Le marché de l’énergie est en perpétuelle évolution. De lourds investissements sont réalisés du fait de la croissance des énergies renouvelables, de l’importance du développement durable et de l’émergence des nouvelles technologies dans ce secteur. Cependant, face à ces coûts importants, de nouveaux outils doivent être développés pour assurer la viabilité des nouveaux modes de production d’énergie, et en particulier des outils de prévision de la production. Cette problématique est d’autant plus prégnante pour les énergies renouvelables étant donné leur variabilité et leur intermittence. En effet, elles ne sont pas disponibles de manière permanente et leur disponibilité varie fortement selon les conditions météorologiques.
Mais alors, quels sont ces outils de prévision ? Vers quelles solutions se tournent les acteurs de l’énergie ? Pour quelles cibles ? Quelles sont les perspectives d’un tel marché ?
Une part croissante des EnR dans la production et la consommation électrique…
Les énergies renouvelables représentent 20% de la consommation électrique mondiale. Ce nombre comprend les différentes formes d’énergie : le solaire photovoltaïque, le solaire thermique, l’éolien, la biomasse et la géothermie. Pour réduire leur dépendance aux énergies fossiles et sécuriser leur approvisionnement, de nombreux pays se tournent vers les énergies renouvelables. La part des EnR dans le monde tend ainsi à augmenter.
De même en France, la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte, adoptée le 22 juillet 2015, prévoit de faire passer la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie à 32% d’ici 2050, alors qu’elles représentaient 19,5% de la consommation électrique française en 2014. La production des EnR s’inscrit donc dans une dynamique de croissance, déjà amorcée depuis plusieurs années.
…mais une intégration difficile
Les EnR tendent certes à croître dans la part de la production et de la consommation électrique mais ce sont des énergies intermittentes, notamment les énergies éolienne et photovoltaïque. Elles ne sont pas disponibles en permanence et leur production peut fortement varier, sans que cette variation ne puisse s’ajuster automatiquement à celle de la demande.
Les réseaux électriques actuels ne sont pas conçus pour gérer l’arrivée massive des moyens de production de ce type. Le taux de pénétration, qui représente la puissance fournie au réseau par rapport à la demande de puissance constatée à chaque instant, est ainsi limité à 30% de la puissance consommée dans les réseaux îliens français. Cette restriction permet de minimiser l’impact de leur raccordement sur le réseau mais ce nombre est destiné à augmenter. Les gestionnaires de réseau devront ainsi s’y adapter.
Les outils de prévision de la production : une clé de réussite pour l’insertion des EnR
Différentes solutions peuvent être envisagées afin de faciliter l’insertion des EnR et aider les gestionnaires de réseau à s’y adapter : la construction de nouvelles architectures, la maîtrise de la demande d’énergie ou encore le renforcement du réseau. Mais une des clés majeures repose dans les technologies Smart Grids. Elles permettent de gérer le réseau de manière réactive, sur différents types d’actions : l’observation, la prévision, le pilotage et contrôle, le stockage et la consommation.
Les outils de prévision de la production sont, en outre, une nécessité pour les différents acteurs de l’énergie en vue de l’augmentation de la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité. Les gestionnaires de réseau doivent avoir une vue globale sur la quantité d’énergie que peuvent fournir l’ensemble des producteurs décentralisés, et ces derniers doivent à leur niveau également bénéficier d’outils pour calculer la production d’énergie qu’ils peuvent mettre à disposition.
Panorama des acteurs et des outils sur le marché
Afin de répondre à ce besoin, différents acteurs ont lancé des outils de prévision de la production des énergies renouvelables. Des acteurs de la chaîne de valeur de l’énergie comme des producteurs, des gestionnaires du réseau de transport et de distribution ont ainsi développé des outils, généralement pour leur usage propre.
Mais d’autres acteurs tels que des fabricants d’onduleurs ou de panneaux, des éditeurs de logiciels ou des startups spécialisées dans ce domaine sont également présents sur ce marché et développent des outils dans le but de les commercialiser.
Trois principaux types d’outils peuvent être recensés :
- les outils de prévision météorologique qui ont pour principale cible des producteurs : « Forecasting Vestas », outil développé par Vestas, un producteur d’éoliennes basé au Danemark, permet par exemple de prévoir la production de parcs éoliens. Ces derniers reposent sur la détection de l’ensoleillement pour l’énergie solaire avec des caméras grand angle ou des images satellite et sur les prévisions de vent pour l’éolien. Ces données sont généralement couplées à des modèles météorologiques et des modèles statistiques ainsi que sur les données historiques de production.
- les outils de prévision de production des parcs EnR à destination des gestionnaires de réseau, tels que l’outil eterra développé par Alstom qui permet de superviser et de prévoir les flux d’électricité injectés par les centrales solaires et éoliennes. Les solutions dédiées aux gestionnaires de réseau sont pour la plupart des plateformes logicielles qui centralisent les données des différentes productions par des envois fréquents d’informations, auxquelles on associe des méthodes de calcul et des systèmes auto-apprenants pour des prévisions de production à venir.
- les outils de prévision de production résidentielle à destination des particuliers comme Sunny Home Manager de SMA qui est une solution de contrôle des flux énergétiques du foyer. Cette dernière catégorie est également un marché en plein essor. Le développement des solutions Smart Home et de Home Energy Management incitent de plus en plus les particuliers à produire en partie leur propre électricité. Des outils de prévision résidentielle leur permettent d’optimiser leur consommation d’électricité locale par rapport à l’électricité fournie par le réseau.
Un marché en développement
Les outils de prévision de production des énergies renouvelables concernent davantage les énergies éolienne et photovoltaïque, qui sont les plus susceptibles de connaître de fortes variations et également celles dont le besoin est le plus fort. Les outils sont généralement plus matures dans le domaine de l’énergie éolienne. Cependant, des startups comme Steadysun vont permettre à l’énergie solaire de tirer son épingle du jeu.
Le marché des outils de prévision est néanmoins encore loin d’être mature car beaucoup de solutions développées sont encore à l’état de recherches ou d’expérimentations sur des projets démonstrateurs. C’est le cas par exemple de Soleka, qui permet la prévision de l’ensoleillement du territoire développé par la start-up réunionnaise Reuniwattt et mis en place sur le projet IssyGrid.
Les grands acteurs de la chaîne de l’énergie, tel ERDF ou RTE en France, ont quant à eux développé leurs propres outils qu’ils utilisent seulement en interne.
Ces outils sont indispensables pour l’insertion des énergies intermittentes dans le réseau mais des limites subsistent encore. Le perfectionnement des modèles pour diminuer les marges d’erreur en améliorant par exemple les approches probabilistes, le développement des prévisions à différentes échelles de temps (temps réel à plusieurs semaines), mais également la capacité à valoriser et à exploiter les données sont des pistes de progression. Les données reçues par les différentes productions décentralisées doivent être exploitées au-delà de la simple action de surveillance.
Enfin, les outils de prévision doivent être associés à des outils d’observation, de contrôle et de stockage. En effet, la prévision de production n’est exploitée à sa pleine valeur que lorsqu’elle est utilisée avec des outils complémentaires comme les solutions de stockage. Les différentes technologies Smart Grids doivent être interfacées pour fonctionner de manière optimale et permettre l’amélioration de l’insertion des énergies renouvelables.