Une nouvelle startup américaine nommée Gridmates, permet, via sa plateforme, de faire des dons d’électricité partout dans le monde. L’objectif de son fondateur George Koutias ? “Créer un outil pour aider les personnes n’ayant les moyens de payer l’électricité”. Le principe devrait être bientôt étendu au gaz et à l’eau.
Précarité énergétique : une situation préoccupante
L’article 3 bis A issu de Grenelle 2 publié en 2010 fixe la définition de précarité énergétique en ces termes : « Est en situation de précarité énergétique au titre de la présente loi une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat ». Les Britanniques, qui se sont intéressés au sujet avant les Français car devant composer avec un climat plus rigoureux, considèrent de manière pratique que les ménages dont la dépense d’énergie théorique dépasse 10% de leur revenu après imposition sont en situation de précarité énergétique.
À titre d’exemple, on estime qu’environ 20% de la planète n’a toujours pas accès à l’électricité, principalement dans les pays en voie de développement. Mais la précarité énergétique n’épargne pas non plus les pays riches : entre 5 et 6% de la population française se retrouve dans cette situation chaque année, ce pourcentage dépassant les 10% aux États-Unis. Il n’est donc pas étonnant que ce soit dans ce dernier pays que la startup Grindmates ait vu le jour.
Gridmates, une plateforme de partage d’électricité
Gridmates est une plateforme web sur laquelle les utilisateurs peuvent faire des dons d’électricité à la personne de leur choix, sous réserve qu’elle soit elle-même inscrite sur Gridmates.
Pour l’instant, il ne s’agit pas d’un transfert d’électricité à proprement parler : le donateur indique sur la plateforme la personne ou l’organisation à qui il veut donner (à date, les seuls bénéficiaires sont des ONG mais le modèle devrait s’étendre aux particuliers) et le montant d’électricité voulu (ou l’équivalent en kWh), le don se faisant par Paypal.
Dans un 2ème temps, ce montant sera débité sur sa facture et crédité sur celle de la personne aidée . On imagine alors que Gridmates jouera le rôle d’intermédiaire entre les différents fournisseurs. Cependant, George Koutias, le fondateur de Gridmates, veut aller encore plus loin et affirme travailler avec des fournisseurs d’énergie pour mettre en place un partage plus direct.
Puisque Gridmates reste avant tout une entreprise, il serait intéressant, sinon nécessaire, de nous pencher sur le modèle d’affaire de celle-ci. Or, la captation de la valeur créée n’est aujourd’hui pas identifiée : se fait-elle par une commission prise sur les dons ? via l’utilisation des données personnelles et de consommation ? Si Gridmates ne communique pour l’instant pas dessus, il faudra lever tôt ou tard cette zone d’ombre. En attendant, George Koutias entend développer son entreprise en dehors des États-Unis et adapter ce système au gaz et à l’eau.
Un modèle applicable en France ?
Même si, en théorie, le déploiement de Gridmates (ou d’une plateforme similaire) en France pourrait être couronné de succès, il semble plus difficile qu’aux États-Unis car la philosophie du don, sur lequel est bâti le principe de la plateforme, y est moins développée. À titre d’exemple, en 2014 le montant total des dons s’élevait à 2% du PIB brut aux États-Unis alors qu’il n’était que de 0,2% en France en 2013, soit 10 fois moins.
Derrière ces différences se cache une vraie bataille idéologique : celle du rôle de l’État dans la redistribution des richesses. Si les aides étatiques liées à l’énergie sont quasi-inexistantes aux États-Unis, a contrario il existe en France deux outils pour lutter contre la précarité énergétique. Le Fond de Solidarité pour le Logement, tout d’abord, peut, sous conditions d’éligibilité, rembourser au fournisseur les factures impayées d’eau, d’énergie et de téléphone d’un particulier. Les tarifs sociaux (Tarif de Première en Nécessité en électricité, Tarif Spécial de Solidarité en gaz), quant à eux, obligent les fournisseurs à appliquer une réduction sur la facture des clients qui en bénéficient, ou à verser une somme forfaitaire par chèque aux bénéficiaires habitant des logements à chauffage collectif. Les fournisseurs sont ensuite remboursés du manque à gagner par la Caisse Des Dépôts, alimentée par une taxe prélevée sur l’ensemble des clients gaz et électricité (bénéficiaires ou non des tarifs sociaux).
D’un point de vue sociétal donc, la pénétration d’une plateforme comme Gridmates n’est pas forcément acquise en France. Reste à savoir si les dons via ce type de plateforme bénéficieront de la loi 2003 qui permet aux particuliers de déduire fiscalement les deux tiers de leurs donations et aux entreprises d’en retrancher 60%. Auquel cas, Gridmates pourrait bien décoller, mais pas forcément selon l’objectif de son fondateur…
Crédit photo : Joern Spiegelberg (CC BY-ND 4.0)