Le premier appel d’offre de la Banque européenne de l’hydrogène a été lancé le 24 novembre dernier. Annoncée dès septembre 2022 par la Commission européenne, la Banque européenne de l’hydrogène vise à soutenir le financement et les investissements dans des capacités de production d’hydrogène renouvelable (« RFNBO » pour « Renewable fuels of non-biological origin ») sous forme d’une « prime verte » allouée aux porteurs de projets. Cette première campagne, qui s’étend jusqu’au 8 février, est dotée d’un budget de 800 millions d’euros issu du Fonds européen d’innovation.
Depuis quelques années, l’hydrogène décarboné a acquis une reconnaissance croissante en tant que pilier pour atteindre les objectifs énergétiques et climatiques à l’échelle régionale, nationale et européenne. En effet, l’hydrogène peut être utilisé comme matière première, comme combustible, mais aussi comme vecteur d’énergie et comme moyen de stockage. Ses applications sont donc multiples : industrie, transports, électricité, bâtiments, etc. De surcroît, lorsqu’il est produit de manière décarboné, l’hydrogène n’émet pas de CO2 et ne pollue pas lors de son utilisation.
Plusieurs projets industriels liés à la production d’hydrogène, à la création de gigafactory d’électrolyseurs ou encore au stockage d’hydrogène, ont déjà été lancés sur le territoire français et en Europe. Les acteurs impliqués sont multiples : acteurs publics (centre de recherche, collectivités territoriales, etc.), acteurs privés (grandes entreprises, PME-TPE, etc.). De fait, les financements sont multiples et vont dépendre de plusieurs critères : la typologie de projets (production, transport, distribution ou usage), la typologie d’acteurs (collectivités, entreprises, centre de recherche, etc.) et la maturité technologique du projet (recherche, développement, démonstration ou exploitation). Une multitude de financements existe au niveau européen, national et régional, et nous verrons ici les principaux dispositifs de financement, en prenant en compte les variations existantes en fonction de ces trois critères.
Aujourd’hui, quels sont les dispositifs de financement existants, mis à disposition des entreprises pour soutenir leurs projets liés à l’hydrogène décarboné ?
Les projets liés à l’hydrogène décarboné peuvent être soutenus par des financements publics à la fois au niveau régional et national, mais aussi au niveau de l’Union européenne. Au niveau européen, plusieurs programmes et mécanismes de financement existent, et notamment ceux intégrés dans le cadre du programme « Horizon Europe » qui offrent un soutien financier aux projets collaboratifs innovants pour l’hydrogène décarboné. En France, les aides destinées aux projets d’hydrogène décarboné sont principalement allouées par l’Agence de la transition écologique (ADEME). Au-delà des financements, les porteurs de projets d’hydrogène décarboné semblent encore rencontrer certaines barrières (réglementaires, planning, accès aux marchés de l’énergie, etc.) qu’il conviendra de surmonter afin de permettre la mise à l’échelle du secteur.
Financement des projets d’hydrogène vert : l’Europe pousse ses ambitions sur la recherche et l’innovation
Le développement de l’hydrogène décarboné est une priorité de l’Union européenne. En plus de renforcer l’autonomie stratégique de l’Union européenne dans le domaine de l’énergie, le plan « REPowerEU », mis en place en 2022, vise à promouvoir la transition énergétique de l’Europe, et à unir les efforts pour établir un système énergétique plus résilient d’ici 2030. Une première phase dédiée à la recherche et au développement de l’usage d’hydrogène dans les transports et dans les procédés de production est prévue jusqu’en 2025. Par la suite, l’objectif est d’intégrer l’hydrogène en tant que composant essentiel du système énergétique global, avec la perspective stratégique de développer au moins 40 gigawatts d’électrolyseurs fonctionnant à partir d’électricité d’origine renouvelable d’ici 2030. Cette initiative vise à atteindre une production annuelle de 10 millions de tonnes d’hydrogène. Parallèlement, l’objectif est complété par une ambition d’importation de 10 millions de tonnes d’hydrogène, provenant de pays qui tirent profit de sources significatives d’énergie solaire ou éolienne, renforçant ainsi la diversification des sources d’approvisionnement.
