Agrivoltaïsme : et si les panneaux solaires amélioraient les cultures ?

Imaginez un verger luxuriant presque entièrement couvert de panneaux photovoltaïques, ou un cheptel de bovins paissant paisiblement sous un couvert métallique fournissant l’électricité pour le village le plus proche. C’est peut-être là le futur de nos campagnes?! L’agrivoltaïsme est une piste sérieuse et prometteuse de développement du photovoltaïque actuellement mise à l’épreuve à travers le monde.

L’Agrivoltaïsme pour contribuer à des objectifs écologiques ambitieux 

Dans son dernier rapport , le GIEC 1 nous alerte sur la nécessité de prendre des actions rapides et à grande échelle pour limiter le réchauffement climatique à 2°C à horizon proche. Le président Emmanuel Macron a donc annoncé un projet de loi sur l’accélération des énergies renouvelables. 

Dans ce projet de loi discuté en ce moment à l’Assemblée Nationale figure un objectif de capacité de production annuelle d’énergie photovoltaïque de 100 GWc 2 en 2050. La capacité de production des installations photovoltaïques françaises était de 13 GWc à la fin de l’année 2021. Il faut donc la décupler en 30 ans. 

Une des solutions envisagées pour atteindre cet objectif est l’augmentation de la capacité agrivoltaïque française. Ainsi, un article sur le sujet est prévu dans le projet de loi adopté par le Sénat et discuté à l’Assemblée Nationale (article 11). De plus le Sénat a déposé une proposition de loi sur le sujet le 20 octobre 2022. Ces dispositions permettraient d’encourager le développement des installations agrivoltaïques sur le sol français, en facilitant la création de centrales et en donnant des avantages aux petits et moyens producteurs d’électricité. 

Dès 2014, un article Energystream sur l’innovation photovoltaïque nous parlait du gisement de bâtiments agricoles français sur lesquels on pouvait installer des centrales.  Aujourd’hui, le projet est d’équiper les surfaces agricoles en plus des bâtiments?! 

Du photovoltaïque en zone agricole 

Le modèle agrivoltaïque s’inspire du modèle agroforestier, et permet de concilier production photovoltaïque et production agricole. Là où le modèle agroforestier permet de concilier production forestière et production agricole. Sur une parcelle, on combine des panneaux photovoltaïques et des cultures agricoles.  

Les panneaux sont situés en hauteur (plus ou moins haute selon le type de culture ou d’élevage présents sur la parcelle), ce qui permet de ne pas gêner le passage des engins agricoles, des bêtes, ou la croissance des plantes. Face aux nombreuses critiques sur l’artificialisation des sols et la baisse des rendements agricoles, il a été prouvé que ce modèle a des solutions efficaces pour diminuer la perte de rendement due à l’installation photovoltaïque (panneaux mobiles, surface réduite de panneaux sur une parcelle…).

De plus, les panneaux situés au-dessus des cultures permettent de protéger ces dernières contre les conditions climatiques violentes et  des changements soudains qui risquent de se multiplier en raison du réchauffement climatique.  

Les industriels français ne sont pas en reste et différents projets émergent dans l’hexagone. ENGIE , TotalEnergies , ou encore EDF  ont lancé des centrales expérimentales ayant pour but d’observer les cultures. Le but est de mettre en lumière une éventuelle différence de rendement par rapport à une exploitation non protégée par le couvert d’un panneau solaire. 

Enfin, le nombre de parcelles éligibles à travers l’hexagone est très important. L’INSEE estime qu’environ 45% de la surface du pays est considérée comme surface agricole utile (SAU). Sur cette surface agricole utile, 1 million d’hectares est consacré à la production d’agrocarburants. Cedric Philibert, Chercheur associé au Centre Énergie & Climat de l’Ifri estime que si on utilise entre 200 000 et 250 000 hectares en culture agrivoltaïque, la surface serait suffisante pour atteindre 208 GW de production électrique. Cela permettrait donc d’assurer les objectifs gouvernementaux à très courts termes. Une telle surface représenterait moins de 1% de la SAU totale, ce qui semble rapidement atteignable.  

Néanmoins, il faut être conscient des dépenses engagées pour l’installation de telles infrastructures. Le coût du raccordement est variable selon la taille de la centrale, mais il est à prendre en compte dans le calcul de départ, afin de savoir si on souhaite s’engager sur une centrale en autoconsommation ou une centrale qui injecte l’électricité sur le réseau. C’est un point que les agriculteurs doivent prendre en compte.

