Panorama des usages du smart charging

La 90ème édition du Mondial de l’Automobile, à Paris du 14 au 20 octobre 2024, prévoit un cycle de conférences consacré au futur de l’automobile. L’influence de la technologie, l’Intelligence Artificielle et la généralisation du véhicule électrique d’ici 2030 y seront les principaux sujets évoqués. Le smart charging fait partie des nombreuses pistes de réflexions des acteurs de la mobilité concernant la généralisation du véhicule électrique. Par exemple, Renault mise sur le smart charging en intégrant un chargeur bidirectionnel à son nouveau modèle, la « Renault 5 E-Tech » (réservé aux versions 110 kw et 90 kw). Pour mieux en comprendre les enjeux, ce premier article vise à présenter le smart charging et ses différents cas d’usages. 

Qu’est-ce que le smart charging ? 

Le smart charging correspond à l’optimisation de la recharge de son véhicule électrique selon plusieurs paramètres (moment de la recharge, prix de l’électricité, impact sur le réseau, puissance souscrite). Il renvoie à la mise en oeuvre de procédés de recharge ayant pour double objectif de : 

  • Subvenir aux besoins de recharge des utilisateurs
  • Répondre aux contraintes et opportunités du réseau électrique 

D’abord, le smart charging bénéficie à l’utilisateur qui réalise une économie en rechargeant son véhicule au moment où le prix de l’électricité est le plus avantageux. Sur le plan écologique, l’utilisateur peut également tirer satisfaction du fait que la recharge de son véhicule intervient au moment où la production d’électricité est la plus forte, notamment lors de la production d’énergies renouvelables intermittentes (comme le photovoltaïque). 

Les autres acteurs de l’écosystème de la mobilité électrique bénéficient également du smart charging. La recharge du véhicule se fait au meilleur moment pour ne pas créer de pics de demande et maintenir la stabilité du réseau électrique. Ce fonctionnement permet aux acteurs de l’écosystème de mieux maîtriser leurs coûts tout en proposant un nouveau service smart charging. 

Plus généralement, le smart charging facilite la gestion du réseau électrique. En effet, la puissance soutirée est régulée et les pics de consommation sont limités sans conséquences visibles sur le réseau. 

En effet, et comme évoqué dans un précédent article sur le rôle de la flexibilité du réseau, « dans un contexte de transition énergétique, l’électrification des usages et la part croissante des énergies renouvelables dans le mix énergétique entraînent un changement de paradigme pour le réseau électrique. La production et la consommation d’électricité seront davantage fluctuants et flexibles pour faire face à la volatilité du prix de l’électron, et à l’intermittence des sources d’énergie renouvelables. ». Dans ce contexte, et face à l’augmentation du nombre de véhicules électriques à recharger, le smart charging constitue un levier pour s’assurer de la disponibilité électrique. 

Les déclinaisons du smart charging 

La notion de smart charging renvoie à différents types de recharge intelligente : le V1G, le V2B/V2H, le V2G et le V2X.  Avec le V1G ou recharge unidirectionnelle, la recharge de la batterie du véhicule s’effectue de manière optimale selon la puissance disponible dans l’infrastructure de recharge, les besoins de mobilité de l’utilisateur, le prix de l’électricité, la production d’énergies renouvelables locales, la santé de la batterie du véhicule et la flexibilité du réseau électrique. Plus concrètement, la recharge s’effectue sur le créneau horaire ou à la puissance (donc la vitesse) de la charge sont les plus adaptés en fonction des opportunités du réseau et des préférences de l’utilisateur. 

Certaines applications, comme Mobilize ou Youree, permettent déjà à l’utilisateur de gérer sa recharge en introduisant le smart charging. Par exemple, l’utilisateur peut décider de décaler sa recharge à 22 heures, de la reporter au moment où le prix de l’opération est inférieur à x euros ou de recharger son véhicule uniquement sur les heures creuses. 