Dans cette perspective, la Commission européenne a élaboré plusieurs programmes de financement visant à stimuler le développement du secteur de l’hydrogène décarboné. Ces plans offrent des opportunités considérables aux porteurs de projets, jouant un rôle essentiel dans la concrétisation des ambitions de l’UE.
Parmi les plans de financement, certains se démarquent :
L’Innovation Fund
Ce programme européen cofinance des démonstrations commerciales (et non R&D) de technologies innovantes bas carbone. Les appels 2023 viennent d’ouvrir et se clôtureront le 9 avril 2024. Avec un budget total de 4 milliards d’euros, il contient cinq appels, qui concernent les projets de fabrication de composants innovants de technologie propre pour la production/consommation d’hydrogène, les énergies renouvelables et le stockage de l’énergie, les projets de décarbonation à petite, moyenne et grandes échelles, et les projets de décarbonation pilotes. Ces projets n’ont pas forcément à être collaboratifs.
Les applications H2 (c’est-à-dire l’utilisation de l’hydrogène comme vecteur d’énergie, agent réducteur ou matière première) dans l’industrie et les projets de production d’hydrogène présentant un degré d’innovation suffisant démontré peuvent être financées dans le cadre de ces thèmes. Mais les projets installant et exploitant des technologies d’électrolyseurs matures sans innovation pertinente supplémentaire dans l’utilisation de l’hydrogène produit sont invités à postuler plutôt à l’appel à projets de la Banque Hydrogène.
CEF Energy
Ce programme de cofinancement européen, soutient le déploiement d’infrastructures durables et de haute qualité dans les secteurs du transport, de l’énergie et du numérique. Il finance notamment les Projets d’intérêt commun (PIC) et est opéré par CINEA (European Climate, Infrastructure and Environment Executive Agency).La nouvelle liste des PIC H2 devrait être votée par le Parlement Européen en février prochain et le prochain appel CEF Energy suivra en mars 2024.
Horizon Europe
Lancé en juin 2021, Horizon Europe est le programme cadre de l’Union européenne dédié à la Recherche et l’Innovation. Il succède au programme H2020 (2014-2020). Doté d’un budget 95,4 milliards d’euros, ce programme couvre la période 2021 à 2027 et constitue le programme le plus ambitieux de l’Union européenne dans la recherche et l’innovation.
Focus : le Clean Hydrogen Partnership, un Partenariat Public-Privé pour la recherche et l’innovation dans l’hydrogène
Les appels à projets hydrogène d’Horizon Europe sont principalement lancés dans le cadre du « Clean Hydrogen Partnership ». Ce partenariat public-privé[1] soutient les activités de recherche et d’innovation (R&I) dans les technologies de l’hydrogène en Europe. Les trois membres de ce consortium sont : l’Union européenne, représentée par la Commission européenne (publique), les industries des piles à combustible et de l’hydrogène, représentées par Hydrogen Europe (privée), et la communauté de recherche, représentée par Hydrogen Europe Research (privée).
L’objectif principal de ce programme est d’accélérer le développement de la chaîne de valeur européenne des technologies basées sur l’hydrogène décarboné, contribuant ainsi à la transformation du système énergétique européen vers un modèle durable, décarbonisé et intégré. Ce programme se décline en grandes thématiques, que sont : la production d’hydrogène renouvelable, le stockage et la distribution d’hydrogène, les applications dans les transports, la chaleur et l’électricité, ainsi que les projets transversaux et les défis de recherche stratégique.
