Mon leasing électrique : un dispositif fortement demandé qui aura finalement atteint sa cible

Dans l’optique de réduire les émissions de gaz à effet de serre liées aux mobilités, l’Union Européenne entérine en 2022 l’arrêt des ventes de véhicules à moteur thermique pour 2035. Afin d’encourager les consommateurs à s’orienter vers les achats de véhicules électriques neufs, l’État vote pour 2024 un budget de 1,5 milliard d’euros en aides et subventions diverses. Celui-ci comprend le renouvellement du bonus écologique ou de la prime conversion, mais inclut surtout un nouveau dispositif : le leasing social, dont le but est de faciliter l’accès au véhicule électrique pour tous. Dans une étude publiée suite à la validation des premiers dossiers, la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) est revenue le 21 août dernier sur le profil des premières cibles du leasing social : l’occasion de revenir sur ce dispositif.

Doté d’une enveloppe de 650 millions d’euros, le leasing social a vocation à soutenir les ménages modestes et utilisant beaucoup leur véhicule dans le cadre de leur travail dans leur location ou achat en leasing d’un véhicule électrique. Précisément, la personne prétendant à l’aide doit présenter les obligations suivantes pour être éligible :

  • Un revenu fiscal avec une part inférieure à la valeur médiane française,
  • Habiter à plus de 15 km de son lieu de travail,
  • Parcourir plus de 8000 km par an dans le cadre professionnel.

Un éligible peut alors choisir parmi une vingtaine de modèles électriques vendus par des constructeurs partenaires du dispositif, majoritairement français (Stellantis, Renault-Nissan) mais aussi étrangers (Volkswagen, Jeep), présélectionnés par le gouvernement sur la base de leur score environnemental notamment. Le loyer mensuel tourne autour des 100 € pour une entrée de gamme à 40 €/mois avec la Renault Twingo e-Tech, ces tarifs étant valables pour une durée de trois ans à compter de la date d’achat. On notera que ce système peut se cumuler au bonus écologique, le montant des aides atteignant alors 13 000 € : un chiffre choisi pour couvrir l’apport initial moyen généralement demandé par les constructeurs.

Des résultats en demi-teinte en dépit d’une très forte demande

La première édition du leasing social est rapidement victime de son succès : alors que le gouvernement tablait sur 20 000 véhicules concernés sur l’année, 90 000 commandes sont enregistrées en seulement six semaines. Les 50 000 premières et ferme le dispositif pour l’année 2024 dans la foulée, craignant un dépassement du budget total au vu du montant des aides décidé, et avançant une incapacité des constructeurs à suivre la demande.

Afin d’analyser ce premier lancement notons tout d’abord que le système choisi visait à répondre à trois enjeux :

  • Un enjeu social, en permettant à une population habituellement orientée sur le marché secondaire d’acquérir à prix cassés un véhicule neuf ;
  • Un enjeu environnemental, en consolidant l’objectif du 100% électrique dans le parc automobile français ;
  • Un enjeu économique, en boostant les ventes des constructeurs français.

Sur le volet social, le premier constat qui s’impose est celui d’une distribution trop mal répartie. Sur une population éligible d’environ 5 millions d’individus, seuls 50 000 ménages ont pu bénéficier du dispositif. Le ciblage relativement large (5 premiers déciles) aurait donc pu être resserré aux 3 ou 4 premiers déciles : il s’est fait au détriment des ménages les plus précaires. On soulignera néanmoins l’impact conséquent du leasing social sur la mobilité des heureux élus pour lesquels un apport de 13 000 € représente un apport évident.

En ce qui concerne l’impact environnemental, celui-ci est très bon si l’on se focalise sur la population cible. Sur les 100 000 véhicules neufs qu’elle achète chaque année, la moitié seront électriques en 2024, chiffre à comparer aux 16,8% d’immatriculations de véhicules électriques en France au global en 2023. D’autant que les véhicules remplacés sont parmi les plus polluants, les ménages les plus modestes possédant généralement les véhicules les plus anciens. Ces excellents résultats sont plus nuancés lorsqu’on raisonne en termes d’impact sur le parc automobile français complet, puisque le leasing social boosterait les ventes de VE de 10 à 15 points sur l’exercice 2024 selon nos estimations.

