat n’ayant pas encore mis en place de subventions pour les projets collectifs, les mécanismes de soutien à l’autoconsommation sont à la main des régions. Certaines ont compris l’importance que jouent les actions citoyennes dans la transition énergétique et des initiatives territoriales sont impulsées pour financer les installations en autoconsommation collective. Dans les Hauts-de-France par exemple, région où le nombre d’opérations d’autoconsommation collective est le plus important, une aide plafonnée à 150 000 € a été débloquée pour les systèmes photovoltaïques collectifs. On remarque néanmoins une grande hétérogénéité de la représentation de l’autoconsommation sur le territoire français (cf : graphique ci-dessous).

Nombre d’opérations d’autoconsommation collective actives (06/2022) – Opendata Enedis

Certes, l’autoconsommation progresse en France mais elle ne représente pas plus de 5% de la puissance du parc photovoltaïque, qui lui-même ne pèse pas lourd dans le mix énergétique français. Les projets d’autoconsommation (collective comme individuelle) restent marginaux et de faibles puissances : près de 80% des installations ont une puissance photovoltaïque en autoconsommation inférieure à 6 kWc (Enedis). La France est encore loin des centaines de milliers d’auto-consommateurs Allemands ! Pourtant, d’après une enquête Harris Interactive, 48% des Français se disent intéressés par l’autoconsommation (Harris Interactive, 2017).

Le rôle des pouvoirs publics et des acteurs du marché semble dès lors indéniable pour accompagner la décentralisation de la production, via l’investissement et la promotion de réseaux plus flexibles et intelligents. Le pilotage de la demande d’énergie paraît en effet clé, dans un monde durablement impacté par la crise sanitaire, l’urgence climatique et la volatilité grandissante des prix de l’énergie …

 

 

 

[Interview] Autoconsommation collective : rencontre avec Roland Coutou, maire adjoint de Prémian

[Table ronde Centrale-Energies] Autoconsommation en France : marché de niche ou logique de masse ?

 

 

 

 

Sources

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