Avec la recharge bidirectionnelle (Vehicle-to-Everything ou V2X), la batterie du véhicule peut aussi réinjecter de l’électricité dans une maison (Vehicle-to-Home), un bâtiment (Vehicle-to-Building ou V2B) ou même le réseau (Vehicle-to-Grid ou V2G). 

Le smart charging chez les particuliers 

Dans certains foyers, l’installation de panneaux photovoltaïques permet de consommer directement l’électricité produite : on parle alors d’autoconsommation. Le smart charging est particulièrement intéressant dans ces contextes d’autoconsommation. Ici, il permet au foyer d’économiser sur sa facture finale en rechargeant le véhicule lorsque l’électricité est produite par les panneaux solaires. 

Plus généralement, le smart charging permet de recharger son véhicule au moment opportun et au plus bas coût. L’utilisation de l’électricité est alors priorisée (par exemple, en privilégiant une utilisation domestique à celle pour la recharge). 

Poussant plus loin ce raisonnement, le vehicle-to-home introduit l’idée d’utilisation de la batterie du véhicule comme source d’alimentation du foyer (notamment utile en cas de panne d’électricité). 

L’optimisation de la recharge chez les professionnels 

Le smart charging bénéficie aussi aux professionnels en répartissant la puissance souscrite entre les véhicules de leurs flottes. 

Pour aller plus loin, les flottes de véhicules deviennent un levier d’amélioration de la flexibilité du réseau avec le vehicle-to-grid. Avec le V2G, les batteries sont chargées au moment opportun et l’électricité stockée est réinjectée lorsque la demande est élevée. Cela permet de répondre, en partie, aux pics de consommation. Or, ceux-ci seront de plus en plus nombreux avec la hausse du nombre de véhicules électriques. Les gestionnaires peuvent aussi optimiser leurs coûts en stockant l’électricité et en la revendant lors de pics de demande. 

Le V2G limite également les aléas de l’intermittence de la production par les énergies renouvelables. En utilisant les batteries des véhicules, l’électricité est stockée puis restituée en temps voulu. Ici, le vehicle-to-grid répond aux besoins du réseau en absorbant l’énergie produite et en la réinjectant. 

Cette flexibilité contribue à la réduction de l’empreinte carbone en accompagnant le développement des énergies renouvelables tout en maintenant la stabilité du réseau. Cela est facilité par la forte prédictibilité des comportements de recharge chez les professionnels. Par exemple, les véhicules restent branchés aux bornes de longues heures hors du temps de travail. Ainsi, il est plus aisé de prévoir une modulation, un effacement ou un report de la recharge. 

Pour plus d’analyse sur le V2G, un article sur le sujet a été rédigé : V2G : Les véhicules électriques, outils de la flexibilité du réseau électrique ? 

La recharge dans les copropriétés 

Le smart charging permet aussi d’éviter une surcharge sur le réseau électrique des copropriétés. Comme pour les particuliers, la recharge au sein de la copropriété s’ajuste pour chaque véhicule en fonction des priorités définies. De cette manière, les conflits d’usage et les montants trop élevés des factures d’électricité des résidents sont évités. 

Avec le V2B, le smart charging peut aussi alimenter les parties communes et renforcer l’autonomie énergétique de la copropriété. 

Le smart charging appliqué aux bornes publiques 

A plus grande échelle, les opérateurs de bornes de recharge publiques maximisent l’utilisation des infrastructures. Le smart charging leur permet d’adapter dynamiquement la puissance en fonction de la demande et de la puissance disponible. Cette adaptation est particulièrement avantageuse dans les régions où le réseau est susceptible d’être saturé rapidement, comme dans les îles. La recharge bidirectionnelle est d’autant plus intéressante dans ces régions, puisqu’elle permet de stocker puis réinjecter des surplus d’électricité. 

Le point de vue de Gireve

La recharge publique apporte davantage de flexibilité. D’après des projections à horizon 2035 réalisées par Gireve, si le système électrique est en mesure de moduler 10% des recharges réalisées sur les bornes publiques en France, il serait possible de mobiliser une puissance électrique oscillant entre 50 et 100 MW en moyenne sur les heures de pointe. 50 à 100 MW équivalent à la production d’une petite turbine à combustion, telles que celles utilisées pour répondre aux pics de consommation hivernaux en région parisienne. Une telle mobilisation de puissance, en soutirage comme en injection, générerait une flexibilité conséquente. Elle pourrait ainsi être proposée via des agrégateurs à des mécanismes de capacités ou d’effacement. 

