L’innovation urbaine au cœur de la Smart City.

Nous avions mis en relief les critères clés qui définissent la Smart City dans nos précédents articles sur Energy Stream (« Smart City, une formidable opportunité à notre portée ») : mobilité, environnement, capital culturel, gouvernance et économie. Aujourd’hui nous nous interrogeons sur la place de l’innovation urbaine dans la Smart City, sa capacité à bien fonctionner et à mettre l’usager au cœur du dispositif. Et si, finalement, une Smart City n’était que la somme entre l’ouverture sur l’extérieur –partenariats, intégration de l’usager ou usager avoisinant – et sa capacité à mettre en place des dispositifs innovants…
Dédale, bureau d’études spécialisé dans les questions liées à la stratégie urbaine nous offre quelques réponses. Entre tourisme urbain, médiation et valorisation du patrimoine, développement urbain, ou participation citoyenne, Dédale nous fait redécouvrir la Smart City sous l’aspect de l’innovation urbaine.
Julien Brouillard, Chargé de développement Innovation numérique & urbaine au sein de Dédale, a accepté de répondre à quelques questions.

 


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M.B. : Quand et dans quel contexte est né le projet Dédale ?

Julien Brouillard : Dédale est initialement une association née en 1995. Notre volonté a été de conduire dans les années 2000 des projets basés sur la culture et les arts numériques. La mise en place du Festival Emergences a été la première pierre à l’édifice : ce mouvement nous a permis de mixer de nouvelles formes artistiques et avec de nouvelles technologies, à la frontière des arts de la scène, des arts visuels, du multimédia, du design, de l’architecture et des musiques électroniques.
Ce premier volet a poussé le développement d’activités plus pérennes donnant naissance à « Smart City » en 2006 tourné vers le questionnement sur la place de l’artiste et son intervention dans la ville – Quel est le rôle de l’artiste dans le projet de renouvellement humain ? -.
Smart City a été un projet de renouvellement urbain crée en co-construction avec les artistes pour participer au développement du territoire, à l’identité de la ville ainsi qu’à la valorisation du patrimoine par l’œuvre.

M.B. : On retrouve aujourd’hui cet aspect très prononcé de valorisation du patrimoine dans vos lab. d’expérimentations grandeur nature à La Cité Université Internationale…Quelle direction a pris Dédale depuis 2006 ?

J.B. : Oui, tout à fait. Aujourd’hui nous sommes un bureau d’études accompagnant les entreprises des marchés publics mais également les promoteurs sur des problématiques liées à l’innovation urbaine. Une équipe de cinq personnes – quatre en fixe et un consultant free-lance – œuvre à la mise en place de solutions d’innovation urbaine. Le consultant free-lance peut-être un chercheur ou un expert en équipements innovants par exemple, de notre côté nous avons une personne chargée d’Innovation numérique (moi-même), une autre personne sur le volet numérique plus orientée « culture », un paysagiste-urbaniste et une géographe gérant les questions autour du numérique territorial.

M.B. : Comment définiriez-vous un Living Lab. ? Et quels sont les acteurs qui y participent ?

J.B. : Ce sont des laboratoires d’innovation territoriale ouverte. Le Living lab. consiste à mettre la solution sur le marché. Le Living Lab. fait partie de notre proposition de valeur. On y expérimente des services et des usages sur les thématiques « Ville durable et urbanisme durable » en l’usager. Le segment résidentiel est la colonne vertébrale de nos expérimentations qui sans cette vision utilisateur/citoyen, n’auraient pas de sens. Très concrètement on délivre des applications mobiles ou des outils de valorisation du territoire à l’issue de ces expérimentations qui se font la plupart du temps dans le cadre de projets subventionnés.
Par ailleurs, nous y mettons en place des ateliers avec différents acteurs comme les start-ups ou des étudiants et citoyens ; l’idée étant de les confronter aux questions et aux idées sur des grandes thématiques telles que la mobilité, l’information, les orientations, les projets de signalétiques urbaines (cf. Paris Saclay) ou de stationnements intelligents.
Des acteurs locaux y participent comme les galeristes ou les commerçants lors d’aménagements urbains au sein de leur quartier. Lors du déménagement de Sciences Po, nous avons élaboré des ateliers avec les commerçants pour comprendre leurs attentes, leurs besoins et l’articulation de l’installation dans le temps.
City Telling a aussi profité d’une expérimentation en living lab. Nous avons crée un kit d’éditorailisation du territoire basé sur une cartographie sensible et collaborative, une application mobile innovante et un dispositif dédié à la mise en œuvre de parcours de visite enrichis. Le kit CityTelling est à destination des collectivités publiques, des institutions culturelles et des acteurs de l’urbain.