Favoriser un cadre légal adapté aux enjeux énergétiques 

Pour favoriser le développement des centrales agrivoltaïque, les modalités d’installation et le contexte juridique encadrant la création de ladite centrale doivent être simplifiés. Ainsi, le projet de loi adopté par le Sénat prévoit de réguler l’installation selon la définition suivante:

  

“Est considérée comme agrivoltaïque une installation qui apporte directement à la parcelle agricole au moins l’un des services suivants, en garantissant à un agriculteur actif une production agricole significative et un revenu durable en étant issu?: 

  • L’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques?
  •  L’adaptation au changement climatique?
  • La protection contre les aléas
  • L’amélioration du bien être animal. »

Pour déployer une installation agrivoltaïque, le projet serait soumis à un simple avis de la Commission Départementale de la Préservation des Espaces Naturels, Agricoles et Forestiers (CDPENAF). Cela permettrait d’accélérer le développement des projets. En outre, les préfets français ont reçu en 2022 une circulaire leur enjoignant d’accélérer le nombre de projets agrivoltaïques sur le territoire. La France se dirige donc vers une multiplication des projets chez les agriculteurs. 

L’électricité issue d’une petite installation agrivoltaïque est quant à elle soumise à une obligation d’achat avec un tarif réglementé, comme les autres productions électriques issues d’énergies renouvelables. Afin de favoriser le développement de microcentrales, le projet de loi projette d’entériner ce point pour les plus petits producteurs électriques (moins de 1MW).  La Commission de régulation de l’énergie (CRE) est elle aussi très favorable à la formule. Elle a adapté son cahier des charges en 2022 pour rendre les projets d’agrivoltaïsme plus facilement réalisable. 

Depuis juin 2021, l’association France Agrivoltaïsme, riche de 85 membres, en fait la promotion sur le territoire. Le but est de prioriser les solutions à fort impact agricole, et de favoriser le partage de l’information et la formation sur le sujet. Elle a notamment participé à la création d’un label AFNOR de certification qui fournit des gages de qualité, de confiance et de transparence aux agriculteurs souhaitant se lancer dans un projet. 

Un sujet qui intéresse à l’international  

 

Il n’y a pas qu’en France que la solution agrivoltaïque a le vent en poupe. Le géant espagnol Iberdrola a récemment inauguré un projet d’agrivoltaïsme en milieu viticole de 40kW, le premier du genre sur le territoire. Le projet permet d’adapter la disposition des modules solaires aux besoins des vignobles. Cela régule donc l’exposition au soleil et la température en utilisant l’ombre fournie par les panneaux. De plus, l’eau évaporée des cultures refroidit les panneaux, formant un cercle vertueux. Iberdrola suivra le projet de près, pour savoir si l’installation permet un rendement agricole satisfaisant, avant d’éventuellement le répliquer ailleurs.  

Ailleurs aussi, en Allemagne (Projet Demeter de Heggelbach) ou aux Etats-Unis (Jack’s Solar Garden dans le Colorado), le sujet est d’actualité. La solution agrivoltaïque est scrutée de près par les dirigeants qui souhaitent mettre en place une législation favorable à son développement. Pour les pays européens, les agriculteurs sont en droit d’espérer une législation européenne commune. Pour ceux vivant en France, le verdict sera rendu lors du vote à l’Assemblée le 12 janvier prochain. 

L’agrivoltaïsme peut aussi être couplé à des technologies innovantes en termes de gestion d’énergie. Par exemple, le fait de mailler tout un territoire avec de petites installations de production d’électricité est un bon moyen de décentraliser la production d’énergie. Cela permet de produire et de consommer dans un rayon restreint. Ainsi, les agriculteurs et producteurs d’électricité pourraient alimenter leurs structures en autoconsommation, afin de rendre leur cycle de production le plus respectueux de l’environnement possible.

 

GIEC: Groupement d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat, chargé d’étudier l’impact des activités humaines sur le changement climatique.

GWc 2 : Giga Watt Crête. Le Watt Crête est l’unité de mesure de la puissance délivrée par un panneau solaire, pour un ensoleillement optimal. 1 kWc correspond à 1000 kWh par an.

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