Le partenariat subventionne des projets de recherche et d’innovation identifiés par le biais d’appels à projets annuels. Il bénéficie d’un financement important, avec une enveloppe de 1 milliard d’euros de fonds publics de l’UE sur la période 2021-2027, qui devra être complétée par au moins un montant équivalent d’investissement privé (des membres privés du partenariat), portant le budget total à plus de 2 milliards d’euros.
Tous les partenaires internationaux peuvent participer au Programme (sauf entités sujettes aux mesures restrictives UE et entités russes ou biélorusses). Mais pour avoir accès au financement, les partenaires doivent être établies dans l’un des pays partenaires, à savoir les États membres de l’UE et les pays associés au programme Horizon Europe. Si le partenaire n’est pas éligible au financement (Canada, Japon, etc.) ce dernier doit couvrir ses dépenses en fonds propres et expliquer dans sa proposition comment les fonds seront sécurisés.
L’attribution des financements se fait selon une procédure précise, présentée ci-contre :
La campagne de 2023, qui s’est clôturée en avril dernier, a permis d’allouer 195 millions d’euros auprès de 26 projets, répartis comme suit :
- 49 millions d’euros pour la production d’hydrogène renouvelable (7 projets)
- 36 millions d’euros pour le stockage et la distribution d’hydrogène (5 projets)
- 25,5 millions d’euros pour les applications dans les transports (3 projets)
- 19 millions d’euros pour les applications dans la chaleur et l’électricité (4 projets)
- 7,5 millions d’euros pour des projets transversaux (3 projets)
- 38 millions d’euros pour les « vallées de l’hydrogène » (2 projets)
- 20 millions d’euros pour les défis de recherche stratégique (2 projets)
Plusieurs projets français ont été sélectionnés par la Commission européenne dans le cadre de cet Appel à projet 2023, dont le projet HOPE, porté par la PME Lhyfe et un consortium de 8 partenaires français et internationaux (dont le CEA et ERM), qui vise à atteindre une production d’hydrogène offshore en Belgique de 10 Mégawatts. Ce projet est soutenu à hauteur de 20 millions d’euros.
La Campagne 2024 d’appels à projets du Clean Hydrogen Partnership devrait être lancée en début d’année 2024.
Le programme LIFE : un fonds européen dédié à l’environnement et au climat
Ce programme dédié au soutien de projets innovants (privés ou publics) dans les domaines de l’environnement et du climat, et qui s’étend sur la période 2021-2027. Son volet le plus récent a été lancé en avril 2023 et est doté d’un budget de 5,4 milliards d’euros à l’échelle européenne. Il se répartit en 4 sous-programmes : nature et biodiversité (2,14 Md€), économie circulaire et qualité de vie (1,34 Md€), atténuation du changement climatique et adaptation (947 M€) et transition énergétique propre (997 M€). Ce sont ces deux derniers sous-programmes, « Atténuation du changement climatique et adaptation » et « Transition énergétique propre » qui se révèlent pertinents pour financer un projet lié à l’hydrogène décarboné.
Les financements du programme LIFE ne sont pas conçus pour financer de grands projets d’infrastructures, ni de recherche, mais plutôt pour financer des projets pilotes, de démonstration ou de bonnes pratiques. Les projets hydrogène liés par exemple à la mobilité ou à l’efficacité énergétique seront davantage concernés.
Les Projets Importants d’Intérêt Européen Commun (PIIEC)
Le Projet Important d’Intérêt Européen Commun (PIIEC) est un mécanisme européen visant à promouvoir l’innovation dans des domaines industriels stratégiques et d’avenir, au travers de projets européens transnationaux. Le PIIEC n’est pas un programme de financement de l’Europe, mais une notification à l’Union européenne. En effet, ce mécanisme autorise les pouvoirs publics des États membres à financer des initiatives labellisées PIIEC, au-delà des limites habituellement fixées par la réglementation européenne en matière d’aides d’État.