M.B. : Quelles sont vos activités aujourd’hui ?

J.B. : Dédale couvre trois activités que sont la concertation et la médiation de projets urbains, l’innovation urbaine à l’échelle du bâtiment et du quartier et enfin, le conseil sur le volet numérique notamment auprès des collectivités (contribuant au développement numérique dans le territoire).
Parallèlement, nous traitons l’impact transversal du numérique sur la Smart City et le Smart Citizen, au-delà des éléments techniques infra-réseaux. Ici, on va identifier les besoins utilisateurs, les cas d’usages, et leurs attentes…Le citoyen doit être au cœur de cette ville intelligente.
Pour citer quelques projets emblématiques, à Vitry, ville qui prend aujourd’hui un virage à 360 degrés sur le numérique, nous avons réalisé une étude des infrastructures comprenant également un déploiement de services et une médiation numérique en amont sur la culture et la formation. Nous nous sommes questionnés sur le choix des lieux pour porter ce type de démarche (lieux de culture, bibliothèques…). Nous avons également apporté notre savoir-faire en médiation et concertation sur le projet « Ilot Fertile » du 19ème arrondissement lancé dans le cadre du projet « Réinventer Paris » qui vise l’éclosion d’un quartier « Zéro carbone ». L’expérimentation sur le territoire mise en place dans ce grand projet de renouvellement a été réalisée avec des start-ups grâce à des smart grids (bâtiments intelligents permettant l’optimisation de la gestion des consommations des habitants notamment).

M.B. :  À Vitry, quel discours avez-vous mis en place pour faire converger et accompagner les acteurs ?

J.B. : Vitry a la particularité d’être une ville pauvre en infrastructures, avec notamment un problème de couverture en haut-débit. Le discours a été porté par une étude du numérique sur la capacité à développer des outils numériques, à se greffer à la structure et au réseau existant. Pour se faire accepter et reconnaitre, nous avons dû échanger avec un ensemble d’acteurs sur le territoire allant de la start-up jusqu’à l’habitant. On retrouve ces questions d’intégration du citoyen dans d’autres projets tels que le Grand Paris Express sur le service de stationnements intelligents (implication de la cible à travers le Living Lab, toujours dans une démarche co-constructive). À la différence avec les premières Smart City comme Issy-Les-Moulineaux, aujourd’hui le citoyen ou usager est davantage consulté en amont, ce qui apporte une réelle valeur ajoutée à tous les niveaux.


M.B. : Et Paris dans tout cela ? Quels sont les grands projets menés sur la ville Lumière ? Faites-vous des liens entre chaque projet ? Créez-vous des synergies ou best practices ?

J.B. : Nous avons participé à de gros projets pour la ville tels que « Réinventer Paris » ou encore « Réinventer La Seine » qui vise à inventer de nouvelles façons de vivre autour de la Seine, proposant des innovations à tous les niveaux (urbain, architecturale,…) y compris dans la manière de dérouler le projet en intégrant les acteurs locaux. Les projets sont réalistes et voient un réel aboutissement en aval.
Nous avons une problématique importante quand nous répondons à un appel à projet, celle de la non-transversalité des projets. Tous les concours sont très silotés, sans lien entre eux. Nous valorisons le terrain au sein d’une proposition innovante et se pose parfois la question de la rémunération des équipes quand le projet est long, le cas du projet du Grand Paris sur plusieurs sites…

 

M.B. : La Mairie de Paris met en avant trois éléments clés pour définir une Smart City, à savoir une ville Ouverte, Connectée et Ingénieuse. Quelle serait, selon vous, la définition idéale d’une Smart City ?