En Europe, les mécanismes de capacité et d’effacement sont principalement gérés par les gestionnaires de réseaux de transport d’électricité (TSO), qui sont responsables de la stabilité et de l’équilibre du réseau à haute tension à l’échelle nationale ou régionale. Cependant, les gestionnaires de réseaux de distribution (DSO), qui s’occupent des réseaux à basse et moyenne tension pour acheminer l’électricité vers les consommateurs finaux, jouent également un rôle croissant dans la gestion de la flexibilité au niveau local, ce qui inclut des dispositifs d’effacement et, dans certains cas, une approche locale des capacités. 

En effet, certains DSO en Europe commencent à mettre en place des marchés locaux de flexibilité. Ces mécanismes permettent d’acheter des services de flexibilité auprès de consommateurs ou producteurs d’électricité décentralisés. C’est notamment le cas des petites installations renouvelables, des batteries ou des dispositifs d’effacement. Ils permettent de gérer les contraintes locales du réseau de distribution, notamment pour éviter les congestions ou retarder des investissements en infrastructures. 

Par exemple, le Royaume-Uni a lancé des appels d’offres pour réduire la consommation ou augmenter la production d’énergie à des moments critiques au niveau du réseau local, ce qui permet de développer les initiatives locales de flexibilité via les DSO. 

Les DSO peuvent également collaborer avec des agrégateurs d’énergie pour coordonner la gestion de la demande à travers des mécanismes d’effacement en regroupant des capacités de consommation et, parfois, de petites productions locales (comme celles issues des installations photovoltaïques ou des batteries). 

En France, Gireve a pris part au projet aVEnir entre 2019 et 2023. Enedis y a approfondi ces mécanismes locaux de demande de flexibilité auprès d’opérateurs de bornes de recharge ouvertes au public. Ils peuvent être déployés pour soutenir la gestion des réseaux de distribution, notamment dans des zones de tensions. 

Enfin du point de vue de la réglementation européenne, le Clean Energy Package de l’Union européenne a ouvert la voie à une participation accrue des DSO dans la gestion de la flexibilité et dans la coordination avec les TSO pour une meilleure efficacité globale du système électrique. 

Le besoin d’une borne compatible 

En dépit des avantages du smart charging, il existe quelques prérequis et contraintes à sa mise en oeuvre. D’abord, le véhicule de l’utilisateur doit être compatible avec la technologie utilisée pour la charge unidirectionnelle et/ou la charge bidirectionnelle. L’accès à une borne communicante reconnaissant les signaux transmis par une borne pilote ou un compteur est également nécessaire. 

L’utilisateur doit aussi autoriser l’accès aux données de son véhicule (par exemple, concernant l’état de la batterie). En effet, face aux échanges constants entre les acteurs la gestion de la donnée constitue un enjeu majeur. Elle permet de gérer la recharge le plus en adéquation possible avec les besoins du véhicule et l’état du réseau. Elle implique un accès à des espaces d’échanges sécurisés, une interopérabilité des systèmes et une collaboration forte entre les acteurs. 

En ce sens, certaines normes facilitent le développement du smart charging. Par exemple, l’ISO 15118-20 sur le Plug & Charge simplifie et sécurise la communication entre la borne et le véhicule. 

Le smart charging semble très prometteur. Il constitue un levier pour répondre à la demande croissante en électricité et à l’augmentation du nombre de véhicules électriques. En effet, il permettrait une meilleure gestion du réseau et une meilleure allocation des ressources en électricité à tous niveaux, individuels comme collectifs. Aujourd’hui, cette solution en est encore à ses débuts et reste à développer à grande échelle. Pour ce faire, les acteurs de la mobilité électrique devront renforcer leur interopérabilité et collaboration. 

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