Sur le plan économique, l’État atteint son objectif de galvanisation des ventes des constructeurs français si l’on se concentre sur le marché que représente les consommateurs ciblés. En effet, 50 000 véhicules auront été vendus en 6 semaines, ce qui correspond à la moitié des immatriculations annuelles pour cette frange de la population. Si l’on s’intéresse en revanche à l’impact sur l’ensemble des ventes, il n’est significatif que pour Stellantis qui rafle 37 000 des contrats signés, L’impact est plus anecdotique pour Renault (10 000 contrats soit 2,5% des ventes sur une année), et carrément négligeable pour les autres constructeurs concernés. La bonne opération de Stellantis s’explique principalement par sa mainmise sur les modèles proposés : 11 des 22 modèles proposés lui sont rattachés.

Au niveau de la demande, on observe que le succès des modèles est globalement décorrélé de leur prix de location. La Peugeot e208 se place largement en tête des contrats signés avec ses 99 € / mois, tandis que des modèles d’entrée de gamme comme la Twingo ou la Fiat 500 se montrent également attractifs. A l’opposé du spectre, la Citroën e-C4 rencontre également un certain succès en dépit des 129 € mensuels demandés.

Un profil d’utilisateur plus jeune et plus modeste

Le budget massif alloué au leasing social a tout de même eu le mérite de poser la question du véhicule électrique aux Français. Notamment pour ceux qui se tournent peu vers cette forme de mobilité lorsqu’elle n’est pas subventionnée. En effet, les résultats de l’étude de la DGEC, basée sur les dossiers de demandes d’aides validées par l’Agence de Services et de Paiement (ASP) montrent cependant que le dispositif a bien touché le public visé, à savoir des ménages modestes : environ 40% des bénéficiaires gagnent moins de 10.200€ de revenu fiscal annuel. Plus étonnant encore, sur les 25.000 premiers bénéficiaires (sur 50.000 environ au total), l’âge moyen est de 40 ans, soit 9 ans de moins que la moyenne des conducteurs de véhicules particuliers électriques neufs en 2023, et presque un quart des bénéficiaires ont 35 ans ou moins. Ces premiers résultats témoignent donc d’une démocratisation du véhicule électrique, notamment dans des populations qui n’en bénéficiaient que peu jusqu’alors, même si les résultats de l’étude portent sur la moitié des bénéficiaires de l’édition 2024.

Source : lien publication de la DGEC

Quelques axes d’amélioration pour une édition 2025 à plus fort impact

Dans l’hypothèse d’un budget équivalent consacré au leasing social en 2025 et d’une production capable de s’adapter à un rythme plus soutenu, baisser le montant de l’aide par ménage nous semble être une priorité. L’emballement de la demande sur l’édition 2024 laisse penser que l’offre resterait attractive même en cas de baisse importante, et cette modification permettrait mécaniquement à plus de ménages de profiter de l’offre, renforçant l’impact social. L’augmentation du nombre de véhicules vendus associée entraînerait une croissance des ventes plus concrète pour les constructeurs, et l’empreinte environnementale globale du dispositif serait accrue. C’est semble-t-il la direction prise par Bercy pour 2025, qui a annoncé l’extension du leasing social à 100 000 véhicules électriques.

La prochaine édition ressortirait aussi gagnante si elle restait limitée aux 30 ou 40% de ménages les plus modestes. Seul 1% de la population cible a obtenu l’aide en 2024, ce qui là encore ne laisse pas craindre d’essoufflement de la demande si l’on diminue le nombre d’individus éligibles : autant privilégier ceux pour lesquels la subvention a le plus de sens. En termes de différentiel d’impact carbone et de pollution aux particules fines, on soulignera de nouveau que les populations aux revenus les plus faibles sont ceux qui possèdent les véhicules les plus polluants. Pour ce qui est de l’impact économique par rapport aux questions de solvabilité des ménages que soulèverait ce changement, il resterait inchangé car le dispositif prévoit que l’État finance les impayés.

De manière générale, l’exemple récent de l’Allemagne nous montre qu’il faut continuer l’effort budgétaire pour rester dans cette bonne dynamique de transition du parc automobile. Notre voisin a vu ses ventes de véhicules électriques s’effondrer de moitié après avoir mis un terme à son plan d’aides sur les mobilités électriques en décembre 2023. La question de l’inclusion de plus de constructeurs européens pour le leasing social reste en suspens, sachant que l’effet serait une atténuation mécanique des gains de ventes pour les constructeurs français.

Enfin, le développement de la voiture électrique ne pourra se faire sans des campagnes de responsabilisation sur l’usage de la voiture. Réduire l’empreinte environnementale des transports passe aussi par exemple par le fait de privilégier les transports en commun lorsque c’est possible. Utiliser un véhicule électrique amène justement à réfléchir au problème de la recharge, et à remettre en question l’utilité de certains déplacements.

Voir également notre analyse sur l’impact du bouclier tarifaire pour les e-automobilistes

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