J.B. : « Pour Dédale, la ville intelligente serait celle des décloisonnements des compétences, totalement ouverte et en lien avec les acteurs du territoire, par exemple, avec les associations locales, les collectivités, dans une volonté d’implication sur la durée. Effectivement, la concertation avec les usagers apparait comme intrinsèque et obligatoire dans la législation des projets mais la Smart City doit aller au-delà, et proposer un réel travail avec les futurs utilisateurs. La tendance de la ville intelligente va vers la mixité : espace de coworking, logements étudiants, nouveaux aménagements dans des lieux…
Il y a de véritables enjeux. Lorsque l’on conçoit des services marchands, de programmes de commerces et d’équipements par exemple, certains projets requièrent la concertation de l’usager en amont pour pérenniser la mise en place et faire accepter le projet par tous. En plus, on souhaite faire comprendre la mixité des programmes (cf. projet Halle Pajol conduit par le collectif Azapné).

M.B. : Quelles seraient, selon vous, les opportunités prédominantes en vue de favoriser le processus d’innovation urbaine ?

J.B. : Sans hésiter la valorisation et la médiation du territoire. Notre projet Heritage Experience a une forte valeur ajoutée en ce sens : il s’agit d’un service numérique culturel innovant dédié à la valorisation du territoire et du patrimoine à travers l’agrégation de contenus et la création de films en mobilité. Basé sur une application iPhone innovante, Heritage Experience permet d’explorer de manière sensible un territoire et d’accéder en mobilité à un ensemble de contenus audiovisuels géolocalisés(images d’archives, interview d’usagers du territoire, points de vue d’experts, récits d’habitants, …).
Je pense également que la capacité d’un site à s’implémenter de projets de Smart City grâce à un bon niveau de services (mutations dans les usages et/ou dans les outils) constitue une réelle opportunité.
Enfin je dirais que les méthodologies allant dans le sens des associations entre habitants et utilisateurs ou encore dans la création de programmes monofonctionnels qui génèrent du mixte sont les ouvertures clés. Aujourd’hui, un même lieu entraine différents cas d’usages, la gare n’est juste un lieu de déplacement mais devient un espace de co-working, un lieu d’hébergement pour les séjours d’affaires…l’usager classique n’est plus la seule cible, les usagers « avoisinants » sont également impactés.

M.B. : Quels seraient selon vous, les critères pour être « labellisée » Smart City ?

J.B. : Si on reprend les trois critères définis par le projet « Ville Intelligente et Durable » développé par la mairie de Paris, il faut que la ville soit numérique, dans le sens où il faut qu’elle possède une infrastructure riche en potentialités pour permettre aux outils innovants de s’implanter correctement ; ouverte, elle doit intégrer le citoyen à travers les expérimentations urbaines ; ingénieuse, elle doit faire communiquer performance, ressources et durabilité en créant par exemple des partenariats avec des structures qui ont une bonne connaissance du quartier – UGC a construit une relation privilégiée avec un centre social et culture car touchant la même population -. Cette recherche de partenariats stratégiques permet d’impliquer le projet dans sa durée et d’avoir un programme commun riche en compétences transverses. »

 

QUE RETIENT-T-ON DE L’INTERVIEW ?

  • Dédale est un collectif innovant grâce de ces Living Lab. pensés de manière territoriale.

=>Les facteurs de succès de l’innovation urbaine dans la smart city :

  • Privilégier une méthodologie co-créative et orientée utilisateur final.
  • Questionner sans cesse l’espace public pour faire éclore les projets.
  • Identifier la potentialité des infrastructures d’un site afin de garantir la bonne mise en place des outils innovants.
  • Délivrer des outils créatifs (cartographies collaboratives, application mobile…) pour créer du sens à l’usage et un esprit ludique.
  • Dialoguer sans cesse en amont/aval avec l’ensemble des acteurs de l’écosystème.
  • Mobiliser une équipe projet aux compétences transverses associée à des réunions publiques externes pour établir un travail de terrain riche et collaboratif.
  • Privilégier des partenariats stratégiques clés.
© Images : Dédale

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