Les opérateurs économiques participants doivent, entre autres, démontrer un projet de leadership technologique et la volonté de coopérer avec d’autres leaders européens de l’innovation sur le secteur concerné dans le but de développer l’ensemble de la chaîne de valeur sur le territoire européen. Le PIIEC Hydrogène, approuvé en 2022, se divise en 4 domaines : production d’hydrogène décarboné, stockage et transport de l’hydrogène, applications de l’hydrogène dans les transports et applications de l’hydrogène dans l’industrie. Le PIIEC hydrogène regroupe plus de 300 partenaires (entreprises, universités, centres de recherches, organisations publiques, etc.) de 20 pays européens. Concrètement, les acteurs qui le souhaitent peuvent rejoindre un projet paneuropéen lors de l’Appel à manifestation d’intérêt (AMI). Une fois les acteurs identifiés, le projet est présenté à la Commission européenne, qui approuve ou non son financement. Les différents intervenants au projet peuvent développer des composantes distinctes, mais complémentaires et nécessaires au dispositif global. En formalisant ainsi les investissements massifs autour de l’hydrogène au niveau européen, les acteurs continentaux sont plus à même de se coordonner, de mettre les différents projets en cohérence, et au-delà, d’éviter des distorsions de concurrence.
A l’heure actuelle, la France compte plus de 10 projets retenus dans le cadre de ce PIIEC hydrogène, représentant une aide à plus de 2 milliards d’euros. Plusieurs entreprises françaises sont impliquées dans ces projets : Air Liquide, McPhy, Alstom, Renault, Faurecia, etc.
La Banque européenne de l’hydrogène
L’Union européenne a également lancé la Banque européenne pour l’hydrogène. Dotée de 3 milliards d’euros, cette Banque européenne de l’hydrogène pourrait bien devenir l’outil européen de référence en termes de financement de projets (publics ou privés de différentes tailles, allant des projets de recherche et de développement, aux projets de démonstration et de commercialisation). Afin de dynamiser le marché de l’hydrogène, la Banque européenne de l’hydrogène a lancé jeudi dernier (23 novembre) sa première campagne de financement de projets, avec une enveloppe de 800 millions d’euros. Les 2,2 milliards restants seront mis en jeu au début de l’année prochaine.
Lors de cette première phase, les producteurs d’hydrogène vert pourraient être en mesure d’obtenir une aide sous forme de « prime fixe » pendant dix ans, allant jusqu’à 4,5€ par kg d’hydrogène.
Compte tenu du budget alloué, l’ensemble du programme pourrait permettre la production d’un total de 90 000 tonnes d’hydrogène, soit environ 1% de l’objectif annuel pour 2030.
Les dispositifs nationaux pour les projets d’hydrogène décarboné : des Appels à projets davantage orientés Recherche, Développement et Démonstration
La France a dévoilé sa stratégie nationale pour l’hydrogène en 2020, dans un programme intitulé « Stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène » (SNH). Cette feuille de route prévoit un soutien public à hauteur de 9 milliards d’euros et un objectif fixé à 2030. Cette stratégie a également été réaffirmée par la Première ministre dans le cadre de France 2030, avec des investissements massifs dans la structuration de la filière hydrogène.
En France, les subventions destinées aux projets d’hydrogène décarboné sont principalement allouées par l’Agence de la transition écologique (ADEME). Cette dernière lance régulièrement des appels à projets (AAP) qui restent la solution idéale pour les entreprises, collectivités locales ou organismes publics qui souhaitent financer un projet lié à l’hydrogène décarboné.
D’autres établissements tels que l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) ou encore la Banque publique d’investissement (BPI), proposent également des subventions dédiées à la recherche et au développement, mais aussi des prêts à taux bonifiés, des garanties pour le financement d’investissements dans des projets hydrogène ou encore des exonérations fiscales.
