Les pays dits « du sud », autrefois peu sensibilisés à la question du climat, se sont rendus compte ces dernières années du caractère urgent de la situation. La raison ? La multiplication des catastrophes naturelles dans ces pays (tornades, inondations…), à l’image du tsunami de décembre 2004 au large de l’Indonésie qui avait fait plus de 200 000 victimes. Cette prise de conscience est d’autant plus importante au lendemain du démarrage de la COP21, conférence internationale sur le climat réunissant à Paris les dirigeants du monde entier. En outre, ce positionnement récent des pays du sud est la condition sine qua non à la conclusion d’un accord global visant à limiter les émissions de gaz à effet de serre. Néanmoins, sans l’engagement de la Chine et l’Inde (deux des principaux émetteurs au monde), la recherche de consensus semble difficile à atteindre. Ces deux pays sont-ils vraiment prêts à mettre en oeuvre des mesures concrètes pour limiter leurs émissions ?
La Chine veut-elle (enfin) rattraper son retard ?
Avec près de 25% des émissions mondiales de CO2, la Chine est aujourd’hui le plus gros pollueur au monde. En 2010, le pays en a même émis deux fois plus que l’Union Européenne des 27, ce qui semble démesuré. La politique mise en oeuvre par ses dirigeants montrent à quel point ces derniers cherchent à renverser la tendance pour que la Chine quitte enfin son statut de mauvais élève sur le plan climatique. Cela a commencé par un signal très fort il y a un an quand le pays a signé un accord qualifié d’historique avec les Etats-Unis. Au cours de sa rencontre avec Barack Obama, le président chinois s’est notamment engagé à développer les énergies propres (solaire et hydroélectricité principalement) afin que ces dernières atteignent 20% de la production énergétique chinoise d’ici 2030. Une chose est sûre : il ne cherche pas à faire plaisir à ses partenaires occidentaux, il le fait avant tout dans l’intérêt de son pays. En outre, la Chine poursuit 3 objectifs :
- Tout d’abord, la pollution de l’air y est bien trop élevée, notamment dans les villes. Chaque année, de nombreuses personnes en meurent. La situation est d’autant plus préoccupante que d’ici 5 ans, environ 60% de la population vivra en zone urbaine. Il apparaissait donc urgent pour les dirigeants du pays d’agir face à cet inquiétant constat.
- Ensuite, l’enjeu économique d’une telle démarche est évident. En effet, la situation écologique a fait fuir les investisseurs ces dernières années. Il est donc nécessaire pour le pays de trouver les leviers pour séduire à nouveau et redonner un élan à son économie. L’investissement dans des énergies plus propres constitue un moyen efficace de rassurer les industriels. Ainsi, en 2014, l’enveloppe dédiée aux énergies vertes avoisinait les 90 milliards de dollars, soit une hausse de plus de 30% en un an.
- Enfin, ce revirement de situation de la Chine est avant tout politique : en prenant une position ferme sur la question du climat, les dirigeants du pays entendent bien occuper une place de choix sur l’échiquier mondial. Elle incite ainsi les pollueurs occidentaux et ses voisins à agir dans son sens.
Au regard de ce constat, sa contribution à la COP21 apparaît donc comme plus que nécessaire pour que cette dernière soit un succès. Mais qu’en est-il se son voisin indien ?
L’Inde, un pays réactionnaire sur la question du climat ?
Pour mieux comprendre le positionnement de l’Inde sur le sujet, il convient d’insister sur les défis majeurs et pour le moins préoccupants auxquels le pays fait face aujourd’hui :
- Sa démographie : la taille de sa population ne cesse d’augmenter depuis plusieurs décennies et l’effet actuel risque de se prolonger pendant encore de nombreuses années. Cette croissance exponentielle (estimation de 1,7 milliard d’habitants d’ici à 2050) aura même pour effet d’ici 2022 d’en faire le pays le plus peuplé de la planète, devant son voisin chinois.
- Le taux d’urbanisation : l’Inde reste un pays rural mais ce ne sont pas moins de 31% de ses habitants qui vivent aujourd’hui dans les villes, souvent extrêmement polluées à cause du trafic automobile. De plus, selon les scientifiques, un demi milliard de nouveaux résidents devraient rejoindre les zones urbaines d’ici 2050, ce qui est loin d’être négligeable, rapporté à l’ensemble de la population.
- Son mix énergétique : ce dernier est particulièrement inquiétant. En outre, le pays recourt massivement au charbon qui est de loin sa principale source de production d’électricité. Ce triste constat le place au troisième rang des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre au monde. Au vu des deux indicateurs pré-cités, l’Inde ne peut continuer dans cette voie, non viable et surtout extrêmement dangereuse pour ses habitants.
Malgré un scepticisme historique sur la question du climat, l’Inde a fait il y a quelques semaines une annonce surprenante qui marque un véritable bond en avant : le pays d’Asie du sud s’engage à produire à horizon 2030, 40% de son électricité à partir d’énergies renouvelables. Cet objectif est ambitieux, certes, mais il est résolument nécessaire car sans un effort de l’Inde, les efforts nationaux des autres pays seront vains. Seul ombre au tableau : ses dirigeants n’ont apporté aucune précision sur leurs objectifs de réductions d’émissions de gaz à effet de serre.
Grâce à sa position par rapport à l’équateur, l’Inde peut également se reposer sur un atout de taille : un taux d’ensoleillement élevé ; la problématique principale restant le financement des infrastructures nécessaires. La COP21 lancée ce lundi a, en outre, permis de trouver une solution efficace pour pallier cette difficulté majeure et ouvert la perspective d’une coalition globale pour le solaire. Son objectif ? Encourager les industriels à investir pour exploiter le potentiel photovoltaïque des pays de sud. La force de cette alliance internationale, telle qu’elle a été présentée, est de « fédérer des pays dotés d’un potentiel en matière d’énergie solaire, et promouvoir la coopération entre les pays industrialisés qui disposent des technologies et des financements et ces pays en développement ». Cette initiative unique en son genre montre une fois de plus que le solaire a de beaux jours devant lui.
Il semble aujourd’hui impossible de progresser à l’échelle mondiale sur la question du climat sans embarquer la Chine et l’Inde dans les discussions. Or, l’Alliance internationale lancée ce lundi et les efforts importants de la Chine sur le sujet ouvrent de belles perspectives pour les années et décennies à venir. Néanmoins, malgré la prise de conscience accrue du dérèglement climatique et l’évolution des mentalités des dirigeants du monde entier, il ne faut pas perdre de vue que c’est avant tout un travail de longue haleine qui nécessite une mobilisation forte et durable.