Georges Audras, fondateur et président de la coopérative Energies Partagées en Alsace fera partie du panel des invités au prochain Energycamp organisé par Solucom le 4 avril prochain. Energystream a eu la chance d’échanger avec lui sur ses différents projets et sur sa vision de l’énergie collaborative.
Energystream : Bonjour Monsieur Audras, en quelques mots, pourriez-vous nous présenter votre coopérative?
Georges Audras : La coopérative Energies Partagées en Alsace est une société de production d’énergie participative, elle permet à tout citoyen d’investir dans des projets de production d’énergie renouvelable ou des projets visant l’efficacité énergétique. La coopérative a été créée en 2008 suite au fort engouement constaté autour des panneaux photovoltaïques et leur potentiel, les citoyens ont exprimé un réel intérêt pour cette initiative et ils étaient nombreux à nous rejoindre. Grâce à leur engagement nous avons pu lancer de nombreux projets d’installation de panneaux photovoltaïques, le dernier en date est un grand projet transfrontalier en partenariat avec une autre coopérative allemande. Aujourd’hui nous investissons principalement dans l’énergie solaire, mais nous comptons nous lancer prochainement dans des projets d’efficacité énergétique.
Energystream : Comment fonctionne votre coopérative?
Georges Audras : Les citoyens apportent leur capital et deviennent actionnaires de la coopérative, le capital ainsi constitué sert à financer des projets développés par la coopérative, en effet, les propriétaires de bâtiments qui peuvent être des citoyens ou des entreprises proposent des toitures dont nous étudions l’intérêt d’être équipées en panneaux solaires. Si le projet est approuvé, nous décidons l’investissement sachant qu’il y a un fond national qui permet de financer les grands projets. Nous remboursons notre emprunt et nous rémunérons nos actionnaires grâce au contrat de vente d’électricité qui court sur 20 ans, après cette période, le propriétaire du bâtiment peut récupérer gratuitement la centrale solaire.
Energystream : Le fonctionnement de votre coopérative ressemble à celui d’un fond d’investissement classique, qu’est ce qui ferait donc le succès de votre modèle?
Georges Audras: Ce modèle est intéressant pour de simples raisons :
- Il permet à tout citoyen d’être un réel acteur de la transition énergétique, et la réalité montre qu’il y a une réelle envie de s’engager dans ce type d’initiatives.
- Ce modèle accompagne mieux le passage de la production d’énergie vers un modèle plus décentralisé et local.
- L’investissement est sécurisé par des contrats de vente d’électricité de 20 ans, ceci permet de rassurer les actionnaires sur leur investissement.
Le citoyen se met donc en position d’investisseur sur des projets locaux, dont il voit les bénéfices et sent l’intérêt.
Energystream : Est-ce que vous pensez que votre modèle aura sa place dans le développement des énergies renouvelables ? Est-ce que le modèle individualiste – le particulier détient sa propre installation de production d’énergie – ne serait pas plus intéressant?
Georges Audras : Tout d’abord il faut savoir les deux modèles sont largement adoptés en Allemagne, en effet, plus de 50% de la production des énergies renouvelables en Allemagne est issue de projets financés par des citoyens, nous sommes donc très en retard par rapport à nos voisins.
Le citoyen peut effectivement avoir sa propre installation de panneaux solaires et éventuellement du stockage d’énergie pour couvrir une partie ou la totalité de sa consommation d’électricité, mais le prix bas d’électricité et le coût d’installation qui reste relativement élevé rendent ce modèle moins intéressant en France qu’en Australie par exemple, où l’électricité est quasiment trois fois plus chère. En outre, une grande partie des citoyens habitent soit en location, soit dans des immeubles incompatibles avec l’installation de panneaux solaires, l’investissement participatif leur permet d’éviter cet obstacle en investissant sur un projet dans leur entourage, comme l’installation de panneaux solaires sur les toit d’une école ou d’un industriel.
Je pense que les deux modèles sont intéressants et pourront contribuer au développement d’une énergie propre et locale.
Energystream : Comment vous voyez l’avenir de l’écosystème de l’énergie demain?
Georges Audras : Nous allons certainement vers une production décentralisée et locale, en plus de grands acteurs de production de l’énergie verront de nouveaux acteurs rentrer sur le marché, ces nouveaux acteurs seront certes petits en taille mais suffisamment nombreux pour avoir un poids dans le mix énergétique, Ce nouvel écosystème sera certainement la source de nouveaux défis pour la chaîne de transport et de distribution, en effet, la production décentralisée entraîne des complexités supplémentaires qui se rajoutent à la problématique de l’intermittence des énergies renouvelables, l’équilibre du réseau devient ainsi plus fragile et nécessite des nouveaux modèles de gestion.
Avec la baisse des coûts d’installation de moyens de production d’énergie verte, et grâce à leur modularité, il est certain que les projets verts citoyens auront un environnement favorable pour se développer.
Energystream : Selon vous, quels sont aujourd’hui les leviers qu’il faudrait activer pour accélérer le développement de l’investissement participatif dans les énergies renouvelables?
Georges Audras : Aujourd’hui, la difficulté principale est d’ordre économique, le modèle économique des énergies renouvelables est fragilisé par le prix bas de l’électricité qui diminue la marge et l’attractivité de l’investissement, en parallèle la nature de ces projets impose des coûts qui peuvent parfois mettre en péril la profitabilité, par exemple les assurances qui s’imposent du fait que l’installation est considérée comme un ouvrage industriel peuvent parfois atteindre jusqu’à 30% des coûts, ou l’obligation d’intégrer les panneaux solaires en toiture implique l’achat de systèmes d’intégration spécifiques qui coûtent plus cher…
En outre, le développement des énergies renouvelables à grand échelle s’affronte à la difficulté de passer par des appels d’offres longs et coûteux quand la puissance produite dépasse un seuil déterminé par la CRE, les grands projets verts sont donc difficiles à concrétiser parce que le dispositif actuel les met en concurrence avec des sources d’énergies, certes plus polluantes, mais peu coûteuse.
Finalement, étant donné que les projets verts sont plus proches des zones habitables, l’acceptabilité sociale est un enjeu majeur dans le développement de ces projets. Il est donc important de s’assurer que la communication autour des énergies renouvelables joue son rôle pour convaincre les citoyens de l’intérêt de ces projets et de les pousser à s’engager pour atteindre nos objectifs de la transition énergétique.
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