Voici deux exemples d’appels à projets liés à l’hydrogène, lancés par l’ADEME :
AAP – Briques technologiques et démonstrateurs hydrogène | AAP – Ecosystèmes territoriaux hydrogène | |
Budgets | 350 Millions d’euros | 275 Millions d’euros |
Objectifs |
Soutenir des travaux d’innovation, permettant de développer ou d’améliorer les composants et systèmes liés à la production, au transport d’hydrogène et à ses usages, tels que les applications, industrielles, de transport ou de fourniture d’énergie. | Combiner à l’échelle d’un territoire donné les différents maillons de la chaîne : de la production jusqu’à la consommation d’hydrogène, en passant par sa distribution. |
Bénéficiaires | Entreprises seules ou en collaboration (5 partenaires maximum), notamment avec des laboratoires de recherche | Entreprises des secteurs de l’énergie, de l’industrie, du transport ou du BTP, collectivité ou acteur public en charge de l’exploitation de réseau de transport, de zones portuaires, etc. |
Projets éligibles | Composants et systèmes innovants ; Pilotes industriels et réseaux ; Conception et démonstration de nouveaux véhicules ; Écoconception et recyclabilité ; grands électrolyseurs (>20MW) | Production d’hydrogène par électrolyse (<20MW) ; distribution ; usages industriels ; mobilité et stationnaires |
Nature de l’aide | Subventions et avances remboursables | Subventions |
Dates de clôture | 3 janvier 2024 | 29 septembre 2023 |
Par ailleurs, dans le cadre de la future loi « Industrie verte », un Crédit d’impôt industries vertes (CI2V) de 20% à 45% devrait être accordé, à partir de janvier 2024, aux entreprises industrielles qui réaliseront des investissements dans l’hydrogène décarboné. Dans la continuité du Crédit d’impôt, le Crédit d’impôt innovation (CII) permet également aux PME industrielles, commerciales et agricoles d’obtenir des financements liés à des prototypes et installations pilotes de produits nouveaux[2] (le produit ne doit pas encore avoir été mis à disposition sur le marché et doit se distinguer des produits déjà existants par des performances supérieures sur le plan technique, de l’éco-conception, de l’ergonomie ou des fonctionnalités).
Financements régionaux : des stratégies régionales au service de l’hydrogène décarboné
Au-delà des Appels à projets, les porteurs de projets peuvent se tourner sur les financements et subventions alloués au niveau des régions, à l’image des fonds européen de développement régional (FEDER). Ces fonds européens, gérés au niveau local, peuvent par exemple permettre de cofinancer de la R&D et du CAPEX (infrastructures pour production, stockage, distribution H2, écosystème H2, etc.). Le financement de projets au niveau régional s’avère essentiel, car il permet de développer des projets de taille intermédiaire, qui peuvent être mis en route rapidement, et ainsi de mailler le territoire en développant localement de nouveaux usages.
« Il y a un enjeu de temporalité, entre la mise en place de très gros électrolyseurs pour la décarbonation de sites industriels, et des équipements ou des projets – notamment en mobilité -, déjà prêts à être lancés »[3] Christelle Werquin, Déléguée Générale de France Hydrogène
De fait, les entreprises et organismes souhaitant obtenir des financements pour leurs projets d’hydrogène décarboné auront tout intérêt à s’adresser aux régions, qui ont également un rôle clé à jouer dans la montée en puissance de l’hydrogène sur les territoires. Certaines régions telles que la Bourgogne-Franche-Comté, l’Occitanie ou encore la Normandie, ont déjà présenté et amorcé leur stratégie hydrogène sur leur territoire en proposant des financements spécifiques ; c’est le cas par exemple de la construction de la première station de ravitaillement en hydrogène de l’Île-de-France, à Massy.
