La CRE a annoncé une augmentation du prix de l’électricité au 1er août dans le cadre de la réduction du bouclier tarifaire. Retour sur les facteurs qui conduisent à cette augmentation du tarif réglementé.
Depuis sa création en 2000, la Commission de Régulation de l’Energie a pour responsabilité de publier deux fois par an (en août et février), une évolution des Tarifs Réglementés de Vente d’électricité et de gaz (TRVE et TRVG). Le TRVG a depuis été supprimé, mais l’évolution du TRVE reste un indicateur économique important à la fois pour les ménages et les professionnels, notamment industriels ou électro-intensifs. Ce constat est d’autant plus vrai depuis le début de la crise énergétique en 2021, et le repli des consommateurs vers ces tarifs réglementés, plus stables. Quelles évolutions sont à prévoir dans les prochains mois ?
Crises et augmentation des prix
Nous vous en parlions dans un billet il y a quelques mois, en période de tension du réseau électrique, le prix de gros de l’électricité augmente, axé sur le coût marginal des centrales les plus onéreuses, ici les centrales à gaz.
Ce coût marginal des centrales à gaz à tendance à augmenter dans le temps, du fait d’une raison structurelle, l’épuisement progressif du gaz Européen et la nécessité d’importer ce gaz par pipeline ou sous sa forme liquéfiée (GNL), de plus en plus loin. La crise a également été causée par deux causes conjoncturelles, la guerre russe en Ukraine a perturbé les flux physiques et financier qui liaient consommateurs européens et producteurs russes, avant que l’Europe ne décide de s’affranchir de ces producteurs. La deuxième cause est la maintenance exceptionnelle qui a largement réduit la productivité du parc nucléaire français pendant la même période, imposant l’utilisation plus intense de centrales thermiques pour compenser le manque.
L’addition de ces causes multiples augmente fortement les coûts de fourniture de l’électricité, qui se répercute dans les tarifs calculés par la CRE, calcul dit par empilement, c’est-à-dire l’addition des coûts de fourniture, de réseau, de structure, et des taxes.
Exemple de calcul issu de l’annexe A à la délibération CRE du 22 juin 2023
Vers une fin du bouclier tarifaire
Depuis fin 2021, un bouclier tarifaire sur le prix de l’électricité et du gaz mis en place par l’état protège partiellement les ménages et entreprises françaises de la crise de l’énergie frappant l’Europe. Une page de la CRE présente en détails les dispositifs mis en place. Cette mesure a permis de contenir l’augmentation moyenne du tarif des ménages et entreprises concernées à 4% et 15% respectivement en janvier 2022 et 2023. Sans cette mesure l’augmentation des tarifs aurait été bien supérieure, 44% et 100% selon la CRE [1].
Si cette mesure a permis de protéger les ménages et un grand nombre d’entreprises françaises, son coût (estimé à 110 milliards d’euro depuis sa mise en place) pèse sur le budget de l’état. De plus une analyse du Conseil d’Analyse Economique indique que cette mesure serait néfaste d’un point de vue macro-économique car effaçant le signal prix pour les consommateurs, et donc participant à une hausse de la consommation d’électricité malgré la crise [2].
Pour ces raisons, le 13 juillet dernier, le gouvernement avait annoncé la fin progressive de cette mesure.
« […] on va devoir sortir progressivement du bouclier tarifaire sur les prix de l’énergie »
Gabriel Attal (ministre délégué aux comptes publics) – 13/07/2023 sur RTL
La première étape de ce processus se matérialise le 1er août 2023 par une augmentation de 10% des TRVE. Même si cette augmentation est importante comparé à l’historique de hausse des TRVE depuis 2008 (2% d’augmentation tous les 6 mois en moyenne [1]), elle reste bien au deçà des 74,5 % d’augmentation théorique calculé par la CRE sans le maintien partiel du bouclier tarifaire [3].
Prospective à moyen-terme
Alors que la fin du bouclier tarifaire est prévue pour 2025, il est légitime de s’interroger sur les évolutions futures du prix de l’électricité, et des politiques publiques qui pourraient mitiger ces variations de prix. Si la prévision du prix de l’électricité est un exercice d’oracle, on peut néanmoins remarquer des tendances historiques telles que l’épuisement des énergies fossiles régionales ou l’électrification des besoins énergétiques. Ces évènements macro-économiques ont jusqu’à présent participé à augmenter la demande d’électricité sur le marché européen, et donc son prix. Le rapport RTE 2050 prévoit que ces tendances se perpétuent dans les années à venir, et donc avec elles les problèmes actuels de tension et de volatilité des prix [4].
Dans ce même rapport, le gestionnaire de réseau de transport d’électricité propose un certain nombre de solutions techniques pour , et dans le réseau pour améliorer sa flexibilité et adoucir les pics de production.
Enseignement 11, issu du résumé exécutif du rapport RTE 2050
Quelles politiques publiques ?
Ces grands projets nécessitent du temps pour leur mise en place, et il est probable que le prix de l’électricité continue de monter, au moins temporairement, avec la fin du bouclier tarifaire. Se pose alors la question du remplacement de cet outil de protection, notamment pour les ménages en situation de précarité énergétique. De nombreux analystes, y compris le Conseil d’Analyse Economique précédemment cité [2], proposent des solutions ciblées avec condition de ressources comme le « chèque énergie ». L’avantage vanté par ses défenseurs est que ces solutions protègent les plus fragiles sans peser autant sur le budget de l’état, et en gardant une incitation économique à la sobriété.
Sources :
[2] CAE : impacts économiques du bouclier tarifaire
[3] CRE : évolution théorique des TRV