Mise à l’échelle des projets européens d’hydrogène décarboné : des limites économiques et réglementaires qui restent à surmonter
« Le manque de soutien politique et les pressions croissantes sur les coûts mettent en péril les plans d’investissement pour l’hydrogène à faibles émissions » AIE, Rapport annuel sur l’hydrogène, 2023
Quand bien même les plans de financement français et européens constituent une véritable rampe de lancement pour la filière hydrogène décarboné en France à l’horizon 2030, des efforts sont encore à fournir pour permettre la mise à l’échelle des projets. En effet, selon le Rapport de l’hydrogène 2023 de l’AIE, «?le nombre de projets annoncés pour l’hydrogène à faibles émissions continue d’augmenter rapidement, mais la capacité installée et les volumes restent faibles, car les développeurs attendent le soutien des gouvernements avant de faire des investissements?».
Selon l’agence internationale, l’environnement économique difficile (crise énergétique, inflation, perturbations de la chaîne d’approvisionnement) met désormais à l’épreuve la détermination des développeurs d’hydrogène et des décideurs politiques à mettre en application les projets. Ajouté à cela, le prix de production de l’hydrogène décarboné, qui demeure étroitement lié au prix de production de l’hydrogène décarboné, qui dépend lui-même du coût de l’électricité décarbonée. Il s’agira donc de trouver un modèle économique permettant de garantir un niveau de prix de l’hydrogène acceptable, et ainsi convaincre les différents acteurs (publics comme privés) de la pertinence économique d’un projet.
Par ailleurs, l’accélération des investissements dans les projets industriels liés à l’hydrogène décarboné sera envisageable à condition que les réglementations – nationales comme européennes – favorisent l’industrialisation européenne des projets grâce à un cadre réglementaire incitatif. A titre d’exemple, les Etats-Unis, qui sont en voie de devenir l’un des leaders de l’hydrogène bas carbone dans le monde, ont mis en place un cadre réglementaire qui va dans ce sens : l’Infrastructure Investment and Jobs Act et l’Inflation Reduction Act (IRA) encouragent tout deux l’expansion de l’offre d’hydrogène bas carbone. Selon le Directeur Général de Hydrogen Europe, Jorgo Chatzimarkakis, « la loi américaine sur la réduction de l’inflation a prévu des conditions totalement nouvelles et l’hydrogène renouvelable produit aux États-Unis pourrait être beaucoup plus compétitif que l’hydrogène européen »[4]. De fait, selon Christelle Werquin, déléguée générale de France Hydrogène : « l’aboutissement d’un cadre réglementaire clair autour de l’hydrogène et de son utilisation, le plus rapidement possible, est fondamental au déploiement et à la compétitivité de la filière en France et en Europe »[5].
De même, certaines barrières d’accès aux marchés de l’énergie ou encore de planning peuvent ralentir les processus. C’est le cas par exemple de la FID (Final Investment Decision) (Décision Finale d’Investissement) étape cruciale et relativement longue d’un projet, pendant laquelle les acteurs vont déterminer si l’investissement dans le projet est bénéfique ou non.
De fait, sur cette période qui s’étend à 2030, les capitaux privés et les fonds d’investissements spécialisés auront tout autant leur rôle à jouer que les Etats, pour permettre la mise à l’échelle des projets d’hydrogène décarboné et la montée en puissance de la filière en Europe.
Filière Hydrogène : trajectoires et stratégies de développement en questions
Notes :
[1]Un partenariat public-privé (PPP) est la situation dans laquelle une autorité publique (ici la Commission européenne) fait appel à des prestataires privés (ici Hydrogen Europe et Hydrogen Europe Research) pour financer et gérer un équipement assurant ou contribuant au service public.
[2] Seules les dépenses allant de la conception à la réalisation d’un prototype ou d’une installation pilote d’un produit nouveau sont éligibles au CII.
[3] Techniques de l‘ingénieur ; Déploiement de la filière hydrogène : « La difficulté principale se situe sur le terrain réglementaire », 13 avril 2023.
[4] Euractiv, Stratégie hydrogène européenne : « nous avons besoin de sécurité juridique », octobre 2022
[5] Techniques de l’ingénieur, « Le paris de l’hydrogène vert », avril 2023